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Réflexion fructueuse

Mardi 17 février 2009

Après l’article de réflexion théorique hier, voici le résultat dans ma vie pratique.
Le narcisse en question m’a au passage fait découvrir la très talentueuse Edna St Vincent Millay.
Je ne résiste pas à citer ce court poème qui résume les affres vivantes de mon présent:

“First Fig,
My candle burns at both ends;
It will not last the night;
But ah, my foes, and oh, my friends–
It gives a lovely light!”

Toutes les références de ce jeu intellectuel pas si intéressant sont issues de ses Selected Poems, publiés chez perennial classics.

“Dear Fred. I like Edna, thanks.

So if I had to play the game, I would say p. 143, although it is too strong : I don’t want to please you too much.
I am wondering what sick game of a vieux monsieur narcissique you are playing with me, hot and cold, as the great poetess Kate Perry would sing. You spoil me with presents, play the pygmalion, and then demean me with a smile. It is just not fair, and not elegant. Humanly mediocre, and sooo cliché. The power relation you are injecting in this whole mess might suit your ego, but I am getting perverse-proof. It is not working : your forced humor about me being inculte because I am not american or because a movie you loved did not touch me as much is not affecting me per se. It is just spoiling things between us. Maybe they are spoiled since this infamous thursday, when you started “using” me, as you said. Your were bored yesterday, because there is no more dialogue; you don’t even seem to be able to think straight when you are with me, too busy staging a dispisable boulevard comedy.
I could turn this power-relation to my advantage and play with you, holding the mirror in various directions. But I am not interested in that. I just wanted to know you, to be there for you and to respect you. That is why I am harsh and straight forward :
Is there something genuine to save or shall I just flee?
Y.

J’en profite pour remettre mon poème colérique sur Salomé, ca me fait du bien.

Salomé, enfin.

Coulée de cuivre dans l’œsophage
Rugissement assourdissant sur le fil du fouet
Tu me hantes quand les voiles ont cessé de frétiller
Hystérique amoureuse d’un histrion brillant

Ma nudité

C’est inattendu, la brûlure de détresse.
Voilà, je suis une petite fille égarée
La solitude de l’ouate rougie je la connais :
Nous sommes voisines d’enfance
Enlacées par les cheveux et blasphémant de concert
Nous grinçons sur le tombeau de mes douze ans

Mais toi
Toi, et tes cataclysmes en chambre
Honte à toi Ô pieuse victime.
Quart de faux prophète,
Octuor de philistins
Symphonie de pédales à vide.
Excroissance cérébrale.

Lâche présence verbale de tes pieds si sales
Lâche présence aride de tes mains si vides
Lâche présence rouge de l’anti-promesse

Tu m’arraches la peau des reins
Tu violes mes rêves révélant l’essence
Malheureuse ! J’étais plus forte en ton absence
Médusée, malgré ta mort minuscule
Et la mienne la mienne n’est rien :
Tu sais que c’est elle que j’étreins

Je fais semblant de me mouvoir avec les autres
Décalée dans le son, et sage dans l’image Moi
Je vois descendre le couteau, j’entends la limaille
Par-delà la menace j’exècre la volupté

Je te veux substance amère de l’inachevé

Quand tu planes au-dessus de mon ventre
Livré à mon imagination en refus, j’exige :
C’est le droit sacré des jeunes femmes
Prophète ! Je te maîtrise je canalise tes prêches
Le nid de l’entonnoir boueux nie son centre

Ma nudité
Exposée, blessée, dépecée, exhaussée

Quelque chose crie le schofar
Les coups de notre théâtre
Sonnent le glas de la mascarade

Et régulent
Le Hululement limite du lit
Le jacassement moiré du plateau
La pauvre joie de nos deux agonies

Deux heures à t’occulter patiemment
Je me dilate au corps, torve tordue
Mon petit pied de princesse perdue
Danse banalement je boîte débordée

Sous ce saint la scène saigne, déçue
Il est temps de recevoir mon dû.

Je te prendrai, sois tranquille,
Et en morceaux, avec ta bouche de pantin décapité.
(2004)

Manent

Mardi 3 février 2009

En ce moment je reçois des lettres bizarres où l’on rêve de moi. Moi-même, j’envoie des cartes culottées où j’invite un homme à coucher avec moi. Mais il y a une seule missive qui ne se lira pas : elle risquerait de découdre le fil barbelé sur lequel repose bien droite, l’amitié.

Cher Fred,
Je me suis bien comportée lors de ce déjeuner d’adultes où la gravité l’emportait sur l’émoi. Avant tout, dans la porte d’entrée, j’ai posé deux gros baisers sur tes joues pour sceller notre amitié. Puis, bien attablée, je t’ai écouté, et je me suis retenue de crier. Pendant que tu parlais, que tu disais que tu ne pouvais pas, pour t’encourager à nous condamner au raisonnable, et à éclater la possibilité d’un nous, j’ai entrelacé nos doigts avec fermeté. Puis te relayant très vite au créneau des banalités qu’on dit et que l’on croit, je t’ai confié que cette liaison n’était pas digne de nous, et qu’elle ne nous satisferait pas.

J’ai fait la femme raisonnable, éthique, appliquée et suffisamment éloignée pour que tu me croies un peu juge de nos comportements sans éclat. J’ai même été dure même avec toi, en déclarant que quand tu étais quasi-nu à mon côté j’avais peur que tu meures, et que je m’étais sentie vide et sale quand tu étais parti, ce jour là. Je t’ai aussi rassuré : je n’étais pas fâchée, juste un peu déçue par un comportement humain, trop humain, de la part d’un homme que j’admirais. Mais il y avait quelque chose à sauver : nos chastes repas d’autrefois, quand le pas n’avait pas été passé. Je t’ai laissé encore un peu t’exprimer, avec tous ces fantômes lourds dans ta voix, puis j’ai fait pour nous libérer un joli speech sur Maurice Sachs.

Mais en vérité, j’étais, comme la dernière fois, paralysée : engoncée dans une morale de bois, à nouveau incapable de manger quoi que ce soit, ayant vomi toute la nuit sur ce qui devait se passer, j’avais assez d’énergie pour faire semblant, paraître raisonner. Mais au fond, j’étais malade comme un chat dans la discrète solitude de ce combat. Nous avons marché, mentionné comme si de rien n’était poètes et hommes d’état. Je t’ai laissé filer sur une promesse de cinéma et la certitude fragile que rien n’était brisé, que nous revenions en arrière comme des magiciens béninois. J’ai encore fait quelques pas, et puis me suis écroulée sur le quai de métro, lâchant des ficelles d’eau salée sous mes yeux gondolés, sans craindre que l’on se moque de moi. Je n’avais pas eu de larmes depuis plus de six mois. Les dernières, c’est mon père qui a su les arracher.

Cela fait trois heures que je pleure sans discontinuer, assise sur un sol qui semble se dérober, sans plus aucun désir devant moi. Étranglée de peur et malade d’obscurité, je refuse en vain cet avenir de solitude qui se dégage bien droit. Petite fille au cœur brisé, je vois l’espérance s’envoler avec la foi. L’injustice me fait plier : je voudrais tellement que quelqu’un enfin s’occupe de moi. Mais muse sur l’étagère et infirmière en bas, je dois toujours être forte pour deux, voire pour trois.

Amitiés, donc,

Yaël

Il suffirait de presque rien ...