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Le bord de l’étrier

Lundi 17 avril 2017

La source rit de ses tares
Au flanc accroupi du violet
Le noir chante la fin de l’avatar
Et le sang crépite, tourniquet :
De la branche au détournement,
Des sourcils aux mollets.

Avancée glorieuse dans l’instant
Vite et très,
Les cuisses frisent, dénouées
Dans un regard cadence, vif,
Cerné de près

Droite et pitre, la lettre poste
Les baisers de la revanche,
L’entretien du singulier,
Et la chanson de la nausée.

Sourire malice et gorge en feu-follet
Je franchis deux porcs-épices
Je rougis entre les trottoirs lisses
Je me love avec délices
Au tourne-vice des barbes enrouées

Bras en balance, fesses prêtes à jouer
La sœur a la clés des songes
Sous une scène défenestrée d’enfance.

Ménestrel trompée,
– Une Ronde blanche pour s’écarter-
Je subis mes errances, je régis,
Je biffure tes errements, j’enrage :
Je vibre le verrou des seules vérités

Mais la nuit fond, étanche
Dans un jour greffé aux hanches
Dans un jouir hirsute et repoussé.
L’accroche est pourtant bien préparée
Mais le manque immole,
Livrance fortuite des possédés.

Violence du jet
Vite ! Du silence pour tâcher
Tâcherons de vacances…
La violence de cette portée
Sans notes, ni condoléances.

L’absence est à peine digne,
La douleur déchire midi qui penche,
Et les hirondelles épousent un ciel poudré.

Cendre en bouche
Souche à prendre
Les nonchalances ont tourné
Les naissances ont fané
Au début opulent du défilé
À l’orée crue de serments plantés
-Cœur-verrue de l’inconstance-

L’un détruit, l’autre frotte le corps du lit
Un dernier voyage – et prie.

Dans ce champ de projets
Dans ce cadre étroit et barré
Le seul linge frais qui tranche
-Foie-faucille d’une chance carrée.
C’est la soie d’une voix contentée
Sur le manège des distances.
Le seul drapeau qui danse
C’est le signe de la liberté.

Aimer Paris

Mercredi 12 février 2014

En sortant seule dans la nuit sur la Potsdamer Platz juste après la projection du dernier film de la journée, signé Volker Schlöndorff, je me suis sentie toute drôle. Et assez nue. “Diplomatie” est la pièce lourdingue que j’attendais, genre des phrases moralisatrices comme dans le théâtre Français des années 1940, l’humain derrière le grand méchant nazi etc… Schlöndorff ne peut pas rehausser les dialogues. Mais son amour fou de Paris m’a bouleversée. On sent bien que si la pièce l’a touché c’est qu’elle l’a poussé à imaginer un monde sans Notre-Dame et sans l’Opéra Garnier. Faut-il être un peu étranger pour aimer à ce point Paris? Et mon amour pour ma capitale me rend-t-il un peu étrangère… Questions presque aussi empesée que les dialogues du film, mais oui il y a quelque chose du Luftmensch à vouloir être parisien.

15 jours pour écrire un peu

Mardi 2 juillet 2013

Enfin une vraie chaleur pour mes déambulations nocturnes parisiennes. Je reviens des Bouffes du Nord où je suis allée seule voir la mise en scène de la Flûte enchantée (décidément!) par Peter Brook. Un enchantement, un vrai 🙂 J’ai du mal à écrire quand je en suis pas seule car j’aime écrire la nuit, même si à l’heure actuelle, je devrais être entrain de dîner devant un des films du réalisateur que j’interviewe jeudi… Début de semaine fort en émotions avec de grandes questions pour l’Avenir (oui, oui avec un grand A). L’énergie est de retour pour toute la culture mais m’a coûté 36 heures collée à mon fauteuil pour finir un dossier de candidature auprès de la mairie de Paris, les choses bougent à sciences po, et il faut décider dans quelle ville je veux vivre. Si bien que le soir venu, si par hasard je suis dans les rues, je suis tentée de ne plus rentrer. A l’idée même de devoir quitter un jour Paris, mon cœur saigne tellement que – comme à 17 ans- je marche des heures, les yeux grands ouverts pour engranger des impressions, des observations ou des souvenirs à faire revivre en exil. Enfin rien de pressé, si déménagement il y a, ce sera dans plusieurs mois, voire plusieurs années. La chaleur apporte un peu de bonheur, j’ai l’impression qu’autour de moi on a tous un peu bouclé les affaires courantes avant l’été. Bon les festivals de juillet c’est encore du travail mais “at large”. Restent encore avant un joli voyage à Metz et Luxembourg et l’assemblé de l’association française de science politique où je dois parler dans un atelier… Je clos ce petit listing par une bande annonce magique de circonstance (même sans flute) et vais diner!

Une semaine de vie culturelle parisienne

Lundi 14 février 2011

Cette semaine, tout commence avec deux livres intéressants: un roman de la grande hella haasse, et le dernier Tatiana de Rosnay.

Côté expos, 4 merveilles photos à la MEP : Hervé Guibert qui m’avait tiré de grosses larmes de crocodile quand j’étais ado avec ses romans, Huet et son terrible vietnam que j’ai découvert, des collages de Prévert, et les photos froides et élégantes de Marc Trivier. Un peu déçue par Amos Gitai dans els caves du Palais de Tokyo, j’ai carrément piqué une colère à l’expo Lacroix au musée du Quai Brannly : neo-coloniale, orientaliste, sous faux couvert de gauchisme bien pensant, je dois écrire un brûlot cette semaine. Vendredi carnes exquises avec l’expo cannibale de maison rouge où j’ai retrouvé notamment les dessins d’un jeune artiste que j’aime beaucoup, Jérôme Zonder.A noter aussi, deux vernissages; pour le 20e numéro du magazine colors au Royal Monceau, et une galerie éphémère avec pièces neo-pops sur les grands boulevards.

Côté théâtre : un tramway nommé désir mis en scène par Lee Breuer m’a beaucoup fait travailler pendant 3h15, pas de sensualité, et tellement de propositions de mise en scène que je suis sortie avec la migraine, message un peu perdu, toute la presse a detesté, je ne peux pas dire que j’aie aimé, mais salue tout de même l’inventivité. Jeudi, Poulenc/Cocteau pour la voix humaine avec la vive Stephanie d’Oustrac. Samedi, une mise en scène terrible des variations goldberg de nancy huston. Première fois de ma vie que je refuse de chroniquer : petite troupe et rien à sauver pas même l’éclairage.

Côté musique, calme plat: petite chronique d’un groupe folk de saison, Valentine’s day. Et j’ai eu le plus beau cadeau de st valentin : une pile de livres érotiques classiques !!!

Et point de vue ciné, un beau film italien sur la psychose, un affreux film français sur les gitan pentecotistes, Jimmy Rivière, l’excellent “Love ranch” où Helen Mirren joue une tenancière de bordel du nevada aux côtés de joes pesci, et ce soir, puisque tout le monde m’en parlait et que j’ai reçu les dvds, j’ai organsié une projection d’une partie du documentaire de nurith aviv sur la langue hébraïque à la maison. Excellent.

En route pour une semaine, que j’espère plus calme

Une semaine de vie culturelle parisienne

Lundi 7 février 2011

Alors que je dois présenter ma thèse de 700 pages  condensée en une seule affiche demain à l’ehess (ca s’appelle des poster session et je trouve ca tellement débile que ca me fait sourire), pas trop de temps de bavasser, juste de balancer les liens vers les articles.

ciné : le prochain danny boyle est excellent, mais critique prohibée jq 21 février.  le documentaire israélien nominé aux oscars. les critiques promises du baiser de la femme araignée et de tamara drewe. Et un film avec l’insupportable Ashley Judd sur la dépression.

Musique : le retour d’alagna à l’opéra de paris. Daphné. Mariane Faithfull.(que je vais peut-être voir au châtelet). Un clip rigolo des fatals picards.

Théâtre : nada, le vide intersidéral, mais ca reprend cette semaine

Arts : photo roumaine, et j’ai raté amos gitai au palais de tokyo… Mais gra^ce à Bérénice, toutelaculture a eu une itw exclusive

littérature : les ephrussi, et un excellent roman érotique que je ne lâchais plus.

curiosité : enquête sur tron. J’ai même failli dej en tête à tête avec l’attachée de presse mais ai décliné pour une enquête matinale de terrain.

aussi à mettre à l’actif de cette semaine : dossier israélien nvoyé, 2 chansons avec laurent, une nuit de 9 heures (ca ne m’était plus arrivé depuis 1999), et un contrat à signer pour le livre sur les convertis. Sans compter l’impression aventureuse du poster.

à venir : vernissage mep, pas mal de livres néerlandais chez actes sud, le tramway à la comédie française…

Une autre semaine de vie culturelle parisienne

Lundi 31 janvier 2011

Pêche moins miraculeuse cette semaine. La vie ne peut pas être tous les jours un 14 juillet… Ou alors si?

Néanmoins, très bonne nouvelle, un nouveau musée a ouvert à paris, aussi petit et riche de toiles précieuses que le courtauld de Londres (bon pas vraiment mais j’en rêve). Le directeur de la pinacothèque a convaincu des collectionneurs de prêter des toiles à long terme… Et les deux expos romanov et esterhazy valent définitivement le détour, comme dirait mon cher guide vert. C’est ici.

Question musique, ayant eu un gros dossier à peaufiner, alors que j’étais verte paralysée pour l’écrire depuis un mois, j’ai fait une petite rechute Bac, et essayé de changer de passion avec saint jean, toujours pas ma préférée, trop glauque. J’ai quand même chroniqué le Keren Ann, qui n’offre aucune surprise : pedicured and manicured comme disent mes new-yorkais préférs. Ici.

Pas mal de films cette semaine, projection de precious life, documentaire sur le combat d’israéliens et palestiniens pour sauver un nourrisson de Gaza d’une maladie génétique dont je ne sais quoi penser: trop émotionnel au point que le propos est desservi. Nomination aux oscars et je veux quand même rencontrer le réalisateur. Une autre projection en présence de l’ambassadeur d’Israël pour Yad Vachem France sur le Cabaret à Berlin, Prétentieux car écrit “à la” Tucholsky et ça ne passe pas. Mais très beau travail d’images d’archives. J’ai apprécié pour la première fois Michelle Williams dans un navet très distrayant, Incendiary. Adoré Tamara Drewe de Frears, que j’avais raté en salles (article à venir). Et surtout sauté de joie au plafond en recevant le baisers de la femme araignée de la part de carlotta. Dépassant toute mes espérances, alors que j’avais déjà beaucoup aimé le livre de Puig. Je suis restée scotchée et n’ai pas pu me détacher du documentaire de 2h en bonus sur le tournage (article à venir).

Côté Théâtre, après le joyeux et inventif “Cavales” de Pierre Vignes à l’essaïon, Bulbus faussement postmoderne et pénible à la Colline, et un très beau témoignage d’un déporté que j’ai eu la chance de rencontrer à la vieille grille: sauf que je n’avais pas forcément besoin de voir ça… trop dur.

Côté livres, deux beaux opus, un Ian Levison que je suis depuis peu chez Liana Levi et dont j’aime la plume, et toujours chez Liana Levi, une nouvelle de Qiu Xiaolong qui m’a plongé dans un monde menaçant et peu familier.

Passage dans un speak easy Jack Daniels très sympa caché dans une galerie de Bastille, premier dîner au nouvel hôtel branché du 20e, le Mama Shelter. Design, definitivement, goûteux, hors de prix, et ambiance un peu glauque. Le Planète Mars, bar rock indépassable de Bastille est devenu une seconde maison puisque Hakim le patron m’a initiée à la Chartreuse et qu’avec une amie, nous sommes responsables de la playlist du blind-test qui aura lieu le 20 février. Une chanson de plus pour le solo show de Laurent, une soirée d’anniversaire où je représentais 1/3 des femmes chez mon ami Matthieu, et une jolie rencontre avec un vieux juif savant de 80 ans étaient aussi au programme, mais il est trop tard pour épiloguer…

Un point commun?

Dimanche 16 janvier 2011

Étrange soirée hier, pour clôturer une belle semaine parisienne, si pleine d’énergie que je me suis écroulée vendredi à 18h. Il faut bien dire que rentrer à 2h, écrire encore un ou deux articles pour ouvrir grand les yeux à 7h et corriger des copies n’est pas un rythme tenable, mais le jeu en vaut la chandelle : pas mal de publications en cours, des heures passionnantes à écrire, d’anciens étudiants qui reviennent me voir, une vie – qui même limitée dans mon quartier- est toujours trépidante, un petit site qui grimpe, qui grimpe, et bien évidemment de très belles choses dans les yeux, les oreilles et parfois même sur le bout de la langue.

Samedi donc, soirée béante de vide, et désir de calme. Grasse matinée et correction de la 45e copie de la semaine, quelques chroniques, et surtout invitation à dîner avec ma garde rapprochée à Saint Germain des Près. Je dis oui, exactement ce dont j’ai besoin : du proche, du familier, chanter Barbara à tue-tête devant un grand verre de vin, discuter cinéma et de notre voyage à Rome de la semaine prochaine. Bref de l’intime, pas de rôle à jouer ou l’habituel, je peux garder mes horribles lunettes rouges ou même fermer les yeux : je connaitrai tout le monde par cœur, du monde que j’aime. Nous arrivons. Petit comité, chaleureux. Les enfants de notre hôte batifolent encore devant le feu de cheminée, quand soudain ma seule alliée féminine de la soirée me fait remarquer que la noble assemblée…réunit TOUS mes exs des sept dernières années. L’un est bientôt papa, l’autre se remet à peine d’un grand chagrin d’amour causé par ma meilleure amie, et ils n’ont absolument rien à voir. Pas le même âge, pas la même activité, pas le même style, pas le même point dans la vie. Et pourtant si, moi. J’ai une fâcheuse tendance à estimer que si j’ai passé plusieurs mois avec un homme, c’est qu’on avait des choses à se dire, à rester proche et à présenter tous mes amis. Si bien que mon club des exs se réunit souvent sans moi, et que désormais… ils travaillent ensemble sur Internet. A peine ma copine a-t-elle remarqué l’intéressante coïncidence qu’une ambiance virile s’appesantit sur la salade et le pain frais. Comparaisons, qui m’a le plus aimée, qui a le plus vu de pièces de théâtre ou de concerts avec moi, qui est plus grand, plus fort, plus fraternel, plus tout. Grand malaise de ma part, qui me retrouve à la fois sur le devant de la scène derrière mes affreuses lunettes rouges, et en même temps  totalement exclue de cette bataille d’egos, bien après la guerre. Surtout, le glas sonne pour une soirée que je croyais tranquille.  Ma vie est un mauvais Desplechins. Quelle morale en tirer? Aucune idée, il faudrait que j’apprenne à cloisonner hermétiquement, et en même temps, je crois que je ne saurai jamais faire… Plutôt demander à mes hôtes d’éviter d’inviter  tous mes exs au même dîner…

une semaine de vie parisienne

Samedi 15 janvier 2011

Il paraît que mettre la copie de mes articles pour toutelaculture.com ici n’est pas bon pour le référencement. Et à dire vrai, cela tourne à un tel rythme que je n’ai plus le temps.
Je vais donc joindre les liens et le cas échéant un petit commentaire.

Cette semaine donc :
Un coup de cœur théâtre et la rencontre d’un grand auteur, Pierre Notte : la bonne surprise de la semaine et ma favorite des 5 pièces que j’ai vues cette semaine. Ici.

Un auteur que j’ai découvert en VO à New York et qui m’a complétement bluffée et rendue nostalgique de cette ville. J’ai été accrochée aux 500 pages du roman toute la semaine, on ne pouvait pas m’adresser la parole dans le métro. Ici. Ça va être dur de passer à la chronique suivante…

Dans les superbes productions d’opéra de chambre de l’athénée, découverte d’une série de Lieder superbes de Janacek : ici.

60 ans de Johannesburg dans l’objectif de David Goldblatt à la Fondation Henri Cartier-Bresson : ici.

déception de la semaine : Le Novarina à l’Odéon, alors que l'”Acte inconnu” m’avait bouleversée et qu’il m’avait fallu trois semaines pour digérer avant l’article, “Le Vrai sang” m’a semblé aller nulle part.

Après trois semaines de mauvais  films indé roumains, c’est un blockbuster qui m’a rendu le sourire et le goût du grand écran : Morning Glory, avec un Harrisson Ford irrésistible.(Sortie le 6 avril, chronique à venir).

Sinon soirée folle pour le nouvel an russe à l’arc : caviar à la petite cuiller et (beaucoup trop) de grey goose. Hommes beaux. Bling  bling et vulgarité assumée, chouette soirée de filles, jeudi 13.

déception et colère et crise d’angoisse à l’affreuse soirée punk du 104. Me suis abstenue de live report mais ai pondu un superbe status facebok : “Nuit du punk au 104 : ambiance macabre, odeur de saucisses ignobles, musique pisseuse, masse de gens ivres faussement lookes, suite de fausses bonnes idées, la queue pour tout, même acheter une bière. Manque total de classe, de vie et de bon sens. et après on s etonne que le 104 coule dans l eau poisseuse ou des individus en slip noirs et hirsutes sont entrain de chopper la crève.”

Enfin, 45 copies corrigée et critique du dernier Tony Judt publié chez Eho en piste pour le site d’histoire de scpo.

A la redécouverte de Felix Nussbaum au MAHJ

Vendredi 29 octobre 2010

Après l’avant-garde de la Radical Jewish Culture, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme revient aux classiques jusqu’au 23 janvier 2011 avec une excellente exposition dédiée au peintre Felix Nussbaum. Comme Otto Dix, Max Beckmann ou George Grosz, mais sans passer comme ses aînés par la case “expressioniste”, Felix Nussbaum était un peintre de la “nouvelle objectivité”, courant typique de la République de Weimar qui est revenu, dans les années 1930, à une représentation ultra-réaliste et volontiers caricatural de la société Allemande d’Entre-deux-Guerres. Mais la période allemande fut relativement courte pour ce juif-allemand né au tout début du siècle dans un milieu bourgeois : la plus grande partie de son œuvre a été peinte en exil. Reconnu très tardivement, après la disparition de Nussbaum à Auschwitz en août 1944, son art est exposé depuis 1998 dans un musée qui lui est dédié (et dessiné par Daniel Liebeskind, l’architecte du Musée juif de Berlin) dans sa ville natale d’Osnabrück. la fermeture temporaire de la Felix Nussbaum Haus d’Osnabrück jusqu’en mars prochain permet au MAHJ d’exposer 40 de ses peintures et 19 de ses dessins dans une exposition chronologique, pédagogique, et comme d’habitude dans ce musée, parfaitement scénographiée.

« Si je meurs, ne laissez pas mes peintures me suivre, mais montrez-les aux hommes. » Félix Nussbaum.

Tout commence nécessairement par des œuvres de jeunesse, mais l’atelier du peintre ayant brûlé en 1932 dans l’incendie prémonitoire de son atelier à Berlin, il reste bien peu de toiles de jeunesse. Celles présentées au MAHJ montrent la famille de l’artiste, sa synagogue locale, et un autoportrait qui témoigne de l’influence de Van Gogh sur le jeune Nussbaum.

L’artiste se fait vraiment connaître avec une toile qui pourrait bien être un manifeste de la Nouvelle Objectivité : présentée à la 64e exposition de la Sécession de Berlin, “La place folle” (1931) tourne en ridicule les membres honoraires de l’académie des Beaux-Arts, à la tête desquels l’on trouve la figure tutélaire de Max Liebermann imbu de lui-même et perché sur un immeuble de la Potsdamer Platz. Lieberman aurait souri de cette caricature qui témoigne déjà d’influences flamandes qui croîtront avec l’exil de Nussbaum. Cette percée permet au peintre de décrocher une bourse pour la villa Massimo de Rome où il s’imprègne des influences métaphysiques de Girogio De Chirico. Nussbam ne repasse plus par l’Allemagne, puisque l’arrivée d’Hitler au pouvoir le contraint de prolonger le voyage d’études en exil : en Italie, en Suisse, à Paris (Nussbaum y participe à l’exposition “l’Art allemand libre” en 1938, à Ostende et surtout à Bruxelles.

En Belgique, Nussbaum rencontre James Ensor, et revisite ses “classiques” flamands. Ponctué par une série de prolongations de droits de séjour pour lui et sa femme, Felka, cet exil belge donne naissance à une série d’autoportraits aux masques grimaçants, et à des jeux de perspectives époustouflants vaguement épongés par des torchons comme dans “Le secret” (1939). L’invasion de la Belgique par l’armée allemande, entraîne l’arrestation et l’internement de Nussbaum au camp de Saint-Cyprien (Pyrénées orientales) en tant qu'”étranger ennemi”. Si Nussbaum parvient à s’enfuir du camp, l’expérience l’a profondément marqué et le peintre est l’un des rares artistes à avoir laissé des œuvres témoignant de cette vie dans les camps.

A Saint-Cyprien même, Nussbaum peint, notamment l’autoportrait que le MAHJ a choisi comme affiche pour cette exposition. Puis, revenu à Bruxelles, il retravaille cette matière brutes dans de grandes fresques comme “Saint-Cyprien” (1942), ou le grandiose “Triomphe de la mort” (1944), dernière œuvre signature d’une vie sacrifiée, et néanmoins extraordinairement classique. Aussi grandioses soient-elles, les grandes scènes macabres de Nussbaum renouant avec l’art d’un Jérôme Bosch semblent plus faibles, moins bouleversantes et moins originales que ses autoportraits à taille humaine dans la description de l’inhumain en marche. Peut-être parce que la vision chrétienne traditionnelle de la mort n’est plus d’actualité en 1944 : elles semblent en deçà de la réalité de ce que Hannah Arendt désignait comme “la fabrication démentielle de cadavres”.

Peut-être aussi parce qu’elles sont trop travaillées, trop respectueuses des maîtres et moins “à vif” que les autoportraits sombres de l’artiste prisonnier. Peut-être enfin, parce que la maigreur grimaçante d’un seul homme seul au premier plan face à un ciel vide est plus à même de représenter la destruction totale que la sarabande moyenâgeuse des feu-follets de la mort. Cachés dans le grenier de leur appartement bruxellois de la rue Archimède, Nussbaum et sa femme sont dénoncés et déportés à Malines le 20 juin 1944, puis à Auschwitz le 21 juillet, dans le dernier train quittant la Belgique pour la Pologne. Nussbaum est mort le 4 août. Il avait mis ses toiles d’exil à l’abri chez le Dr Grofils, et ont à peine été montrées jusqu’à la première grande rétrospective de son œuvre en 1971, dans sa ville natale : Osnabrück.

Tous les évènements autour de l’exposition : ici.
Lien vers la maison Felix Nussbaum à Ossnabrück, ici.

Felix Nussbaum, Osnabrück 1904- Auschwitz 1944“, jusqu’au 23 janvier 2011, MAHJ, Hôtel de Saint-Agan, 71, rue du Temple, Paris 3e, m° Rambuteau, Hôtel de Ville, lun-ven, 11h-18h, nocturne le mercredi j.q. 21h, 7 euros (TR: 4,50 euros).

Une immense production des Misérables au Châtelet

Lundi 31 mai 2010

Jusqu’au 4 juillet « Les Misérables » fête ses 25 ans au Théâtre du Châtelet. Une production anglaise grandiose, aussi bien du point de vue des voix que de la mise en scène, et qui rappelle au public Français ce qu’est une vraie Comédie Musicale.


Les Misérables, ou “Les Mis'” pour les intimes, c’est à l’origine, la comédie musicale créée par Robert Hossein en 1980 au Théâtre du Mogador, sur une musique de Claude-Michel Schönberg, et un texte adapté par Alain Boublil et Jean-Marc-Natel. Le producteur Cameron Mackintosh remarque le spectacle et le fait traduire par Herbert Kretzmer en Anglais. Avec le succès que l’on sait : affiche ininterrompue à Londres, 18 ans de triomphe à Broadway, et 56 millions de spectateurs à ce jour dans le monde ! Pour fêter les 25 ans du spectacle de Mackintosh, depuis un an, une production époustouflante des Misérables parcourt le monde. Elle est à l’affiche du Théâtre du Châtelet jusqu’au 4 juillet, pour le plus grand bonheur du grand public, et aussi des plus jeunes.

La musique Claude-Michel Schönberg n’a pas pris une ride et les thèmes des héros qui nous ont tous fait vibrer emportent immédiatement l’adhésion. Inspirée du décor original de John Napier et des dessins de Victor Hugo, la mise en scène romantique imaginée par Laurence Connor et James Powell est absolument somptueuse : avec une cinquantaine de comédiens-chanteurs sur scène, dans des décors industriels qui expriment bien l’urbanisation et l’enfermement dans la misère qui caractérisent du 19ème siècle dépeints par Baudelaire : le métal dentelé, élégant et néanmoins implacable semble emmurer les personnages, qu’il s’agisse de l’usine où Fantine est exploitée ou des barricades grandiose et monstrueuses des étudiants en révolte contre le pouvoir en place.. Avec une fluidité magique, la ville est toujours en mouvement. Elle se fait animale. Le climat révolutionnaire et romantique de l’œuvre d’Hugo est revu à la sauce libertaire des années 1970, et les dessins oniriques d’Hugo en fond de décor appellent à aller plus loin qu’ « à la fin du jour » pour « rêver un autre rêve ». La distribution est à l’avenant des décors : grandiose. En Valjean, John Owen-Jones exprime toute la palette de ses talents : du grave aveu d’identité de bagnard, à la superbe prière de protection pour l’homme de sa fille adoptive, « Bring me home » qui plane dans les aigus.


En face, Earl Carpenter est un Javert droit comme un « I » et tout en élégance vocale. Le timbre chaud et coloré de Gareth Gates en Marius, l’étudiant amoureux charme. Les timbres féminins sont tout aussi exceptionnels : Madalena Alberto est une Fantine déchirante, Rosalind james une Eponine à la voix puissante et blues et qui tire des larmes dans son air « On my own », et la jeune interprète de Cosette enfant à une voix d’une puissance absolument extraordinaire, notamment dans son air « Castle on the clouds ». Quant aux Thénardier (Ashley Artus et Lynne Wilmot), très clownesques dans cette mise en scène, ils n’en ont pas moins des voix à la hauteur de leurs camarades tragiques.

Il y a dans cette production des misérables, un souci de la perfection qu’on ne trouve qu’à Londres. La beauté des décors et des voix évoque aussi bien Delacroix que la magie du Paris de Carné, pour nous amener vers les thèmes intemporels et internationaux de l’enfance sacrifiée, de l’amour romantique et d’un monde meilleur à venir. A voir absolument !

« Les Misérables », de Claude-Michel Schönberg, texte anglais Herbert Kretzmer, direction musicale : Peter White, mise en scène Laurence Connor et James Powell, avec John Owen-Jones, Earl Carpenter, Gareth Gates, Madalena Alberto, Katie Hall, Ashley Artus, Lynne Wilmot, Rosalind James, et Jake Abbott, jusqu’au 4 juillet, Théâtre du Châtelet, mar-ven 20h, sam, dim, 15h et 20h, Place du Châtelet, m° Châtelet, 10 à 98 euros. Réservation ici.

Crédit photo : Michael Le Poer Trench