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Livre : Nous autres, de Stéphane Audeguy

Vendredi 20 février 2009


Dans son dernier roman, l’auteur de la « Théorie des nuages » (Gallimard, 2005) nous fait voyager dans plus de cinquante ans d’Histoire au Kenya. Un livre qui fonctionne comme une suite d’image saisies au vif.

Pierre, un Français de 33 ans se rend au Kenya pour reconnaître le corps de son père, Michel, et l’enterrer là où l’aventurier de soixante ans aurait aimé reposer. C’est-à-dire au plus profond de la terre kenyane qu’il avait adoptée jusqu’à se donner une mort « locale ». C’est la deuxième fois de sa vie, seulement, qu’il voit son géniteur, et pourtant, presque malgré lui et sans curiosité spéciale, le monde animé qui avait entouré Michel le happe. S’il court assez vite, il trouvera même l’amour dans ce pays si familier malgré ses nouveautés.

C’est en courts chapitres, sans dialogues et sans épanchements sur la psychologie des personnages que Stéphane Audeguy aborde de manière quasi-documentaires plusieurs aspects de la cohabitation entre européens et indigènes au Kenya. Ses flashbacks sur la vie de Michel ou des personnages de son passé donnent au livre une profondeur historique. Le roman a les inconvénients de ses qualités : aussi fortes soient les images dégagées, on ne s’attache pas aux personnages, ni d’ailleurs vraiment aux rapports anciens colonisateurs- anciens colonisés qui ne sont qu’esquissés. A acquérir pour barouder dans sa chambre.

Stéphane Audeguy, “Nous autres”, Gallimard, 17,50 euros.

«P<em>ierre s’approche de la table de marbre où l’on a posé le corps, drapé jusqu’à la taille dans un linge bleu pâle. Il ne parvient pas à être ému. Il essaie pieusement d’éprouver des sentiments filiaux, mais sans succès. La curiosité l’emporte chez lui, comme toujours. En l’absence d’un système de conditionnement de l’air, de beaux ventilateurs brassent des effluves mentholés. Le cadavre sort d’une chambre froide, il est couvert d’une légère pellicule de givre qui lentement atteint son point de condensation. Pierre se demande s’il est congelé profondément ou non. Il pense à ces romans de science-fiction où des individus cryogénisés, allongés dans des cryptes, attendent d’un autre monde, une seconde vie. A ses côtés un employé de la morgue plein de tact attend, l’air recueilli .» p. 18-19.