Le Voisin insupportable et libérateur de Tatiana de Rosnay
Vendredi 26 mars 2010L’auteure d’ “Elle s’appelait Sarah”, “La mémoire des murs” et de “boomerang” ressort chez Héloïse d’Ormesson un livre épuisé depuis 2000. Ccomme d’habitude thriller et fine psychologie sont au rendez-vous. Tatiana de Rosnay n’a donc pas besoin de la moto d’Angèle Rouvatier pour séduire ses lecteurs.
Colombe Barou ne s’habille pas en cuir, ne fait pas de moto et elle ne se préoccupe pas des cadavres, mais de la bonne tenue de sa petite famille : ses deux fils et son mari, bien trop souvent en voyage. Quand les enfants sont à l’école, elle fait un mi-temps comme nègre dans sa petite ville de province. En vrai, Colombe est une grande femme sensuelle et qui se rêve écrivaine; par habitude elle se tient voûtée, se cache dans l’ombre de sa pétillante sœur Claire, et des auteurs dont elle écrit les livres. Mais un déménagement et un nouveau voisin qui la réveille en pleine nuit à grands renforts de Mick Jagger va pousser “bobonne” à se rebiffer. Si la nouvelle Colombe en pleine crise d’insomnie n’ose pas encore frapper à la porte du voisin pour lui dire combien il la dérange, elle s’offre des guêpières pour séduire à nouveau son mari et se faufile dans l’appartement du gêneur…
On retrouve dans “Le Voisin” la patte de Tatiana de Rosnay : suspense, fantômes, et intrusion fine dans la psychologie d’une jeune femme de bonne famille. De quoi nous tenir en haleine et nous donner à nous aussi l’envie de se révolter contre la tyrannie de l’aspirateur et de l’anonymat. Entièrement concentré sur la figure de Colombe, “Le Voisin” est peut-être moins subtil que d’habitude sur les motivations de ceux qui l’entourent : les enfants sont quasi inexistants et interchangeables sauf pour remarquer les transformations de leur maman, le mari est un boulet infidèle, la sœur une apparition un peu énervante, et même le voisin est bien pâle face à la force de caractère en plein chamboulement de Colombe. Colombe et c’est tout, mais cela suffit pour remplir un cahier des charges volumineux sur le travail harassant, silencieux et méconnu de toutes les discrètes mères de famille de France.
Tatiana de Rosnay, “Le Voisin”, Editions Héloïse d’Ormesson, 236p., 18 euros.
“Vers deux heures du matin, Stéphane se met à ronfler. Colombe subit. La gamme complète est à sa disposition; elle reconnaît les longs, anticipe les courts, ceux ponctués d’un grognement, d’autres d’un râle. Comment a-t-elle pu passer plus d’une décennie auprès d’un homme qui ronfle autant? Il n’y a rien de pire que vouloir dormir à côté de quelqu’un qui, lui, dort profondément et le montre” p. 90.