Articles taggés avec ‘Sara Forestier’

Joann Sfar dépoussière Gainsbourg

Dimanche 24 janvier 2010

« Gainsbourg, (Vie héroïque) » est, comme son sous-titre, plus un conte évoquant la figure du dandy de la chanson française qu’un biopic grandiloquent. On y retrouve à chaque image l’univers fascinant du dessinateur Joann Sfar.

En décidant de s’appesantir sur les jeunes années de Lucien Ginsburg, et en passant très vite sur les années d’auto-destruction, le dessinateur du « Chat du rabbin » redonne un coup de jeune à Gainsbarre. C’est l’enfant au bord d’une plage qui intéresse Sfar : l’enfant artiste-peintre rêveur et l’enfant juif apeuré pendant la guerre. Débutant dès le générique par une série de dessins très stylisés, Sfar marque tout de suite la vie de l’idole de sa propre patte. Et sa décision d’évoquer plutôt que de montrer les fantômes de l’auteur-compositeur donne aux 2h10 de film une légèreté quasi-onirique. Sfar insiste longuement sur la judéité de Ginsburg : les accents justes de la famille russe immigrée, l’amour et l’exigence du père, et surtout l’étoile et la cache dans une école catholique pendant la guerre, où la figure de l’affiche de la tristement célèbre exposition « Le juif et la France » sort de son cadre pour accompagner l’enfant pendant les sombres années.

Les années de vraie Bohême de l’enfant qui se destine à être peintre sont le cœur du film : la rencontre avec Frehel (géniale Yolande Moreau), alors que le gamin de onze and drague un modèle, puis celle de sa première femme avec qui il passe sa première nuit dans l’atelier de Dali, et enfin celle de Boris Vian (inévitable Philippe Katerine) et des frères Jacques, qui comme le veut la chanson lui beurrent sa tartine avant d’entonner sur scène « Le poinçonneur des lilas » et de lancer Serge Gainsbourg. Sfar dépeint cette atmosphère avec la même légèreté érotique qu’il avait employée pour faire revivre le Montparnasse des années 1920 dans sa BD sur « Pascin ».

Selon Sfar, Gainsbourg découvre qu’il doit se détourner du crayon pour reprendre le piano de son père lorsqu’il rencontre son double. Ce fantôme est une figure fantasmatique de lui-même (nez crochu démesuré et oreilles paraboliques) qui est à la fois son guide, son inspiration de poète et son coup de pouce en cas de timidité touchante avec les femmes. Ce double qu’il appelle « ma gueule » est une sorte de dibouk hassidique qui s’efface quand Gainsbourg prend (trop ?) confiance en lui après l’affaire Bardot.

Dans ce dernier rôle, Laetitia Casta, génialement dirigée, est une parfaite Camille du mépris à l’énonciation toujours trainante. Puis lorsqu’il rencontre Jane Birkin (touchante Lucy Gordon) et renvoie son double, Gainsbourg semble commencer sa chute, sa « gueule » se retournant contre lui pour lui susurrer les impertinences et les excès de la fin de sa vie. Fort heureusement, Sfar n’épilogue pas longtemps sur Gainsbarre et son jeu pervers avec les médias, conservant de ces années deux chansons : « je t’aime, je t’aime » et « aux armes etc », et passant outre le billet brûlé ou les passages télé en état d’ébriété avancée. Pari réussi donc pour ce conte qui présente bien la face solaire et héroïque de Gainsbourg avec un grain de folie, et quelques épis de fantaisie.

Note : regardez bien, parmi les musiciens autour d’Eric Elmosnino, vous pourrez deviner : Gonzales, Mathias Malzieu, ou Thomas Fersen, et Sfar lui-même s’est grimé en Brassens.

« Gainsbourg, (Vie héroïque) », de Joann Sfar, avec Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Lucy Gordon, Anna Mouglalis, Laetitia Casta, Mylène Jampanoï, Philippe Katerine, Deborah Grall, Razvan Vasilescu, Kacey Mottet, et Sara Forestier, , France, 2h10, sortie le 20 janvier.

Les herbes folles, le nouveau Resnais

Vendredi 30 octobre 2009

L’immense Resnais abandonne la comédie musicale et revient à l’adaptation littéraire avec ce film tiré du roman de Chistian Gailly, “L’incident” (Editions de Minuit). Dans “Les herbes folles”, le public retrouve Dussolier et Azéma dans une suite très psychologique d’actes irrationnels.

Dentiste et aussi aviatrice, Marguerite Muir (Sabine Azéma) se fait voler son sac en allant acheter des chaussure dans un magasin des galeries du Palais Royal. Peu après, dans un parking de centre commercial de banlieue, Georges Palet (André Dussolier) retrouve le porte monnaie de Mademoiselle Muir. Il le confie à un agent de police (énorme Mathieu Amalric). Le coup de fil de Marguerite pour remercier un Georges désoccupé mais très bien marié (le rôle de la femme étant tenu par l’étoile montante du cinéma français, nne Consigny) entraîne une relation non-sexuelle et complétement obsessionnelle.

Affiche  signée Blutch, titre sublime, casting bouleversant (Azéma en éternelle rousse éméchée, Dussolier en psychopathe qui retient ses envies de meurtre, Anne Consigny, Emmanuelle Devos dans son rôle favori de bourgeoise, Matthieu Amalric, Michel Vuillermoz, apparitions de Nicolas Duvauchelle, Sara Forestier ainsi qu’Annie Cordy et même Edouard Baer pour la voix off), parfaite distance au texte de Gailly qui voulait surtout que Resnais lui fiche la paix et lui laisse écrire son roman suivant, “Les herbes folles” est un film fin, aux plan léchés, aux flash backs chorégraphiés et à la psychologie fine. Le film est moins facile d’accès que “On connaît la chanson” ou “Smoking no smoking” et renoue avec l’absurde très littéraire de “La vie est un roman” (1983) ; l’apprécierdemande une certaine patience et le goût du détail, mais tout ceci réjouira les fans d’Alain Resnais.


Les Herbes folles Bande Annonce du film
envoyé par LE-PETIT-BULLETIN. – Les dernières bandes annonces en ligne.

“Les herbes folles”, d’Alain Resnais, avec André Dussolier, Sabine Azéma, Anne Consigny, Emmanuelle Devos, Matthieu Amalric, Michel Vuillermoz, Nicolas Duvauchelle, Sara Forestier, et Annie Cordy, 2009, 1h44, sortie le 4 novembre.