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Le politiste Claude Lefort s’est éteint

Mardi 5 octobre 2010

Choc et tristesse, article nul rédigé sur le coup, pour la boite à sorties…

Disciple de Merleau-Ponty né en 1924, l’ancien directeur de l’ EHESS, Claude Lefort est mort ce lundi 4 octobre à l’âge de 86 ans. La France perd un de se splus grands théoriciens du politique et de la démocratie.

Agrégé de philosophie, docteur es lettres et sciences humaines, Claude Lefort a été formé dans le giron du marxisme auprès de Maurice Merleau-Ponty.

Il s’en est éloigné dès 1946, lorsqu’il forme avec Cornelius Castoriadis – autre membre du PCI et autre grand philosophe du 20ème siècle- le groupe “Socialime ou Barbarie”.
Après un travail magistral sur Machiavel (“Le travail de l’Oeuvre”, 1972) qui a permis aux Français de sortir du seul Prince pour redécouvrir notamment les Discours, Claude Lefort a passé toute sa vie universitaire à la Sorbonne à Caen, puis au Centre Raymond Aron de l’EHESS, à penser la démocratie.

C’est cette réflexion de théoricien du politique qu’on retrouve dans ses œuvres majeures : : “L’Invention démocratique” (1981), “Essais sur le politique” ‘(1986) ou “La Complication” (1996).

Inspiré notamment par Soljenitsyne et par le livre d’Hannah Arendt “Les origines du totalitarisme” (œuvre qu’il analyse très finement dans le premier volume de ses “Essais sur le politique”), il a refusé de croire que “Tout s’est passé comme si la condamnation du totalitarisme devait impliquer celle du politique comme tel” (« La question de la démocratie »). Alors qu’il considérait le totalitarisme comme un régime à part entière, et non comme une énième variation de la tyrannie ou de la dictature, Claude Lefort a réfléchi toute sa vie à la question de la démocratie en contre-point des systèmes totalitaires.

Et en se penchant sur  le 20ème siècle, Lefort a  proposé de poser la question de la démocratie à partir de celle de la représentation. Expliquant qu’en monarchie,la souveraineté était visible, car concentrée dans le corps du roi, Lefort a soutenu qu’en démocratie, cette souveraineté était invisible et qu’il y avait donc “un lieu vide du pouvoir“. D’où la tentation de refaire corps dans la “totalité” du totalitarisme…

Selon Lefort, pour fonctionner la démocratie doit reconnaître ce lieu vide, ou ce que Lefort appelle joliment « la dissolution des repères de la certitude ». La démocratie doit accepter la division du corps social. Il ne s’agit plus de nier les conflits mais de les gérer, selon des règles toujours en évolution. La leçon de Claude Lefort est que la démocratie est un régime à accomplir jour après jour, et qui demeure toujours inachevé…

Pour écouter une conversation de Lefort avec Pierre Rosanvallon, cliquez ici.

Pour voir une conférence donnée par Lefort sur son parcours, cliquez ici.

Livre : L’usure des jours, de Lorette Nobécourt

Lundi 9 février 2009

Dans son dernier livre , l’auteure de “En nous la vie des morts” (Grasset) fait l’inventaire thématique de sa vie de femme, de mère et d’enfant à l’origine non-souhaitée. A la fois mystique et raisonnable, délicate et violente, l’écriture de Lorette Nobécourt embrasse avec justesse toutes les sinuosités de la vie.

A l’âge des “femmes au bord de vieillir”, Lorette Nobécourt dresse un subtil auto-portrait en 44 chapitres qui se lisent comme les étapes d’un chemin de connaissance de soi. De sa naissance non souhaitée par sa mère, à l’attention donnée à l’âge qui vient, c’est de manière presque circulaire que l’auteure se réinvente et se cherche, dans ses moments de détresse, dans ses lectures orientales, dans ses amours et surtout dans son écriture, passée, présente et aussi à venir.

Suite d’aphorismes,”L’usure des jours” dispose chaque mot avec finesse et à l’aune de sa valeur en vie et en sang. Aussi grande styliste que vivante -malgré sa mélancolie- Lorette Nobécourt parvient à se montrer à la fois forte et fragile, une et multiple, grave et déjà sage, dans le choix même de ses phrases. Le livre donne à méditer et à sentir et fait sans autre médiation que l’écriture le trajet qui mène de l’intime à l’universel. On le lit, on le relit, on le médite, et l’on peut aussi s’en nourrir.

Lorette Nobécourt, “L’usure des jours”, Grasset, 12,90 euros.

“Mon équilibre est fragile, mais cette fragilité intrinsèque est exactement ma force. par elle, j’accède à des immensités que les autres ignorent, ces espaces sur lesquels le monde repose et qui réclament d’être dévoilés. Merveilleux ou infernaux. les premiers ne vont pas sans les seconds.
Cette vérité, le sens commun l’a oubliée pour pouvoir fonctionner. Mais ce dont on ne se souvient pas révèle précisément ce que l’on ne saurait oublier” p. 114

Grasset rédite aussi le premier roman de Lorette Nobécourt, “La démangeaison” (1994).

Pour lire l’article paru dans www.en3mots.com sur “En nous la vie des morts” cliquez ici.