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Lebanon, la guerre depuis un tank

Mercredi 13 janvier 2010

Lion d’or à Venise cette année, le film autobiographique de l’israélien Samuel Maoz montre la première guerre du Liban depuis le viseur d’un tank. Fruit de vingt ans de maturation, « Lebanon » est visuellement superbe et moralement éprouvant. Avant première au forum des images le 12 janvier.

« Je n’avais jamais tué quelqu’un avant cette terrible journée. Je suis devenu une vraie machine à tuer. Sortir  ce tank de ma tête m’a pris plus de vingt ans. C’est mon histoire ».

S.M.

Après «Valse avec Bachir » d’Ari Folman, et « Beaufort », de Joseph Cedar, « Lebanon » est une autre évocation de l’invasion du Liban par un vétéran sur Grand écran. Samuel Maoz se rappelle ses dix-neuf ans, la peur et la fin de l’innocence lorsqu’il s’est retrouvé tireur dans un tank chargé de traverser la frontière libanaise. Aux côtés de trois hommes aussi jeunes que lui : Herzl, chargeant les obus,Ygal conduisant le tank et Assi commandant la troupe, Shmulik se retrouve dans des villes déjà bombardées du Sud du Liban, obligé d’obéir aux ordres de leur chef Jamil et de tuer des hommes, parfois des civils, sans quoi il expose sa vie et celle de ses camarades dans et hors du tank. Or, ce tank dévie de son chemin et se retrouve en région syrienne, là où Tsahal ne peut plus venir en aide à ses hommes…

En filmant « Lebanon », Samuel Maoz est finalement parvenu à surmonter un trauma. En plongeant son spectateur dans la réalité crue et aveugle de la guerre, il s’est lui-même libéré d’un poids qu’il partage avec de nombreux hommes de sa génération. Dur avec lui-même, ses acteurs (qu’il a enfermés pendant des heures dans un container pour leur faire ressentir la terreur qui a pu être la sienne en été 1982), et ses spectateurs à qui il n’épargne aucun détail du quotidien du soldat en guerre, Maoz a trouvé un angle visuel fantastique pour transmettre son expérience. La caméra est enfermée dans le tank, et le monde extérieur n’est visible que par le biais du viseur de  Shmulik. On entend les résultats des tirs, lorsque le commandant décrit par le canal de la radio militaire les blessés et les morts. Se réclamant de grands cinéastes ayant filmé la passivité dans la guerre comme Tarkovski dans l’ « Enfance d’Ivan » (1962), Maoz a su par ce procédé du viseur rompre la monotonie d’une réalité faite d’ordres, de saleté, de corps déchiquetés, et de terreur par des scènes poétiques mais néanmoins effrayantes comme la vision d’une femme libanaise qui survit à une grenade dans son appartement, recherchant sa fille morte dans les décombres, et ses vêtements prenant feu alors qu’elle se trouve devant le char. Même s’il a été parfois très critiqué en Israël, puisqu’il montre une « guerre sale », où les guerriers de Tsahal sont à la fois des victimes et des bourreaux, l’objectif du réalisateur n’est pas de dénoncer mais de partager son expérience et de la retranscrire avec exactitude. Ce voyage au bout de la nuit d’un jeune soldat israélien est un témoignage essentiel, et dont on ne peut que louer la force esthétique et historique.


Lebanon sur Comme Au Cinema

« Lebanon » de Samuel Maoz, avec Yoav Donat, Itay Tiray, Oshri Cohen, Michael Moshonov, Zohar Strauss, Israël, 93 min, sortie le 3 février, avant première au Forum des images le 12 janvier.

Cinéma: The Wrestler, de Darren Aronofsky

Mardi 3 février 2009

Après le fiasco de la grandiloquente “The Fountain”, le jeune réalisateur surdoué de « Pi » et de « Requiem for a dream » offre à ses fans un film à visage humain : celui buriné et solitaire de Mickey Rourke dans son propre rôle. Jackpot complet pour ce film tendre et fort qui a obtenu le lion d’or à la Mostra de Venise en 2008 et pour lequel Rourke a décroché le Golden globe 2009 du meilleur acteur. Sortie le 18 février.

Star du catch dans les années 1980, Randy (Mickey Rourke) vit seul dans un mobile home et fait des petits combats de quartiers dans des bleds du New-Jersey et largement grimés pour un public de plus en plus vieux et parsemé. Terriblement seul et incapable de s’adapter, il tente de renouer avec sa fille qu’il avait abandonné et de commencer une romance avec une strip-teaseuse au grand cœur. Lorsqu’on lui propose de refaire le plus important match de sa vie, vingt ans après, le catcheur est tenté, mais son état de santé est critique et son cœur risque à tout moment de le lâcher.

Après les débauches métaphysiques et budgétaires non abouties de « The Fountain » autour de la superbe Rachel Weisz, la simplicité de « The Wrestler » tourné en 35 jours ( !) a surpris et parfois déçu de nombreux fans d’Aronofsky. Et pourtant, le film est un vrai chef d’œuvre. Original, il s’intéresse aux sous-réseaux du monde catch, milieu bien moins fouillé par le cinéma que la boxe et pourtant terriblement vivant aux Etats-Unis où le show WWE Superstars (World Wrestling Entertainment) devrait revenir au printemps 2009.

Concentrée sur le visage marqué et la crinière teinte de Mikey Rourke, la caméra de Darrend Aronofsky offre à l’acteur terrible un come-back époustouflant (il est même sur la liste des Oscars 2009) dans un rôle plus vrai que nature de « has-been » touchant. Nominée elle aussi aux oscars pour son second rôle, Marisa Tomai (7h58 ce samedi-là, Factotum, In the Bedroom) apporte une touche de grâce et d’humanité à ce film brutal et renforce encore la fragilité du personnage principal.

L’économie des images est absolument fascinante et la manière dont Aronofsky coupe systématiquement les plans avant leur aboutissement donne un rythme lancinant à ce « Wrestler » qui échappe au documentaire pour devenir un grand film.

« The Wrestler », de Darren Aronowsky, avec Mickey Rourke, Marisa Tomei, USA, 2008, 1h45.