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Martin Page déclare à nouveau sa flamme à Paris

Mercredi 20 janvier 2010

Dans son nouveau roman, l’auteur de « On s’habitue aux fins du monde » et « Peut-être une histoire d’amour » campe un fonctionnaire de la mairie de Paris se trouvant engagé dans une entreprise de destruction et de reconstruction d’un morceau de la Capitale, à la suite d’une bavure policière. A la fois naïf et profond, le livre « La disparition de Paris et sa renaissance en Afrique » contrecarre l’apocalypse à grand renforts de tendresse.

martin-pageA Barbès, un jeune policier commet une bavure : alors qu’elle refuse poliment de lui montrer ses papiers, il frappe à la tête la grande femme d’affaire malienne Fata Okumi. Parce qu’il a donné tous ses pantalons à repriser et qu’il arrive un peu tard au travail, l’ « homme de l’ombre » qui écrit les discours du porte-parole du maire, se retrouve ambassadeur de Paris auprès de Lady Okumi. Une mission qui transforme en quelques jours cet homme tranquille…

Dans un style simple, réaliste, et parfois à la limite du tableau naïf, Martin Page décrit la psychologie d’un homme simple comme un paysage urbain. Avec un amour infini de Paris, un humour très poétique, et sans oublier de constater qu’un monde où un jeune policier blanc frappe avec une matraque une personne parce qu’elle est femme ou noire ou âgée est un monde en perdition, l’auteur saisit avec lenteur le bouleversement que peut provoquer une rencontre. Avec talent, et sans jamais perdre l’attention de son lecteur, Martin Page fait vivre tout le petit monde de son personnage principal pour le confronter à l’esquisse du grand monde de la famille Okumi. Et le choc des cultures n’a pas lieu ; la surprise d’un dialogue en pointillé laisse toute la place à une profonde compréhension. Dans la loi du Talion revue par Page, œil pour œil est la règle ; mais pas sans qu’apparaisse ailleurs, à Paris ou en Afrique, un autre regard prometteur.

Martin Page, « La disparition de Paris et sa renaissance en Afrique », L’Olivier, 16,50 euros.

« Personne aujourd’hui ne croit plus que les hommes politiques écrivent eux-mêmes leurs discours. Ils ont mieux à faire. Des gens comme moi jouent les Cyrano de Bergerac, écrivant les mots qui permettront à des hommes populaires de conquérir les cœurs. Et nous restons sans amour. Mais avec la conviction que nous participons à la naissance de choses qui en valent la peine. »p. 43

Bright Star, l’ode au romantisme de Jane Campion

Mardi 5 janvier 2010

Absente des écrans depuis le thriller “In the Cut” (2003), la réalisatrice de la “Leçon de Piano” est de retour avec un film sur les premières (et dernières) amours du poète anglais John Keats, mort à 25 ans.  Dans sa forme, aussi bien que dans sa thématique, “Bright star” est une ode lumineuse à la poésie romantique anglaise.

En 1818, à Londres, le jeune poète John Keats (Ben Whishaw, le Jean-Baptiste Grenouille du “Parfum”) vient habiter chez un ami plus aisé que lui, Monsieur Brown (évidemment le seul acteur américain du film, Paul Schneider). Leur voisine, Fanny Brawne, est une jeune femme alerte, aux tenues extravagantes qu’elle conçoit elle-même. Vivant pour la couture, sa mère, et ses frère et soeur,Fanny déteste la trivialité de Monsieur Brown. Mais Keats, dont le frère est malade, la touche, et la jeune-femme se met à lire les vers peu reconnus du jeune poète. Lorsque les “adultes” se rendent compte que Keats et Fanny s’aiment, il est bien tard pour leur rappeler qu’un mariage entre une fille de bonne famille et un poète désargenté est hors de question…

“La poésie de Keats a inspiré toute la structure de l’histoire du film”, dit Jane Campion de “Bright Star”. Le titre est lui-même  tiré d’un poème d’amour écrit par Keats (voir ci-dessous) et tout le film semble tourné à la lumière éclatante d’un premier amour qui oscille entre le vert et les vers que les amants se lisent et relisent à voix haute en se promenant dans des jardins. La tragédie de la maladie du poète et les difficultés que posent son manque de revenu comparé à la position sociale aisée de sa douce renforcent encore le caractère romantique de cette histoire sur une des plus grandes figures du romantisme anglais. Campion compare même l’amour impossible de Keats et sa voisine à celui de Roméo et Juliette. Dans les affres d’une passion impossible, John et Fanny s’écrivent, John essaie de s’éloigner et Fanny délaissée ne sort plus du lit… Mais les mots, donc l’amour, continuent jusqu’à ce que la tuberculose sépare  définitivement les amants.

Centrée sur le couple, Campion n’en oublie pas pour autant la reconstitution méticuleuse du Londres du début du 20e siècle : les taffetas et les arbres sont aussi lumineux que les vers de Keats. “Bright star” peut aussi être vu comme unn film social, le personnage le plus intéressant étant certainement Fanny (l’excellente actrice australienne Abbie Cornish). Enfant gâtée, dont l’intelligence est bornée par les mœurs à la couture et à la danse, la jeune fille impétueuse ET bien rangée est une proie bien facile piour un amour dévastateur.

La sensualité de “Bright Star” a la même perfection figée que celle de la “Leçon de piano”; Campion surveille tellement chaque détail que rien ne dépasse vraiment du cadre historique, même les sentiments humains, policés, et corsetés dans les vers originaux de Keats. Pas d’émois titanesques, donc, mais la lente consomption minérale des vrais romantiques.

“Bright Star” de Jane Campion, avec Abbie Cornish, Ben Whishaw, Paul Schneider, Grande Bretagne / USA, 2009, 1h59 min, sortie le 10 janvier.

Bright star, would I were stedfast as thou art–
Not in lone splendour hung aloft the night
And watching, with eternal lids apart,
Like nature’s patient, sleepless Eremite,
The moving waters at their priestlike task
Of pure ablution round earth’s human shores,
Or gazing on the new soft-fallen mask
Of snow upon the mountains and the moors–
No–yet still stedfast, still unchangeable,
Pillow’d upon my fair love’s ripening breast,
To feel for ever its soft fall and swell,
Awake for ever in a sweet unrest,
Still, still to hear her tender-taken breath,
And so live ever–or else swoon to death.

Réflexion fructueuse

Mardi 17 février 2009

Après l’article de réflexion théorique hier, voici le résultat dans ma vie pratique.
Le narcisse en question m’a au passage fait découvrir la très talentueuse Edna St Vincent Millay.
Je ne résiste pas à citer ce court poème qui résume les affres vivantes de mon présent:

“First Fig,
My candle burns at both ends;
It will not last the night;
But ah, my foes, and oh, my friends–
It gives a lovely light!”

Toutes les références de ce jeu intellectuel pas si intéressant sont issues de ses Selected Poems, publiés chez perennial classics.

“Dear Fred. I like Edna, thanks.

So if I had to play the game, I would say p. 143, although it is too strong : I don’t want to please you too much.
I am wondering what sick game of a vieux monsieur narcissique you are playing with me, hot and cold, as the great poetess Kate Perry would sing. You spoil me with presents, play the pygmalion, and then demean me with a smile. It is just not fair, and not elegant. Humanly mediocre, and sooo cliché. The power relation you are injecting in this whole mess might suit your ego, but I am getting perverse-proof. It is not working : your forced humor about me being inculte because I am not american or because a movie you loved did not touch me as much is not affecting me per se. It is just spoiling things between us. Maybe they are spoiled since this infamous thursday, when you started “using” me, as you said. Your were bored yesterday, because there is no more dialogue; you don’t even seem to be able to think straight when you are with me, too busy staging a dispisable boulevard comedy.
I could turn this power-relation to my advantage and play with you, holding the mirror in various directions. But I am not interested in that. I just wanted to know you, to be there for you and to respect you. That is why I am harsh and straight forward :
Is there something genuine to save or shall I just flee?
Y.

J’en profite pour remettre mon poème colérique sur Salomé, ca me fait du bien.

Salomé, enfin.

Coulée de cuivre dans l’œsophage
Rugissement assourdissant sur le fil du fouet
Tu me hantes quand les voiles ont cessé de frétiller
Hystérique amoureuse d’un histrion brillant

Ma nudité

C’est inattendu, la brûlure de détresse.
Voilà, je suis une petite fille égarée
La solitude de l’ouate rougie je la connais :
Nous sommes voisines d’enfance
Enlacées par les cheveux et blasphémant de concert
Nous grinçons sur le tombeau de mes douze ans

Mais toi
Toi, et tes cataclysmes en chambre
Honte à toi Ô pieuse victime.
Quart de faux prophète,
Octuor de philistins
Symphonie de pédales à vide.
Excroissance cérébrale.

Lâche présence verbale de tes pieds si sales
Lâche présence aride de tes mains si vides
Lâche présence rouge de l’anti-promesse

Tu m’arraches la peau des reins
Tu violes mes rêves révélant l’essence
Malheureuse ! J’étais plus forte en ton absence
Médusée, malgré ta mort minuscule
Et la mienne la mienne n’est rien :
Tu sais que c’est elle que j’étreins

Je fais semblant de me mouvoir avec les autres
Décalée dans le son, et sage dans l’image Moi
Je vois descendre le couteau, j’entends la limaille
Par-delà la menace j’exècre la volupté

Je te veux substance amère de l’inachevé

Quand tu planes au-dessus de mon ventre
Livré à mon imagination en refus, j’exige :
C’est le droit sacré des jeunes femmes
Prophète ! Je te maîtrise je canalise tes prêches
Le nid de l’entonnoir boueux nie son centre

Ma nudité
Exposée, blessée, dépecée, exhaussée

Quelque chose crie le schofar
Les coups de notre théâtre
Sonnent le glas de la mascarade

Et régulent
Le Hululement limite du lit
Le jacassement moiré du plateau
La pauvre joie de nos deux agonies

Deux heures à t’occulter patiemment
Je me dilate au corps, torve tordue
Mon petit pied de princesse perdue
Danse banalement je boîte débordée

Sous ce saint la scène saigne, déçue
Il est temps de recevoir mon dû.

Je te prendrai, sois tranquille,
Et en morceaux, avec ta bouche de pantin décapité.
(2004)