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Nick cave et Warren Ellis parlent du volet 2 de “Grinderman”

Vendredi 17 septembre 2010

Nick Cave, Warren Ellis, Martyn P. Casey, et Jim Sclavunos sont tous des “Bad seeds”. Mais dans l’optique d’un punk qui punche plus direct, ils se sont réunis autour du projet Grinderman, il y a quatre ans. Ni groupe parallèle, ni “sideproject”, Grinderman égrène un air de liberté toujours plus grande, à grandes cordes d’impros sonores et des mots crus du maître. Le deuxième album de Grinderman, qui s’intitule simplement “Grinderman 2” est dans les bacs depuis lundi 13 septembre. Dans leur chambre d’hôtel donnant sur les tuileries, Nick Cave et son génial chef d’orchestre multi-instrumentaliste barbu Warren Ellis nous ont confié que Grinderman 3 était déjà prévu. Et bien d’autres choses encore…

Pourquoi avez -vous intitulé l’album “Grinderman 2”, était-ce pour marquer la continuité avec le premier album du groupe?
Nick Cave : Yeah. Et il y aura un Grinderman 3. Mais ce n’est pas le titre qui compte, c’est surtout la couverture. Pour le premier, c’était le loup. Comme ça dans 20 ans, il y aura “l’album pieuvre” et “l’album loup”,”tu sais le merdique, avec le loup” (rire).

Quand vous avez fait le premier album, vous saviez tout de suite qu’il y en aurait plusieurs?
Nick Cave : On ne savait pas vraiment à l’époque. On a juste fait ce premier album et estimé qu’il était cool. Comme les journaux l’adoraient, on s’est peut-être dit qu’il fallait l’aimer aussi… Et continuer.

Qu’est ce que Grinderman apporte de neuf aux membres des Bad Seeds?
Nick Cave : Ce dernier album a permis aux Bad Seeds de faire un putain d’album géant, ce qui ne leur était pas arrivé depuis un bout de temps. Il y avait quelque chose d’indéterminé et bruyant dans “Dig Lazarus Dig”. Je veux dire : “Abattoir Blues” était aussi bruyant, mais d’une autre manière. Avec Grinderman, j’ai donné à tout le monde la liberté de revenir à de la musique comme ça.
Warren Ellis : ca a certainement ouvert des portes. Les Bad Seeds s’efforcent toujours d’être dynamiques. Mais je crois que Grinderman est dans une explosion d’auto-émulation.

Cette explosion dans la musique et dans les texte rappelle l’énergie du premier groupe de Nick,”The Birthday Party”, est-ce une seconde jeunesse, un éternel retour?
Nick Cave : Non, je ne veux pas être jeune. ca ne m’intéresse absolument pas de revenir à ma jeunesse. Et puis ce n’est pas comme si les Bad Seeds étaient connus pour leur manque d’énergie ! Mais The Birthday party ne saurait pas faire la musique de Grinderman, et nous, même si nous voulions, nous ne pourrions revenir au punk d’il y a 35 ans.
En revanche, il y a beaucoup de pression sur moi, avec les Bad Seeds. Si un album est raté, ce sera toujours moi qu’on blâmera d’avoir écrit une série de mauvaises chansons. Personne n’ira blâmer Thomas Wydler pour le disque. Avec Grinderman, j’ai l’impression que si c’est un désastre, on se prendra tous les foudres des critiques ensemble.

L’album expérimente beaucoup les sons, est-ce un challenge?
Warren Ellis : On a juste fait ce qu’on avait à faire pour que le travail soit bien fait.
Nick Cave : Si tu improvises ça t’amène dans des endroits parfois mauvais ou là où tu ne devrais pas aller. Mais cela fait partie du processus. On peut jouer toute une série de mauvaises choses et ça reste ok, car à un moment donné, ça claque, et quelque chose d’excitant arrive.

Avec vous une nouvelle manière de composer vos chansons avec ce projet?
Oui, c’est juste quelque chose qu’on fait avec Grinderman, et c’est nouveau pour moi, une nouvelle manière d’écrire des chansons. On écrit quelque chose de collaboratif, on écrit ensemble. ce ne sont pas des chansons à textes, mais plutôt des chansons qui jouent sur les mots pour créer de fortes impressions. Les paroles sont improvisées, et ça leur donne plus d’énergie. Du coup quand je vais revenir aux Bad Seeds, je vais écrire les paroles comme pour Grinderman. Ils m’ont donné envie de m’asseoir et d’écrire plus de textes libres.

Vous parlez entre vous des textes?
Nick Cave (se retournant vers Warren Ellis) : Il ne m’en parle jamais. C’est comme si quelque chose s’était passé auparavant, pour que personne ne me parle de mes paroles. C’est comme le petit frère homosexuel dont personne ne parle dans une famille, c’est comme ça.
Warren Ellis : Je crois que lorsqu’ on travaille avec un type comme Nick Cave, qui crée tout le temps des trucs, on réalise que c’est très facile d’effrayer quelqu’un au sein de son processus créatif, où la remise en question sur ce qu’il fait est présente.

Vos paroles sont souvent très crues, mais avec un mélange d’iconoclasme et de tendresse. D’où vous vient cette inspiration?
Nick Cave: Je suis content que vous notiez ça, parce que peu d’autres médias m’ont posé la question. je crois que la référence au sexe est quelque chose d’assez classique en musique, d’autres l’ont toujours fait et le font encore. Mais je crois que la manière dont Grinderman évoque le sexe est unique, car le sexe sur l’album est vraiment sur le mode de la névrose et de la terreur. Il y a une certaine panique derrière tout ça qui révèle une grande vulnérabilité et qui pour moi rend Grinderman encore plus intéressant.

Lier la sexualité à la névrose, est-ce un vestige de votre passé religieux?
Nick Cave : Je ne sais pas pourquoi les gens pensent que j’ai un passé religieux. Mes parents n’étaient pas religieux. Ils avaient une vie d’artistes de gauche, et si l’on allait à l’Eglise, c’était plutôt pour socialiser. Mais mes parents n’y croyaient pas. la névrose de mes textes n’est pas liée à un passé religieux. Elle vient d’autre part, et je ne sais pas d’où… Peut-être que c’est juste culturel. Quand j’étais à l’école, il n’y avait que des garçons dans ma classe. Et cela a eu un grand impact sur la manière dont je vois les femmes : nous ne les avons pas vu grandir. J’ai laissé des petites filles en entrant au collège et quand je suis sorti du lycée, elles étaient déjà complétement formées. Les femmes sont donc restées un mystère pour moi. Mais toute névrose est bonne en art. C’est sur. Personne ne veut d’un art “équilibré”.

Dans les textes, il y a également de l’humour. Est-ce une manière de lutter contre la panique et la névrose?
L’humour est une bonne manière d’aller chercher les gens. Ça leur donne envie d’entrer dans quelque chose, de l’écouter. Et je l’ai toujours utilisé dans mes paroles de chansons et dans mes romans comme une sorte d’invitation à venir voir. Bon, il y a d’autres choses qui marchent aussi… attraper ses sous-vêtements, par exemple… (rires). Grinderman n’est pas censé être comique ou drôle. L’humour coexiste souvent, bien aligné, avec le sérieux, dans la même chanson.

Les Grinderman seront sur la scène de la Cité de la Musique le 26 octobre prochain.
Ginderman 2, Mute,12 euros.

Propos recueillis par Steven Guyot et Yaël Hirsch

Alina Orlova, la chanteuse espiègle de l’Est

Lundi 7 juin 2010

L’auteure, compositrice et interprète lituanienne Alina Orlova livre un album trilingue et épicé avec “Laukinis šuo dingo” (Le chien sauvage Dingo, titre d’un livre russe pour enfants). Elle est le 7 juin sur la scène de l’européen.

Elle a 22 ans à peine. La peinture et la photographie sont devenues ses violons d’Ingres. Elle chante en trois langues : anglais, russe et lituanien, a une voix haut perchée qui rappelle Regina Spektor ou Joanna Newsom, et mélange tradition cabaret à la Dresden Dolls, orchestrations violoncelle classiques à la Keren Ann new style et petits bruitages incongrus à la Cocorosie. Impertinente sous ses courts cheveux blonds, Alina Orlova est une figure centrale de la scène alternative de Vilnius. Et une femme qui a su garder une part d’enfance.

Deux ans après sa sortie à l’Est, son album “Laukinis šuo dingo” est enfin disponible en France chez Fargo. 16 titres pop et poétiques irrésistibles. L’entraînante première chanson « Lovesong », avec ses violons nostalgiques, sa poésie presque naïve, et son atmosphère cabaret représente bien l’ensemble du CD. Aux pincements des violons slaves (les accents blues  de « Paskutinio Mamuto daina », le xylophone de cristal de « Utomlionnoe Solnce », la fantaisie des trémolos romantiques de « Lijo » ou « Žeme, sukis greitai » …), Orlova ajoute, avec son clavier et sa voix haute et acidulée, une naïveté claire , et des petits bruits qui parasitent délicieusement le tragique (les chuchotements de « Nojus » ou de « Transatlantic Love »), ainsi que le caractère décalé d’un cabaret magique (« Vaduokliai », « Vasaris »…).

On ne regrette qu’une chose : ne pas parler lituanien et donc ne pas comprendre toute la poésie des paroles de l’album qu’on pressent dans les titres anglais.
Alina Orlova, “Laukinis šuo dingo”, Fargo, CD 19 euros, version digitale, 9.99 euros. Myspace.

Concert le 7 juin à l’Européen, 20h, 5 rue Biot, Paris 17e, m° Place de Clichy, 18.80 euros. Pour acheter vos billets, cliquez ici.

Live report : Gogol Bordello métisse encore son gypsy punk à l’Elysée Montmartre

Mardi 18 mai 2010

Mardi 18 mai, Eugene Hutz et son Gogol Bordello ont pris d’assaut la scène de l’Elysée Montmartre. Et ils l’ont joué “à l’ancienne” reprenant tous leurs tubes pour le plus grand plaisir d’un public aussi mêlé que leur musique. Si la fête était au rendez-vous, la terrible acoustique de la salle et le son saturé des basses n’ont pas permis de se rendre compte de la précision du travail d”‘artisan” que le groupe insuffle de plus en plus dans sa musique.

Le public était très mélangé, hier soinr pour accueillir les Gogol Bordello dans la salle de l’Elysée Montmartre, si jolie avec ses moulures, mais où les instruments se perdent en résonances. Des punks de la première heure demeurés tels quels côtoyaient d’anciens afficionados des crêtes “boboisés” et des petits jeunes venus pour faire la fête. Car l’image de marque des Gogol Bordello, c’est bien cette énergie incroyable qui donne envie de pogotter. Ce qu’Eugene Hutz et sa troupe ont bien compris. Même si du côté des médias, les ballades du dernier album “Transatlantic Hustle“(American Recording / Sony) ont été accueillies avec beaucoup d’enthousiasme, le groupe a commencé sur ses succès les plus toniques : “Break the spell”, “Not a crime”… Et c’est seulement à mi-parcours qu’Eugen Hutz torse nu et christique  a  lancé le premier morceau issu du dernier album. Un morceau politique et toujours énergique : “We are coming rougher”. Après une jolie reprise en portugais, le groupe a fini sur “Pala Tute” le premier single de “Transatlantic Hustle”… avant de donner une bonne demi-douzaine de bis! Dont la jolie ballade “Sun on my Side” et un final à couper le souffle avec seuls sur scène, un Hutz hendrixien à la guitare, son fidèle violoniste Sergey Ryabtsev et son accordéoniste, Yuri Lemeshev.

Si le public a résolument dansé hier, et acclamé les Gogol Bordello comme ils le méritent, le concert a cependant donné l’impression que le groupe était dans une période de transition et tentait de ménager ceux qui viennent pour du vrai Punk old style, tout en distillant une nouvelle tonalité plus “introspective” et plus “artisanale” dont nous parlait le chanteur dans son interview (voir l’article). Le toute nouvelle influence du Brésil, où le leader du groupe vit depuis deux ans, semble peser sur les guitaristes et sur le rappeur et percussioniste equatorien Pedro Erazo, dont le style très R’n’B, les grands mouvements de bras en direction du public, et la voix basse tonitruante jurent avec la couleur subtile et l’accent ukrainien de la voix de Hutz. Enfin, dans le cadre de l’Elysée Montmartre, la multiplication des basses empêchait de voir à quel point le concert était préparé et arrangé. Le concert a donc  été ce joyeux Bordel qui est si familier aux fans, mais qui ne semble plus être la direction vers laquelle le chanteur des Gogol Bordello veut aller.

Au niveau de l’énergie et de la générosité, chapeau bas donc aux Gogol Bordello qui ont bien rempli leur mission et “kicked ass”, pour reprendre une expression chère à Eugene Hutz. Au niveau de la musique elle-même, sentir le work in progress empêchiot quelque peu de plonger entièrement dans l’univers si riche du groupe.

VV Brown en concert dans la Tour Eiffel pour les porteurs de la Carte So Music

Dimanche 7 mars 2010

La société générale et Universal offraient hier un concert de l’anglaise rétro à la voix de velours aux accros de musiques porteurs de la Carte Bleue So Music. Un moment exceptionnel au premier étage de la Tour Eiffel, tout en Pop, en soul et en champagne.

Hier soir, un comité de quelques élus “So Music” ont pu entendre en live le phénomène pop rétro britannique de l’année au premier étage de la Tour Eiffel. Malgré l’acoustique pas tout à fait adaptée de ce lieu magique, VV Brown, haut lamé, jupe à motifs et cheveux banane sooo fifties a emporté l’adhésion de ce public branché. Avec son énergie, sa gestuelle de choriste des années 1950, sa voix de velours et son répertoire déjà bien rôdé, issu de son album “Travelling like the light”( Universal), l’ex-choriste de Madonna a assuré un show très glamour.

Et tous ont repris en choeur ses plus grands tubes (“Shark in teh water”, “Leave”…) mais aussi des titres de l’album un peu moins connus comme “Quick fix”.

Un moment pop délicieux.

Pour entendre l’album de VV Brown, rendez-vous sur son myspace.

Pour en savoir plus sur les cartes de paiement So Music de la Société Générale, cliquez ici.


V V Brown – Shark In The Water

VV Brown | MySpace Music Videos

Louis-Ronan Choisy sort son nouvel album “Rivières de plumes”

Dimanche 7 mars 2010

Sur la couverture, le chanteur apparaît comme “Le Voyageur contemplant une mer de nuages” de Caspar David Friedrich, peintre romantique allemand auquel Choisy consacre un joli titre dans ce nouvel opus. Visuel avant tout, comme une grande étendue d’eau froide, le disque  “Rivière de plumes” a des accents de film viscontien transposés en tonalités minérales (“Des flocons dans l’eau”) et qui parfois s’emballe pour devenir western (“Une rose en sémaphore”). Les mots doux-amers, témoignant de l’amour de Louis-Ronan Choisy pour Leonard Cohen, viennent grever l’infini musical d’une blessure nostalgique (“Quand j’irai voir Dieu”, “Le mépris”, “La rencontre”). De Grands horizons et une étendue de neige ouvrent donc le flot de cette “Rivière de plumes”. Mais comme les cailloux rebondissent sur la surface de l’eau bleue en ricochets, la gravité fait du trampoline sur le son résolument pop de certaines chansons (“Copenhague”, “20 000 lieues sous les neiges”). Une ballade mi-aquatique, mi-aérienne, qui apaise et fait sourire.

Louis-Ronan Choisy sera en concert au New Morning, le 26 avril 2010 à Paris.
Plus d’infos et de musique sur le myspace de l’artiste.
Louis-Ronan Choisy, “Rivière de plumes”, Bonzaï, sortie le 26 avril 2010 en digital et le 9 mai 2010 en CD, inclut la BO du film “Le Refuge” de François Ozon.

Agnès Bihl, la générosité sur scène

Vendredi 26 février 2010

Alors qu’elle vient de sortir son quatrième album, “Rêve général(e)”  (Branco Music, voir notre article). Agnès Bihl était sur la scène de l’Européen pour quatre concerts exceptionnels. La boîte à sorties a eu la chance d’entendre le denier où la salle bondée s’est levée comme un seul homme pour une standing ovation bien méritée. Agnès Bihl est en tournée au Quebec à la fin du mois de février, mais elle revient en Europe en mars !

Après une première partie romantique assurée par la jolie et talentueuse pianiste d’Agnès Bihl, la blonde charismatique est entrée en scène, dans une robe sur pantalon de cuir qui laissait apercevoir son joli décolleté.

Accompagnée par ses trois musiciens, Bihl a laisser couler sa voix gouailleuse dont les accents rappellent souvent le coupant belge de Brel. Le concert était composé principalement de titre de son dernier album, selon une progression qui allait du plus personnel et anecdotique au plus politique et engagé pour culminer, en un énième rappel, dans le “No Flouze blues” slammé par Bihl a capella. Comme Agnès Bihl a voulu faire plus souriant qu’auparavant avec “Rêve générale(e)”, les premières chansons décrivent le parcours du combattant de la célibataire trentenaire : l’amant marié ou se mariant  (“A ton mariage”), les hommes qui ne savent pas ce qu’ils veulent, et les rêves de romance  (“C’est encore loin l’amour?”) pavent son quotidien. Et quand la femme veut se faire prédatrice, elle est souvent découragée : même l’intello aux yeux verts est en dessous de tout, pensant que cunnilingus est un empereur romain.  Du féminisme light à la sex and the city on passe très vite avec Bihl à un vrai engagement politique.

Et l’on jubile lors de sa dénonciation pleine d’humour de l’électeur moyen FN :  celui qui accepte les étrangers mais seulement dans l’équipe de France pendant la coupe du monde, qui trouve que  porter le voile c’est être trop croyant pour être bien catholique, mais qui n’hésite pas à reléguer sa femme à la cuisine (“Quand on voit c’qu’on voit). Et l’on frémit en entendant le plaidoyer d’une petite fille qui demande à son papa dans ses mots de ne plus la violer (“Touche pas à mon corps”).  L’on se sent affreusement honteux de sa propre indifférence à la misère en écoutant le “SDF tango”. Puis l’on entonne avec plaisir “De bouche à Oreille” en ayant un peu l’impression que la solidarité peut encore être révolutionnaire.

Agnès Bihl est une très grande de la chanson. Ses textes sont vraiment très impressionnants : à la fois puissant et extrêmement fin. aie compositrice de chanson réaliste, elle nous plonge dans des petites saynètes qui contiennent des mondes entiers : les contradictions tendres d’une fille de “Treize ans”, comme le dernier amour flamboyant de “Mamie cheveux mauves” qui ne s’est toujours pas résigner à renoncer à “remplir d’étoiles / Un corps qui tremble et tomber mort”, comme le chantait si justement Brel.D”ailleurs, la “Véro” de Bihl n’est-elle pas une “Jeff” au féminin?

Et puis la générosité naturelle d’Agnès Bihl emplit la salle et l’entendre sur scène est une  grande expérience de sensibilité et d’empathie. Elle donne le maximum à son public et le bouleverse, et l’on sort le sourire aux lèvres en pensant très fort : “Merci madame Bihl, merci pour l’émotion, pour vos batailles, et pour toute cette nostalgie aussi cque vous savez si bien transmettre”. Et c’est encore un peu hébété qu’on tombe sur elle dans le hall de l’Européen. La femme de scène à peine fatiguée malgré les quatre rappels est déjà  prête à  dédicacer ses Cds et rencontrer son public.

Agnès Bihl, « Rêve générale(e) » (Branco Music), sortie le 1er février 2010, 13 euros env.
Titre « De bouches à oreilles » téléchargeable gratuitement en se montrant solidaire avec la lutte contre le réchauffement climatique.

Odessa Thornhill : « Mon album est un voyage »

Vendredi 26 février 2010

Juste avant son dernier concert parisien au China , la boîte à sorties a rencontré la spirituelle diva canadienne Odessa Thornhill. Danseuse, poétesse et chanteuse, « Queen Odessa » prépare actuellement son premier album qui doit sortir en avril chez Ideal Music Corporation.

Odessa Thornhill en concert au China, le 25/02/2010

D’où vous vient votre surnom « Queen Odessa » ?
Odessa est mon prénom. Rien à voir avec la Bible, puisque mon père l’a choisi dans un livre africain et que cela veut dire « première fleur ». Le surnom de « Queen » vient d’une chanson de Erykah Badu. Il y a aussi ce jour où je portais un T-Shirt sur lequel était marqué « Queen » et on m’a demandé mon nom, et j’ai dit « Appelez-moi comme ça » en montrant le T-Shirt. Mais c’est aussi une question de respect. Alors que les gens prennent de plus en plus l’habitude de vous interpeler par des « hey », « pss », ou « baby », se faire appeler « Queen » veut dire « Approche-moi avec respect ». Or, pour une femme, j’estime que c’est un devoir de se faire traiter avec respect.


Vous venez d’une famille d’artistes, pouvez-vous nous en parler ?

Mon père est musicien et joue du steelpan, un instrument antillais. Ma mère a toujours chanté à la maison, ainsi que ses deux sœurs jumelles qui étaient assez connues pour leurs voix. J’ai pas mal de cousins qui sont aussi dans la musique, ce qui fait que quand vous prononcez le nom « Thornhill » dans la communauté noire de Montréal, tout le monde connaît ma famille pour sa musique. Moi-même, j’ai toujours chanté. Ma voix est un don que j’ai hérité des deux côtés de ma famille.
Vous chantez, mais vous écrivez et vous dansez également, comment ces trois arts sont-ils connectés dans votre vie ?
Au début, pour moi, ces trois disciplines étaient séparées. Mais ces sept dernières années, depuis que je chante avec mon groupe, la voix, le mouvement qu’inspire la musique et trouver les mots sont trois activités qui sont naturellement venues se compléter. Vous savez, tout chanteur qui écrit ses textes est un poète. Et la musique est ce qui m’a donné envie de danser et de m’exprimer. Mon modèle dans cette traversée des disciplines est Jill Scott. J’ai même créé un show qui combinait voix, danse et lectures de vers. Il s’appelait « Life beyond the sun ».

Vous avez été pendant un an chanteuse au Cirque du soleil, à Orlando. Que vous a apporté cette expérience ?
C’était en 2002, et cela m’a aidée à trouver ma place comme chanteuse et comme artiste. Avant je n’étais pas sérieuse avec la musique et peut-être aussi avec moi-même. Le cirque du Soleil m’a aidée à réaliser que j’étais faite pour faire de la musique sérieusement.

Vous composez vos propres chansons ?
Oui, la musique et le texte. Je commence toujours par la mélodie et après, les paroles viennent.

Sur votre EP et votre site myspace, il y a plusieurs reprises, comme celle de « Crazy » de Gnarls Barkley, ou de « Kiss from a rose » de Seal. Comment concevez-vous cet art particulier qui consiste à reprendre des chansons que tous connaissent ?

C’est une vraie question ! Quand je pense à moi comme spectateur, je sais que quand j’entends une reprise je m’attends à ce que l’interprète donne quelque chose égal ou qui dépasse la musique d’origine. Du point de vue du chanteur, C’est difficile de rendre cet exercice approprié. C’est un peu comme mettre les vêtements d’une autre personne, alors que tu n’es pas cette autre personne. Comment traduire ce que l’artiste a donné avec respect ? Il faut savoir ajouter la texture de toi-même, ce que tu as ressenti en écoutant la chanson, mais sans la saturer, afin de laisser la place aussi à la sensibilité du public.

Qu’est-ce que le spirituel pour vous?
On est physique, mais pas seulement, le physique est là pour magnifier l’esprit. Je pars toujours de l’âme, pas juste de la musique. Pour que je puisse créer une nouvelle musique, il faut que quelque chose m’ait tapé dans la tête. Je ne suis pas quelqu’un de religieux mais je suis certainement une personne spirituelle. Et je crois que toutes les spiritualités communiquent. Et la musique est spirituelle. C’est une manière d’unifier les gens. Quand la musique commence ça m’emporte, je deviens comme une folle. Et j’écoute tous les genres car j’aime écouter ce que les gens ont à offrir, même si parfois ce n’est pas un style de musique qui me plaît j’apprends toujours quelque chose et je sais rester à l’écoute.

La musique est donc une manière de faire communiquer les cultures ?
J’ai grandi dans la musique, en écoutant la Motown, de la soul black, de la musique instrumentale, de la musique antillaise, du gospel. J’ai aussi été très influencée par musique africaine qui fait partie de mes racines. Je suis d’abord une représentante de qui je suis : je suis une femme d’abord, une femme noire et j’essaie de toucher à tout. Alors bien sûr à l’origine, il y a mon peuple, mais je veux donner ma musique au peuple du monde. Bien sûr que la musique ne s’arrête pas juste à ma culture.

Votre album sort très prochainement. Y-a-t-il un message particulier dans ce premier disque ?
« Just love and live life » ! Et surtout parvenir à découvrir les différents univers et niveaux de sa personnalité. En acceptant toutes ces facettes, même celles qui sont laides. Mon album est un voyage : après chaque chanson je me suis moi-même mieux connue. C’est ce voyage que je voudrais offrir à mon public.

Pour en savoir plus sur Odessa Thornhill, allez lire notre article… et pour découvrir sa voix bouleversante en attendant l’album, rendez-vous sur son myspace.

Corinne Bailey Rae : un nouvel album très attendu, et une première vidéo

Vendredi 8 janvier 2010

On attendait depuis 4 ans le nouvel album de Corinne Bailey Rae. “The Sea” arrive dans les bacs le 15 février. En attendant, le premier clip de la chanteuse british à la voix d’ange est disponible sur myspace et youtube.

Originaire de Leeds, Corinne Bailey Rae a commencé par prendre des cours de violon et chanter dans des églises. Mais la découverte de Led Zeppelin la transforme. Avec des tubes comme “Put your records on”, son premier album éponyme s’est vendu à plus de 4 millions d’exemplaires dans le monde et cela faisait 4 ans qu’on attendait le deuxième opus. Dans un style rès blues et proche du dernier Norah Jones, “The Sea” (Capitol/ EMI) sera disponible dès le premier février sur le net et le 15 dans vos magasins. En attendant, un concert privé est prévu au Divan du monde, le 12 janvier, dont la boite à sorties vous donnera des échos. Et vous pouvez vous régaler avec son premier clip : “I’ll  do it again”.

Corinne Bailey Rae “I’d Do It All Again” – Watch more Music Videos at Vodpod.

Dvd : la triste histoire de Clara Schumann

Mercredi 25 novembre 2009

Changement de registre pour l’actrice allemande Martina Gedeck. Celle qu’on a vu recemment dans le rôle de  l’intello de la Rote Arme Fraktion, Ulrike Meinhof dans le film “La bande à Baader, de Bernd Eichinger, a aussi incarné la mythique Clara Schumann dans un film signé Helma Sanders-Brahms (“Allemagne, mère blafarde”). Vous pouvez désormais visionner cette version ciné des romances de Clara Schumann avec les compositeurs Robert Schumann et Brahms, chez vous grâce au Dvd Bodega films, sorti le 19 novembre.

En 1850, après des mois de tournée épuisants, Robert Schumann(Pascal Greggory)trouve enfin un poste fixe à Düsseldorf. Mais la fatigue des nerfs l’empêche de vraiment exercer cette fonction, si bien que c’est sa femme, Clara, qui en plus d’élever cinq enfants, a le culot de diriger un orchestre d’hommes pour les préparer à l’exécution du chef-d’oeuvre que son mari est entrain de composer : sa symphonie n°3, dite “rhénane”. Un jeune compositeur très prometteur, Johannes Brahms (Malek Zidi) arrive comme un ange à la rescousse du couple. S’occupant des enfants, et apportant une nouvelle énergie aux Schumann très préoccupés par les crises de Robert et son addiction au laudanum, il tombe amoureux de Clara, de quatorze ans son aîné.

Comme l’histoire d’Alma Mahler, de Lou Andreas-Salomé ou d’Anaïs Nin, la destinée de muse de plusieurs génies incarnée par Clara Schumann continue de fasciner. Le portrait de femme libre et forte,malgré les contraintes, qu’en fait Helma Sanders-Brahms est classique et surtout pudique. Mais le sur-jeu abominable de Pascal Greggory, la platitude des dialogues, et le côté viscontien des images amidonnées, plombent la subtilité des amours suggérées, l’érotisme parfaitement mature que dégage Martina Gedeck, et la fraîcheur sympathique d’un Malek Zidi à contre-emploi. A la décharge du film, enserrer un mythe dans des images et essayer de sortir une figure comme Clara Schumann de sa tragédie de femme qu’on s’imagine fatale n’est pas facile. De grands cinéastes se sont déjà cassés les dents sur de tels sujets, comme par exemple Liliana Cavani (“”Portier de nuit) dans l’évocation kitschissime des amours de Lou Andreas-Salomé (“Au-delà du bien et du mal”, 1977).


Clara – Bande Annonce FR
par _Caprice_

Clara, de Helma Sanders-Brahms , avec Pascal Greggory, Martina Geddeck, Malik Zidi, 2006, Bodega films, sortie du Dvd le 19 novembre 2009, 20 euros.

Retour au baroque

Dimanche 24 mai 2009

Le premier jeu de mots qu’on m’a appris en anglais est : “If it ain’t baroque don’t fix it” (Si ce n’est pas cassé/baroque, ne répare pas). J’avais choisi d’aller vivre à Chicago. Non pas en faisant tourner une des vieilles planètes rondes de bois de la grande Bibliothèque de Prague, mais déjà sur Internet. Parce qu’à Chicago, il y avait un opéra. Avec des productions de qualité mineure et des mises en scènes vieillottes, ai-je vite réalisé pour me “mettre” à la musique symphonique, qui était là-bas d’excellente exécution. C’est vrai, j’ai tendance à vouloir réparer. Pour justifier un peu mon existence. Et cela me joue des tours de manèges entiers. Mais la seule chose parfaite et impossible à retoucher pour moi est la musique baroque. Parce que c’est de la musique d’abord, une sorte de magie pour moi, qui a sauvé mon père pendant la guerre et dont je ne peux pas apprécier la fabrication puisque je ne lis pas les notes. Et Baroque ensuite, parce que la forme est fière et pure. Particulièrement l’aria da capo. Perfection de la colère flamboyante du “Armate” (en latin, encore mieux) de la Juditha triumphans de Vivaldi, écouté jusqu’à la corde, neige jusqu’aux genoux devant les affreux bâtiments néo-gothiques de l’Université de Chicago. Et visage lisse et océanique du désespoir de Ariodante quand il apprend que sa douce et tendre l’a trompé. 11 minutes de lamento où chaque seconde et chaque strophe répétée vient alourdir le poids de peine dans le “Scherza infida” de Handel, découvert cette fois à Salzbourg la magnifique, de la voix menue et impeccable de Anne-Sophie von Otter. 11 minutes de calvaire sec, à des kilomètres du miel romantique de la complaisance à souffrir. L’adieu déchirant mais noble d’Ottavia à Rome dans l’indépassable “Couronnement de Popée” de Monteverdi. Le baroque ne se sent pas vivant dans la souffrance, il y est parfaitement minéral et mort. Pendant des années, mini-disc puis i-pod sur les oreilles, cette petite mort-là je l’ai appelée ma “dialyse cérébrale”. S’arrêter de penser enfin, mais pas forcément pour ressentir, juste pour se laisser bercer vers l’intemporel. Et pourtant, il y a la vie aussi : le refus de la mort de Sénèque toujours dans Poppée que je suis allée écouter tous les soirs au TCE pendant deux semaines ; le visage terriblement mobile de La Bartoli quand elle vrille de tout son corps empaqueté de soie rouge les vagues du “Anch’il Mar” de Bazajet (Vivaldi encore). Et les jeux drôles de la Sémélé de Haendel, quand j’entonnais le “morning lurke” pour fêter dignement mes premières amours. Enfin, et surtout, le retour à la vie de vieilles partitions défraîchies pendant les belles années où les XVII et XVIII siècles étaient revenus à la mode. Avec le souci d’un authentique pré-rousseauien à jouer tout cela sur des instruments anciens qui grésillent métalliquement, du clavecin à la guitare. Les contre-ténors rivalisaient au Mozarteum, et les divas de chef d’orchestres très symphoniques s’y mettaient aussi. Belles années passées et dépassées. Le baroque n’est plus vraiment à la mode. Alors on fait avec ce qu’il y a : cette année, beaucoup de Bel Canto au Metropolitan Opera, et aussi de l’opéra français XIXe qui connaît une certaine vogue charmante. C’est charmant en effet et cela me fait sourire. Mais cela m’éloigne du roc de mes dix-sept ans, que je recherche en cet après-midi ensoleillé dans les enregistrements déjà vieux que me prodigue un ordinateur fatigué au son moyen. Avant de travailler sur la conversion, j’avais converti moi-même tous mes amis au baroque. Réveil obligé en torrents de Monteverdi et de Gluck, à Rome aussi bien qu’à Venise. La première fois que j’ai entendu le “Stabat mater” de Pergolèse, j’ai eu la nausée. C’est toujours un très bon signe. Et cela fait longtemps qu’aucune nausée métaphysique n’est venue réveiller les belles certitudes culturelles d’une journaliste bien dans sa peau de temps contemporain. Et ça me manque. On revient toujours aux vieux lieux où l’on a été surpris et l’on joue le jeu de se laisser ravir. Répétition en trompe l’oeil qui me retient sans perspective mais avec force dans ma chambre, alors qu’il fait beau dehors et que New-York vibre au rythme d’un soleil vert écrasant. Rameau à pleins poumons dans les forêts alpines, à rêver de la grandeur Française des Indes Galantes semblait un soleil plus rayonnant que la nudité de masse à Central Park ou les défilés de mode austères des Hamptons. Était-ce cela la jeunesse? Je pensais être vieille déjà…
Il y a huit jours, j’ai tranché une partie de moi-même pour mieux laisser vivre le reste du corps. Il est bon de savoir qu’il y a un tronc survivant vers lequel je peux toujours revenir, même si j’en connais tous les contours : la voix solitaire du si sérieux James Bowman quand il chante la Pieta sans transcendance de Vivaldi.