Le must de cette semaine est probablement ma longue interview d’un jeune artiste (dessinateur et vidéaste) dont j’ai adoré les œuvres à cutlog et que j’ai longuement interviewé il y a deux semaines en une soirée folle entre vernissage dans le BHV vide, dame tartine près de la fontaine Tinguely/Saint Phalle, et à son atelier. Beaucoup de travail pour retranscrire cet entretien fleuve passionnant et un geste qui m’a émue aux larme : David a tellement apprécié l’article qu’il m’envoie un de ses dessins. Pour en savoir plus sur David Ortsman, c’est ici.
Niveau livre, voir mon commentaire romain du post précédent, je suis entrée dans le lit de lanzmann, dans la gorge de foucault, et dans les scènes de ménage de Doc Gyneco (chronique à venir). Déception sur le deuxième roman de Yann Suty dont j’avais adoré le premier opus, Cubes. Enfin, un livre étrange “le revolver de Lacan“, à propos duquel j’ai bien du écrire qu’en comparaison, le style de Duras pouvait paraître opulent.
Films : sympathique petit film français où un couple que l’honnêteté a mené à la médiocrité se met à dealer de la drogue, superbe film noir avec explications sur hollywood et le Mccarthysme : he ran all the way (1951). Leçon soporifique du pourtant excellent Téchiné au Forum des images. RAS à part son bégaiement et les questions stupides du maître d’interview.
Musique: deux jolies surprises cette semaine : Nilda Fernandez à l’Elysée Montmartre, le chanteur étant depuis des lustres dans le paysage français, je m’y suis traînée sans conviction, pour découvrir un superbe mélodiste et un guitariste hors pair. Les textes sont ce qui pèche, et je parle désormais en quasi-spécialiste, forte de mon amour du français (et de l’espagnol) et de mon expérience de Monsieur Luxure qui se prolonge à travers un opéra (livret) avec Laurent et un disque pour la chanteuse française préférée de Jacques Chirac (textes) : les deux, work in progress. J’ai enfin reçu le disque de Daphné, que je n’ai pas encore chroniqué, mais ça reste la crème de la crème, son bleu Venise tourne en boucle chez moi.
Théâtre : patatras, encore une sénilité de Chéreau. Son Koltes avec un Romain Duris qui essaie fort mais n’en peut mais m’a juste endormie au théâtre de l’atelier où je me suis ennuyée plus fermement que dans une mauvaise conférence de science politique. (pas d’article, mais celui de Christophe est tout feu tout flammes).
Expos : je me suis contentée de Europunk et Cranach à Rome. Chronique d’Europunk à venir, Cranach explicité dans le post romain.
Pas mon agenda sous mes yeux, mais cette semaine risque d’être riche en actu culturelle parisienne, but of course.
Vacances romaines de quatre jours avec deux complices pour rejoindre mon ami Eric Debris, chanteur punk du groupe métal urbain, graphiste et photographe. Des graphs d’Eric étaient exposés à la Villa Medici au coeur de l’expo europunk et Eric mixait pour la soirée d’ouverture. Mille et une nuit dans le saint des saint de la résidence artistique à la française…
Arrivée jeudi à 18h, à peine le temps de poser nos valises dans notre suite d’hôtel très “lancé”, dont j’ai après exploité les bains bouillonnants et le sauna jusqu’à ne plus avoir une goutte d’eau dans l’organisme, et nous voici devant le saint des saints : la villa medicis, qui surplombe tout Rome depuis les hauteurs de la piazza di Spagna. Avec déjà une bouteille de vodka étrennée dans l’avion, et des tenues plus glam que punk, nous avons sillonné les couloirs de l’exposition colorée dédiée à la culture visuelle du mouvement punk européen, qui se voulait pourtant en révolte contre tout art. Après trois flopées d’escaliers, nous voici sortis de l’expo pour atteindre une terrasse d’on l’on voit tout Rome. Air frisquet mais temps dégagé. Et surtout ambiance bon enfant, quelques habits punks, beaucoup d’hommes âgées élégants et quelques jeunes filles avec envie de faire la fête forment une foule cosmopolite et trilingue (Français-Italien-Anglais) qu’Eric n’a pas tardé à faire danser, avec du punk bien sûr, mais des variations qui pouvaient aller de Jacques Dutronc à David Bowie. Cocktails à la vodka poire, forte envie de danser, mitraillage de photos et impression d’être vraiment privilégiés. Vers onze heure, nous avions l’impression d’être allés au bout de la nuit et somme allés dîner sur la via veneto, garde en son jus, et parfaite pour nourrir encore un peu notre “Dolce Vita”. Encore une petite vodka et mon italien que je n’ai pas jamais appris est revenu comme une langue familière. de taxi en taxi et de restaurant en restaurant, j’ai bel et bien baragouiné. Si bien qu’à 8h, j’étais fin prête pour la gym, pas de travail, puisque pas de connexion internet, et en bon guide petit tour autour du Corso jusqu’à la piazza navona. Je n’étais pas retournée à Rome depuis 5 ans, même si je connais la ville par cœur pour y avoir passé un bout d’été dans le trastevere, une longue semaine studieuse avec mes trois meilleurs amis en fin d’hypokhâgne et plusieurs séjours en mascotte du groupe musical septuagénaire de ma grand-mère : la fugue, quand j’avais 16 ans. Je n’étais donc pas pressée d’abattre du musée, et ai entraîné mes deux complices, Eric et trois de ses amis délicieux et artiste dans une bonne pizzeria puis dans une longue marche sous un soleil timide mais néanmoins réjouissant. Passage obligé à Saint-Louis des français, pour ses caravages, qui étaient commentés en live et en hébreu, rien que pour nous. Petite sieste de rigueur dans l’après-midi, puis nous sommes retournés dans le ghetto à la recherche d’un restaurant. Le guide du Time Out étant extrêmement mal fait, notre trattoria sur la Piazza Farnese n’existait pas et après avoir échappé à un dîner branché dans un restaurant hanté par le sosie de Philippe Starck (ils voulaient nous asseoir à la cave, dans l’odeur délicieuse des bouchons moisis), nous avons fini par trouver un endroit simple sur une petite place, avec en face un bar comme on les aime, baroque, musique motown, ambiance chiaroscura, et re-vodka. De retour à l’hôtel, papotage tard, et mauvais temps le lendemain, mais qu’importe, nous étions à un jet de pierre de ma chère Villa Borghese, où j’ai pu re-adorer l’enlèvement de Perséphone du Bernin, et voir une drôle d’expo Cranach qui arrive bientôt au Luxembourg. Facétieux, les italiens présentaient Cranach comme un montre du détail austère face à la sensualité évidente des italiens qui lui étaient contemporains (oh le vilain parpaillot!). A la réflexion, pas si sûre, ses Lucrèces, et ses Venus ne se cachant pas derrière des voiles transparents me parlent beaucoup plus que les couleurs foisonnantes d’une Raphaël. Bref, après cette “autre renaissance”, ou j’ai notamment découvert un sacrifice d’Isaac (désolée pour l’affreuse version), nous sommes rentrées nous goberger dans les bains bouillonnants.
Le soir, private party dans la chambre d’Eric de la villa Medicis. passage par la petite porte pour grimper jusqu’à sa chambre immense avec une vue imprenable et un plafond qui triple celui de mon appartement. Barolo, mozzarela di Buffala en guise d’apéro, puis retour dans un restaurant fantastique où j’étais allée avec ma grand mère et un fantastique vieux cousin d’Afrique du Sud, mort depuis : Michel. Probablement le meilleur foie de veau de ma vie et les artichauts à la romaines étaient hors de ce monde. Par ailleurs, les hommes italiens savent vraiment regarder les femmes et c’est fort agréable d’arrêter d’être transparente, même 4 jours. On nous a offert des roses… Longue discussion et grands fous rires, et puis il a bien fallu se coucher, alors que je terminai mon troisième mauvais roman du séjour. Dernièrement mes aventures en littérature françaises se bornent beaucoup à connaître à fond la sexualité de Claude Lanzmann entre 75 et 85 ans (un poème) et les sessions de prise d’opium et LSD de Michel Foucault. Pourquoi pas, mais surtout pourquoi ? lus d’infos sur cet épineux problème dans le best-off des articles de la semaines.
Il paraît que mettre la copie de mes articles pour toutelaculture.com ici n’est pas bon pour le référencement. Et à dire vrai, cela tourne à un tel rythme que je n’ai plus le temps.
Je vais donc joindre les liens et le cas échéant un petit commentaire.
Cette semaine donc :
Un coup de cœur théâtre et la rencontre d’un grand auteur, Pierre Notte : la bonne surprise de la semaine et ma favorite des 5 pièces que j’ai vues cette semaine. Ici.
Un auteur que j’ai découvert en VO à New York et qui m’a complétement bluffée et rendue nostalgique de cette ville. J’ai été accrochée aux 500 pages du roman toute la semaine, on ne pouvait pas m’adresser la parole dans le métro. Ici. Ça va être dur de passer à la chronique suivante…
Dans les superbes productions d’opéra de chambre de l’athénée, découverte d’une série de Lieder superbes de Janacek : ici.
60 ans de Johannesburg dans l’objectif de David Goldblatt à la Fondation Henri Cartier-Bresson : ici.
déception de la semaine : Le Novarina à l’Odéon, alors que l'”Acte inconnu” m’avait bouleversée et qu’il m’avait fallu trois semaines pour digérer avant l’article, “Le Vrai sang” m’a semblé aller nulle part.
Après trois semaines de mauvais films indé roumains, c’est un blockbuster qui m’a rendu le sourire et le goût du grand écran : Morning Glory, avec un Harrisson Ford irrésistible.(Sortie le 6 avril, chronique à venir).
Sinon soirée folle pour le nouvel an russe à l’arc : caviar à la petite cuiller et (beaucoup trop) de grey goose. Hommes beaux. Bling bling et vulgarité assumée, chouette soirée de filles, jeudi 13.
déception et colère et crise d’angoisse à l’affreuse soirée punk du 104. Me suis abstenue de live report mais ai pondu un superbe status facebok : “Nuit du punk au 104 : ambiance macabre, odeur de saucisses ignobles, musique pisseuse, masse de gens ivres faussement lookes, suite de fausses bonnes idées, la queue pour tout, même acheter une bière. Manque total de classe, de vie et de bon sens. et après on s etonne que le 104 coule dans l eau poisseuse ou des individus en slip noirs et hirsutes sont entrain de chopper la crève.”
Enfin, 45 copies corrigée et critique du dernier Tony Judt publié chez Eho en piste pour le site d’histoire de scpo.
Mardi 18 mai, Eugene Hutz et son Gogol Bordello ont pris d’assaut la scène de l’Elysée Montmartre. Et ils l’ont joué “à l’ancienne” reprenant tous leurs tubes pour le plus grand plaisir d’un public aussi mêlé que leur musique. Si la fête était au rendez-vous, la terrible acoustique de la salle et le son saturé des basses n’ont pas permis de se rendre compte de la précision du travail d”‘artisan” que le groupe insuffle de plus en plus dans sa musique.
Le public était très mélangé, hier soinr pour accueillir les Gogol Bordello dans la salle de l’Elysée Montmartre, si jolie avec ses moulures, mais où les instruments se perdent en résonances. Des punks de la première heure demeurés tels quels côtoyaient d’anciens afficionados des crêtes “boboisés” et des petits jeunes venus pour faire la fête. Car l’image de marque des Gogol Bordello, c’est bien cette énergie incroyable qui donne envie de pogotter. Ce qu’Eugene Hutz et sa troupe ont bien compris. Même si du côté des médias, les ballades du dernier album “Transatlantic Hustle“(American Recording / Sony) ont été accueillies avec beaucoup d’enthousiasme, le groupe a commencé sur ses succès les plus toniques : “Break the spell”, “Not a crime”… Et c’est seulement à mi-parcours qu’Eugen Hutz torse nu et christique a lancé le premier morceau issu du dernier album. Un morceau politique et toujours énergique : “We are coming rougher”. Après une jolie reprise en portugais, le groupe a fini sur “Pala Tute” le premier single de “Transatlantic Hustle”… avant de donner une bonne demi-douzaine de bis! Dont la jolie ballade “Sun on my Side” et un final à couper le souffle avec seuls sur scène, un Hutz hendrixien à la guitare, son fidèle violoniste Sergey Ryabtsev et son accordéoniste, Yuri Lemeshev.
Si le public a résolument dansé hier, et acclamé les Gogol Bordello comme ils le méritent, le concert a cependant donné l’impression que le groupe était dans une période de transition et tentait de ménager ceux qui viennent pour du vrai Punk old style, tout en distillant une nouvelle tonalité plus “introspective” et plus “artisanale” dont nous parlait le chanteur dans son interview (voir l’article). Le toute nouvelle influence du Brésil, où le leader du groupe vit depuis deux ans, semble peser sur les guitaristes et sur le rappeur et percussioniste equatorien Pedro Erazo, dont le style très R’n’B, les grands mouvements de bras en direction du public, et la voix basse tonitruante jurent avec la couleur subtile et l’accent ukrainien de la voix de Hutz. Enfin, dans le cadre de l’Elysée Montmartre, la multiplication des basses empêchait de voir à quel point le concert était préparé et arrangé. Le concert a donc été ce joyeux Bordel qui est si familier aux fans, mais qui ne semble plus être la direction vers laquelle le chanteur des Gogol Bordello veut aller.
Au niveau de l’énergie et de la générosité, chapeau bas donc aux Gogol Bordello qui ont bien rempli leur mission et “kicked ass”, pour reprendre une expression chère à Eugene Hutz. Au niveau de la musique elle-même, sentir le work in progress empêchiot quelque peu de plonger entièrement dans l’univers si riche du groupe.
En allant interviewer Eugene Hutz, je me demandais vraiment ce que j’allais pouvoir lui raconter et/ou lui poser comme questions, ayant découvert le punk très tard grâce à mon ami Eric Debris des Métal Urbain. Certes, j’avais baladé le dernier album des Gogol Bordello dans les rues ensoleillées de Paris, dansant toute seule et souriant à leur son énergique, mais de là à trouver le bon angle pour approcher l’icône… Et bien contre toute attente, je serais bien restée toute la soirée avec Eugene. Très séduisant derrière sa moustache, il s’est avéré extrêmement posé, cultivé, et attentif à mes questions… Nous avons pas mal parlé de New-York et des femmes… Une très jolie rencontre qui m’a donné plein d’énergie.
Alors que leur nouvel album “Transcontinental Hustle” (American Recordings / Sony) vient de sortir, le « Casa Gogol Tour » des Gogol Bordello passe par l’Elysée Montmartre mardi 18 mai 2010. La boîte à sorties a rencontré le mythique chanteur du groupe Gipsy Punk, Eugene Hutz. Sous la moustache et par-delà l’énergie, c’est un artisan de la musique qui s’est exprimé sur son art.
Comment avez vous rencontré Rick Rubin qui a produit “Transcontinental Hustle”?
Nous avions un ami en commun, Tom Morello des Rage against the Machine, qui nous soutient depuis de nombreuses années. Après un concert de Tom à Los Angeles, j’ai finalement rencontré Rick Rubin. Et j’ai compris que c’était exactement là où je devais me diriger dans ce nouveau chapitre de ma vie. C’était important pour les Gogol Bordello de devenir des vrais artisans (“craftsmen”) ou alors on serait juste devenus carrément fou.
Cela veut-il dire que vous comptez vous éloigner du punk?
Tu ne peux pas t’éloigner du Punk, pas nous, c’est vraiment dans notre ADN. Et je n’ai jamais été tellement obsédé par cette idée du Punk, vraiment jamais. Même le punk qui nous a inspiré au début, c’était les Clash, la Mano Negra et les Fugazi, qui font un type de musique plutôt intellectuel. C’est de la musique de la rue, mais aussi de la musique intellectuelle. Nous venons déjà d’un arbre d’influences, où l’on trouve déjà cette idée de cheminement d’artisan. On n’a jamais fait du “punk hormonal”, pour moi les qualités musicales fondamentales sont toujours passées au premier plan : les paroles, la mélodie, les arrangements, un rythme fort. Et on n’a jamais été un groupe punk traditionnel avec trois cordes. En travaillant avec Ricky j’ai été conforté dans l’idée qu’une chanson se crée d’abord au piano ou à la guitare et que c’est seulement après qu’elle est prête à être amenée à la batterie. Nous devenons de plus en plus des artisans et c’est comme ça qu’on va casser la baraque (“Kick Ass”).
Pour être un artisan de la musique est-il important de jouer de plusieurs instruments?
Je crois que c’est très important. Je suis capable de jouer de tous les instruments de base du rock : la batterie, la basse, un peu d’accordéon, un peu de clavier. Bien sûr, ça aide. Mais mon instrument est la guitare et je ne me suis jamais considéré comme un instrumentaliste hors pair. J’ai toujours su que j’étais doué pour raconter une histoire musicale en trois ou quatre minutes, c’est-à-dire écrire des chansons.
Vous vivez au Brésil depuis deux ans. Cela a-t-il influencé votre musique?
Depuis le premier jour jusqu’à aujourd’hui, c’est un pays incroyable pour trouver l’inspiration. Je n’aurais pas écrit ce disque si j’étais resté dans mon quartier de l’East Village. Le Brésil est une mine d’or de musique et de grands musiciens qui demeurent anonymes et qui jouent jour après jour dans des petits lieux. Tout l’environnement est musical au Brésil, j’adore cette atmosphère. C’est très direct, c’est là, dans chaque rue, derrière chaque fenêtre et chaque porte. Et cela réoriente ton propre sens de la mélodie et du rythme, et tu commences à jouer des morceaux et tu ne peux pas t’arrêter de les jouer parce qu’ils sont trop excitants. De temps en temps tu vides ton réservoir de créativité ou tu sais que cela arrive, et alors tu fais quelque chose comme tomber amoureux de quelqu’un, d’un pays ou les deux, tu fais certaines expériences et tout d’un coup le réservoir est rempli à nouveau, et c’est très stimulant. J’ai eu beaucoup de plaisir à écrire cet album au Brésil. C’est pratiquement tout ce que j’ai fait. Boire un café le matin, et me mettre à composer, chanson après chanson, puis les réviser. Et tous les deux ou trois mois, j’allais chez Ricky en Californie et je lui montrais 10 ou 15 nouvelles chansons. En tout j’en ai écrit 50 pour cet album, on en a enregistré 25, et 13 ont été choisies pour l’album. On en a gardé 12 pour des sorties spéciales.
C’était difficile de choisir?
Oui très difficile, mais pas trop. Je sais qu’elles trouveront leur public d’une manière ou d’une autre.
Quelle est la recette de votre métissage musical ? Est-ce un collage conscient ou un mélange inconscient?
Si c’était conscient, ce serait plus facile, on pourrait suivre une recette, cuire comme un gâteau. Mais c’est beaucoup plus compliqué que cela. C’est un processus très lent. je crois que l’inconscient fait tout le travail. L’inconscient est ton laboratoire. Il te rend ce que tu lui donnes dans une autre forme. C’est en écoutant beaucoup beaucoup de musique que tu finis par jouer du Gogol Bordello. Il faut beaucoup voyager et laisser la musique être la lumière qui te guide dans la vie. Et alors ces combinaisons arrivent. Tu commences à mélanger un beat avec des mélodies slaves , voir qu’un air arabe irait bien avec cela, et tu suis ainsi un long processus.
Sur le disque “Transatlantic Hustle”, il y a aussi des chansons plus douces, nostalgiques…
Ça a toujours été une partie importante de ce que j’écris, jusqu’ici je ne croyais pas que ce matériau ne serait pas bon pour Gogol Bordello, mais Rick m’a encouragé à les enregistrer et a même suggéré que c’était ce que j’écrivais de plus fort. Et je crois qu’il a eu raison. Tout le monde les aime. Et ce sont souvent les chansons préférées du public de Gogol Bordello! Dans tous les CDs que nous avons enregistré auparavant j’avais consciemment retenu les ballades, les chansons les plus romantiques, nostalgiques ou introspectives, qui viennent de mon côté réflexif, et j’avais peur que nos fans ne soient pas prêts pour ça. Mais après j’ai pensé”, j’ai 36 ans, j’ai du kilométrage, j’ai roulé ma bosse. Et ce kilométrage m’a donné la confiance de sortir ce type de musique de moi-même pour les partager.”
Vous écrivez la plupart de vos chansons en Anglais. Est-ce la langue dans laquelle les mots viennent d’abord?
J’écris principalement en Anglais. J’ai grandi en Ukraine pendant 17 ans mais les 18 années suivantes, j’ai vécu aux États-Unis, et j’ai internalisé l’Anglais au point que c’est devenu ma première langue. Et j’écris en Anglais parce que je travaillais beaucoup avec un public qui parlait Anglais et que cela ouvre à un public international. Si quelque chose vient en Portugais, en Russe ou en Italien, je le mets comme ça dans les paroles, mais 80% de ce que j’écris me vient en Anglais.
Dans quel pays du monde avez-vous le plus de fans?
J’ai de nombreux amis dans plusieurs pays. Bien sûr j’ai des amis en Ukraine avec qui je suis resté connecté depuis toutes ces années. Ils sont comme ma famille. De même à New-York j’ai toute une famille d’artistes, parmi lesquels des ukrainiens de deuxième génération. Et j’ai aussi de très bons amis au Brésil. Si tout se passe bien, je trouverai toujours des endroits où jouer -petits mais plein d’âme- dans ce triangle : Kiev, New-York et Rio. Même si la Russie et l’Ukraine ont été les derniers pays à nous inviter, je suis allé au Japon ou au Brésil avant de chanter en Ukraine. J’en parlais l’an dernier à Emir Kusturica que j’ai rencontré lors d’un festival en Ukraine. J’ai toujours été un grand admirateur de son travail et ce festival a été très drôle. Et quand je lui ai dit combien je trouvais ironique que l’Ukraine ait été le dernier pays à m’inviter à chanter, il m’a répondu que ce n’était pas tellement surprenant et que la même chose lui était arrivée avec la Serbie.
Vous avez joué dans plusieurs films (“Obscenité et vertu”, de Madonna et “Tout est illuminé”, de Liev Schreiber, entres autres). Voulez-vous continuer à tourner?
J’aimerais beaucoup continuer à participer à des films qui crèvent l’écran, et particulièrement avec Emir Kusturica, Tony Gatliff ou Jim Jarmusch. Vous voyez mon genre de calibre. Il faut juste que ce soit quelque chose de très bon fait par des gens qui ont l’esprit du rock’n’roll. Deux des films dans lesquels j’ai joué ont été très enthousiasmants parce-que c’étaient des petites productions et qu’à chaque fois l’équipe du tournage fonctionnait comme un groupe de musique : c’était un gang. Dans une grande production, cet esprit peut vraiment se perdre. Et je comprends que cela ferait sens financièrement de participer à un blockbuster, mais du point de vue de la création, cela ne me conviendrait pas. Il n’y a rien de mal à se faire du pognon, mais je vous ai dit qui sont mes réalisateurs préférés. J’ai aussi des idées pour mettre mon propre film en scène et faire un casting fantastique dans lequel il y aurait les Gogol Bordello, parce qu’ils sont de vrais personnages. ce serait chouette de travailler dans cette direction.
Dans votre nouvel album, il semble qu’il y ait une plus grande place pour les femmes dans votre “Bordello” pour gentlemen?
Quand je parlais de “Bordel pour gentlemen” je n’étais pas vraiment sérieux. La vérité c’est que “Bordello” en russe est synonyme de chaos, grand bazar ou de lieu de débauche. Dans ce sens ça fonctionnait pour notre groupe. Il ne fallait pas le prendre littéralement. mais vous avez raison. Je pense que les femmes ont toujours été présentes dans notre groupe, mais avant leur présence était plus performative. maintenant, après avoir passé tellement de temps sur la route à chantonner ensemble, nous faisons plus attention aux voix de femmes. Nous avons toujours été attentifs à ne pas cantonner les femmes aux choses que les femmes font d’habitude sur scène : décorer un peu et chanter les chœurs. Utiliser la féminité de cette manière aurait été ridicule et j’ai toujours voulu m’en garder. Même les tenues des femmes sur notre scène n’ont jamais été trop sexy. Nous avons voulu garder de la dignité dans cette collaboration et ne pas utiliser les femmes comme des poupées. Trop de groupes font de la “sexploitation”. Sur scène les performances des femmes pour Gogol Bordello sont spéciales, on a toujours voulu montrer la force des femmes à travers des sets de percussions ou des performances proches de l’athlétisme sur scène.
Quelle est votre endroit préféré à Paris?
Je suis venu à Paris tellement de fois, peut-être 30, et j’y ai tellement d’amis, que je ne sais pas quel endroit choisir. J’ai vraiment fait la fête à Paris. Mais il y a ce petit endroit où un gars chante des tubes des années 1930 et 1940 à Pigalle. J’y suis allé plein de fois mais je ne me rappelle pas de son nom.
Gogol Bordello, « Transcontinental Hustle », (American Recordings / Sony), sortie le 10 mai 2010.
En concert à l’Elysée Montmartre le 18 mai.