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Expo : Jean-Jacques Lebel à Maison Rouge

Samedi 24 octobre 2009

La fondation Antoine de Galbert vernit ce soir jusqu’à 19h une exposition consacré à un touche à tout ultra savant et très doué. Plasticien protéiforme, Jean-Jacques Lebel prône une révolution individuelle, ce qui ne l’empêche pas de  montrer autour et dans ses compositions  l’immense palimpseste qui les a inspirées.

Jean-Jacques Lebel est  un plasticien qui travaille sur de nombreux supports : tableaux, photos, vidéos, installations, et sculptures. Des happenings l’ont également rendu célèbre dans les années 1960, notamment lors du festival Polyphonix. L’exposition “Soulèvements” met en lumière un touche-à-tout de génie, qui prône une révolution partant de l’individu et se met en scène dans les objets d’art qu’il a collectionnés, si bien qu’on a souvent l’impression d’être devant une grande vitrine multi-référentielle qui fait penser au bureau d’André Masson.

Pour Jean-Jacques Lebel ” toute exposition est une barricade”, si bien qu’il est logique d’entrer  dans “Soulèvements” par un long couloir  dédié aux barricades révolutionnaires. Au plafond de ce couloir, Lebel a suspendu une sculpture de marteaux et de sacs à main. Sur les murs de cette section consacrée à l’art de la barricade, on trouve de nombreuses références à la Commune de Paris et à Mai 68. Et sur les murs, on peut voir des œuvres aussi rares et précieuses qu’un autoportrait de Louise Michel, ou une gravure consacrée à la Commune signée Gustave Doré. Après avoir passé une grande vitrine où des Mickey pop siègent aux côtés de sculptures africaines, on entre dans le panthéon de Lebel. La “poésie visuelle” qui a inspiré l’artiste comprend aussi bien des artistes dada et surréalistes (Duchamp, Picabia, Ghérasim Luca..), que de grands poètes (Hugo, Rimbaud, Baudelaire, dont on peut voir deux esquisses, Apollinaire…), ou encore de superbes masques africains qui ont inspiré à Lebel son art de la métamorphose. A côté d’une statue de la liberté qui tient des tables sur lesquelles est gravé “Rose Selavy”, l’installation “Les avatars de venus” transmue sur quatre  écrans un chef d’œuvre classique de l’histoire de l’art représentant la déesse en un autre. Il y a un mystère dans le passé et se positionner par rapport à ce mystère permet la création. La section l'”énigme”  tourne autour de ce mystère quand elle place le visiteur face à un superbe double portrait de Füsssli, puis face à un Brauner. Elle le prépare doucement à se confronter à la deuxième installation de Lebel : un grand mur fait de douilles d’obus sculptées (souvent dans un style art nouveau) par les poilus de la Première Guerre.

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La salle suivante propose une porte que l’on peur ouvrir ou non et qui semble donner sur une chose belle et dangereuse. A côté de cette porte mystère, de belles gravures de George Grosz et de Abel Pinay, font office de vestibule à la déclaration d’amour de Lebel pour Dada. Dans “Dada soulève tout”, on trouve une reproduction du fameux cliché signé par Man Ray du groupe fondé par Tristan Tzara (1921). Après cette longue page d’histoire, ce sont les années 1960 que Lebel a vécues et auxquelles il a participées qui sont évoquées, notamment à travers des photos des happenings qu’il a organisés : “L’enterrement de la chose”, “120 minutes dédiées au divin marquis”, ou encore, “Déchirex”.

La salle suivante montre les carnets de notes très colorés et emplis de collages de l’artiste. Elle ouvre sur la gauche sur sa troisième grande installation : un hommage à Deleuze et Guattari et à leur concept de rhizome. Elle avait été exposée en 1994, lors de l’hommage “Hors limites”. Autour de cette grande voiture revue et corrigée pour évoquer le rhizome, on trouve des œuvres de contemporains et collègues de Lebel : Erro, Carmen Calvo, Takis, Jonas Mekas (qui a réalisé le portrait de Lebel), Nam June Paik, Jean Tinguely, Alain Fleischer, Yoko Ono, Asger Jorn, Jacques Monory et bien d’autres …

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La quatrième grande installation de Lebel est une réflexion sur Eros que l’artiste présente après Parménide comme “le premier de tous le dieux, celui qui fut songé”. Le “reliquaire pour le culte de Venus” de Lebel juxtapose des photos de belles femmes dénudées patiemments encadrées dans du bois visible. Leur agencement laisse lire le mot : “Nu”.

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Enfin, au sous-sol de la maison rouge, Lebel rend hommage au poète et dramaturge Antonin Artaud. Des clichés du Momo interné à l’hôpital psychiatrique de Rodez sont accrochés aux murs et Lebel a reproduit l’installation qu’il avait proposée à Düsseldorf en 2000, lors d’un hommage à Artaud : la chambre de l’hôpital d’Artaud est reproduite. L’on peut voir la machine à électrochocs et on peut entendre l’auteur dire son texte “Les malades et les médecins”.

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Extrêmement référentielle, l’expo “Soulèvements” invite à voir des objets rares et à  (re)découvrir un révolutionnaire de génie. A voir d’urgence.

“Jean-Jacques Lebel, Soulèvements”, jusqu’au 17 janvier 2010, Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert, 10 bd de la Bastille, Paris 10e, m° Bastille, Quai de la râpée, 7 euros (TR 5 euros).

Vernissage samedi 24 octobre 14h-19h.

Long week-end sous le soleil de Miami (Art Basel)

Lundi 8 décembre 2008

Attrapant mon avion comme un bus à Lagardia (en traversant d’ailleurs le foisonnant Harlem en transports en commun), jeudi, je suis arrivée vers 19h à l’aéroport de Miami. Rangement rapide du manteau en fourrure dans la valise : il fait 25 °. Rien que le fait de pouvoir se déshabiller sans claquer des dents est un luxe inespéré. Conduite prestement par un taxi haïtien qui m’a entretenue en Français et tutoyée, j’ai fini par trouver l’entrée dramatique (calèche blanche et design modern branché) de notre hôtel au nom hollandais (décidément je suis maudite) : le Gansevoort. Douche rapide, robe noire et c’était parti pour un dîner 100 % Miami dans un restaurant Français mi-marocain, mi cuisine française, avec BO sortie d’une barmitsvah safarade parisienne des années 1990 (Albina, cette année là, aicha, I will survive et j’en passe et des meilleures…). La nourriture était – il faut le reconnaître- bonne, le luxe un peu lourd de l’endroit m’a caressée dans la bon sens du poil, et le chablis était bienvenu après une journée à courir les interviews et les transports. On a tous beaucoup dansé, avec des gens que nous ne connaissions pas et légèrement ivres. Et puis nous avons décidé d’arrêter le fil de la nuit et d’aller dormir. Claquage de grosses bises au propriétaire du restaurant, conseil de guerre dans l’a chambre d’un de mes deux amis et puis nous sommes allés dormir.

Au matin, mon ami, Danny, devait travailler, donc réveil à 7h30. Petit déjeuner paradisiaque sous le soleil près de la piscine avec vue sur mer. J’ai été profondément séduite par le plaisir simple de sentir un soleil fort sur ma peau. Si bien que j’ai décidé de repousser ma visite des galeries et de Art Basel à 11h pour m’allonger en maillot de bain près de la piscine. En plus, j’ai bien fait car aucune des foires n’ouvrait avant midi. Autour de la piscine avec vue sur la mer, il y avait beaucoup de belles plantes et de gars basanés qui parlaient français. Lisant et changeant régulièrement d’angle pour bien absorber les rayons, je n’ai eu que peu de temps pour observer la compétition de lunettes chanel et de bikinis griffés. Après un bain, c’est en baskets que je me suis lancée à l’assaut de la ville. La foire Artbasel a lieu au convention center qui était à distance humaine de notre tout nouvel hôtel au clinquant symapthique mais vraiment sans qualités. L’expo était encore fermée quand je suis arrivée après avoir marché sur le bord de Collins avenue (qui ressemble à une autoroute) sous un soleil de plomb. J’ai donc commencé par les galeries de traverses qui étaient nombreuses.

J’ai bien vite compris qu’à Miami, tout est une question de quantité. Par exemple, un marchand d’art est important quand il a « le plus grand nombre de Picasso au monde ». Contrairement à Art Basel en Suisse, qui a ses off, mais est assez concentrée, l’opulence à Miami vous pousse à vous éparpiller. Et c’est avec plaisir que vous vous laissez épuiser par la profusion, car dans la masse, il y a indéniablement des œuvres de grande qualité. Cela m’a aussi permis de découvrir des galeries d’Arizona ou du Brésil dont je ne connaissais pas même l’existence.

Le nombre de foires « off » est hallucinant. Il y a deux locations principales : à Midtown, nouvelle aire en plein développement – projet dont d’ailleurs l’ami avec qui j’étais s’occupe- où les œuvres sont entreposées dans des « salons » sous des tentes. Et près de la mer, dans de vieux hôtels qui ont du être chics dans les années 1980, et les galeries s’installent littéralement dans une chambre, les hôtes vous recevant sur un lit où sont éparpillées les toiles. En plus ils vous reçoivent bien, avec le sourire, heureux que vous vous penchiez sur leurs artistes, et désespérés de vendre quoi que ce soit où malgré le grand train de vie, les collectionneurs réfléchissent à deux fois avant d’investir des dizaines de milliers de dollars. A la Bridge, côté mer, j’ai poussé la porte d’un galeriste-artiste, apparemment l’ancien amant de Pierre Restany, qui a organisé in situ des lancers de femmes nues couvertes de peintures en hommage à Yves Klein, s’est vanté d’être extrêmement prolifique et a son immense studio au Texas. Plus chic avec son patio aux palmiers, INK se concentrait sur les œuvres sur papiers. J’ai été très impressionnée par de récents Manolo Valdès (d’après les Ménines de Velázquez) et les derniers papillons de Damian Hirst. Comme mon ami travaillait toujours, j’en ai profité pour visiter le « Bass museum ». dans l’escalier trône un joyau issu d’une coopération entre Botticelli et Ghirlandaio, et les deux expositions temporaires étaient très soignées  : une rétrospective de l’artiste Pedro Reyes, qui joue avec la narrativité et les fins possibles d’une histoire, et une expo thématique très réussie sur des artistes contemporains russes, où j’ai retrouvé le collectif AES+F et découvert le très poétique Leonid Tishkov qui a peint un poème pictural en photos sur une homme qui a trouvé la lune (en néon) et ne l’a plus quittés.

A 13h30, enfin, nous poussions la porte de Art Basel. Après une légère et nécessaire collation, nous avons commencé notre tour méthodique, mon ami me coupant dans mes couplets sur Kiki Smith ou Christian Boltanski, et cherchant de quoi décorer son appartement. Avec bon goût, ou en tout cas un flair sûr puisqu’il s’est arrêté chez Malborough pour les personnages fuyants de Juan Genoves et chez Perrotin pour les petites femmes de Aoshima. A 16h30 nous avons sautés dans un taxi pour nous retrouver à Midtown et voir la Scope –où tout n’est que pastiche de grands maîtres contemporains – à Art Miami, très inégale, mais où nous avons revu une des œuvres de fil de Devorah Sperber.

Notre petit tour s’est fini par un vernissage dans un mall à la californienne, où un artiste du nom de Britto devenait « corporate » pour des voitures. Le temps d’un macaron Paul et puis nous sommes rentrés à l’hôtel pour faires les prières du shabbat dans la chambre, prendre une douche et être à l’heure au 28 étage d’un très bel immeuble avec vue sur tout Miami à 21h. De verre de champagne en verre de champagne, j’ai rencontré des gens très chics et nombreux dans l’immobilier ou l’organisation de soirées. Nous avons fini la nuit comme il se doit dans une villa au luxe agressif de « Star Island » où des gens de tout âge buvaient comme dans un Fellini dans un jardin très travaillés avec sculptures et miroirs.

Après une grasse matinée bien méritée, nous sommes sortis pour le petit déjeuner le lendemain et sommes allés au magnifique hôtel Seitan (leading hotel of the world) au charme zen, et raffiné. Chaque orange au centre des tables créait une harmonie avec le bassin miroir du centre de la cour où était servi le repas. La transition vers le toit de notre hôtel qui reproduisait le Nikki Beach en hauteur a été difficile mais amusante. J’ai même étonné tout le monde en nageant dans la piscine (bien plus propre que celle du Nikki Beach). Dans l’après-midi nous avons fini notre tour de Midtown et plongé dans le quartier design de Miami où j’ai dégusté le meilleur repas italien du nouveau monde avant de suivre mon ami dans sa quête d’architecture d’intérieur. Puis nous sommes allés à la Gym, qui est la même que la mienne à New-York en encore plus dramatique (3 étages, miroirs aux décorations mauves et chaînes sur le bord des marches de l’escalier) et gay (David Barton).

Mais samedi soir à 19h, elle était surtout très vide. Pas de sauna, je me suis contentée d’un hammam après le sport. Le temps d’une douche, de manger des céréales bio dans du lait de riz et c’était reparti pour un retaurant pseudo-asiatique qui vient d’ouvrir Philippe et la grande soirée su magazine chic local : Ocean Drive au clinquant club du clinquant hôtel Fontainbleau. Trop de faux seins, trop de Vuitton, trop de Paméla Anedrson posant avec le patron du magazine dans une salle qui ressemblait comme une goutte d’eau au Bobino. Au bout de dix minutes j’ai piqué une grosse crise d’angoisse, alors nous sommes allés manger une glace sur Lincoln Road, sorte de centre commercial et bon enfant (Aix en moins chic) de la ville. Après un dernier brunch au Seitan et un empaquetage rondement mené, nous avions rendez-vous à 12h30 pour prendre un avion privé vers New-York. Et me voici de retour dans un froid polaire, heureuse de retrouver l’architecture vivante de Manhattan.