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Tangled up in Ben

Vendredi 30 avril 2010

Docteur en philosophie, animateur de l’émission “Talking jazz” et auteur de l’ouvrage de référence “Black Talk” sur la musique noire américaine, Ben Sidran est également pianiste jazz et chanteur. Avec son batteur et son bassiste, il est venu interpréter son “Dylan Different” (sorti chez Bonsaï à l’automne dernier) sur la scène de New-Morning hier soir. En guests annoncés : Rodolphe Burger et sa guitare. Et en invité impromptu : Erik Truffaz. Les cinq frères d’armes musicales ont offert à leur public deux sets majestueux, le plaçant dans une hypnose admirative de joie partagée. Probablement un des concerts les plus forts de ce printemps.

C’est déccontracté que Ben Sidran prend place à son piano, mettant immédiatement en avant ses deux musiciens. Puis Sidran parle de Dylan, à l’aise dans son discours tendre et drôle, tandis qu’il pianote une petite impro de jazz. Pourquoi reprendre Dylan? lui a-ton souvent demandé. Parce-que Sidran – qui a presque le même âge et est de la même génération- n’a pas pu l’éviter. Dylan est comme un grand mur qu’on trouce devant soi. Certains grimpent à son sommet, d’autres le contournent. Sidran a décidé de foncer dedans. Après un titre en intime en trio, l’invité du soir arrive avec ses cheveux bouclés et sa guitare. Rodolphe Burger, connu pour son groupe Kat Onoma qui mélange jazz et électro et ses collaborations notamment avec Alain Bashung entre en  scène. Sa voix grave à la Nick cave se mêle au phrasé précis et chaud de Sidran dans une version langoureuse de “Blowin’ in the wind”, qui se termine par duo instrumental puissant et mélancolique.

Le public n’a pas le temps de ce remettre de ce moment de toute beauté que Sidran annonce l’arrivée d’un invité surprise : le trompettiste Erik Truffaz. Et les trois amis entonnent la version “différente” de “Tangled up in Blue”, où chacun de leurs solos résonne fort.

Une fois tous les trois sur scène, ils sont “des frères pas nés de la même mère”, comme le dit joliment Sidran à la fin du concert. Tandis que le jeune bassiste donne le tempo en Allemand, les cinq musiciens s’amusent presque plus que le public, et leur musique devient de plus en plus intense, pour le plus grand bonheur du premier rang composé de vieux messieurs éternellement jeunes dans leurs converses, avec leurs i-phones, mais des montures de lunettes inchangées depuis les années 1970. Après une bref pause entre les deux sets, le quintentte reprende de plus belle. Un joli duo complice Sidran/Truffaz, toujours plus de Dylan, et puis, à la fin, quelques ovnis. D’abord la chanson en hommage à Dylan que Sidran avait hésité à enregistrer sur son album et que Rodolphe Burger a composé avec des accents électro sur le joli texte du pianiste : “We are here but for a minute, Gone for a whole lot more”.

Et puis Burger, que Sidran loue comme un “vrai Beatnik” sort la beat-box, pour un son fou : la voix de la mère de Billy the Kid qui lui dit qu’elle l’aime. La surprise du quasi-larsen passé, les cinq instruments enveloppent chaleureusement l’électro et s’emballent dasn une impro bouleversante. Saisi, ému et conscient d’vaoir assisté à un très grand concert, le public se lève pour applaudir. Standing ovation, comme à New-York, de la part de parisiens moins blasés que ne le veut le cliché. Ben Sidran revient au piano pour un seul bis qui commence par une reprise de “Over the Rainbow”. Et tout le monde quitte le cocon rouge cramoisi du New Morning, un immense sourire de gratitude aux lèvres.

Ben Sidran, “Dylan Differen”t, Bonsaï/Nardi, 21 euros.
Ben Sidran sera en concert au Sunset du 10 au 13 novembre prochain. A ne pas manquer.

L’été prématuré sur quelques notes jazz (New York en mille fois mieux)

Vendredi 30 avril 2010

Photo de Claire Grivet

Jolie journée d’été fournaise dans un Paris vidé par les vacances malgré la fameuse “crise”. Après un petit passage par le mémorial de la Shoah toute “habillée de Vichy” m’a fait remarquer mon compagnon de ce soir (même pas vrai, c’est du pied de poule), et un fantastique après-midi à refaire le monde à travers le rôle des comédien avec ma très talentueuse amie Ambre, et après être passée à une présentation de livre un peu fastidieuse et assez rigolote (on retiendra le ton très sérieux “Pasolini est un de mes dieux”, ” je défends les outsiders parce que la littérature n’intéresse personne, tous les auteurs sont des outsiders” (ndlr parmi lesquels se tient un autre dieu inconnu : Bathes), et la modeste volonté “totalisante”, voire “totalitaire” de l’auteur qui estime vraiment c’est ne jamais se laisser aller à avoir un style, et fait dialoguer feu Guillaume Dustan mort à 39 ans, avec le bien portant Daniel Bell de 90 ans) – ouf désolée cette phrase est longue mais je suis hyperactive et hyper critique, que voulez-vous- bien donc je me suis retrouvée AU concert de l’année. Lundi dernier en allant écouter un chanteur français un peu minet au New Morning, j’ai vu que Ben Sidran y jouait ce soir. or son dernier album, “Dylan Different”, avait retenu mon attention dans le paquet de choses que je reçois. J’ai donc fait un caprice et malgré l’article un peu cruel que nous avons délivré au chanteur français, l’attaché de presse qui s’occupe aussi de Sidran m’a mis deux places de côté. J’avais un bon pressentiment. Mais en m’asseyant sur les marches de cette salle que j’adore avec mon verre de piquette rouge tellement bienvenue, j’ai su que ça allait dépasser toutes mes espérances… Sexy, parfaitement américain, Sidran s’est mis à faire un portrait chinois de Dylan tout en jouant avec ses deux complices du VRAI BON jazz comme j’en ai cherché pendant un an à New-York. Puis il a commencé en douceur, pour nous mettre à l’aise avec ses doigts agiles et sa voix de crooner de luxe. L’ovni fantastique, Rodolphe Burger, est ensuite arrivé avec son petit Bierbauch et sa furieuse guitare électrique. Une chanson plus tard, ils entonnaient “Blowin’ in the wind”, et là je me suis sentie écrasée par une hypnotique méduse( et bien oui j’ai décidé que j’allais arrêter de parler de “grâce” et faire plus imagé). Je n’ai pas eu le temps de me remettre de ce coup de notes dans le que Sidran annonçait à la trompette l’arrivée de… Erik Truffaz (qui est resté jusqu’au bout). Et c’était parti pour deux vrais sets avec une vraie pause comme dans mon smoke  natal mais en mille fois mieux. Mettant en valeur els deux petits jeunes à la basse et à la batterie et se renvoyant les solos comme des balles de ping-pong Sidran-Burger-Truffaz avaient l’air de se faire encore plus plaisir à eux à qu’à nous, et la tension n’a pas arrêté de grimper. Jusqu’au moment fatidique où Burger le rebella sorti la beat box qui a joué un peu à vide un air étrange très beatnik “Billy the Kid I love you”, avant que les instruments rugissant des compères ne couvrent le cri de la maman quasi-juive. Dans la salle, on n’entendait pas une mouche voler et comme par hasard pas le moindre téléphone vibrer. Nos voisins, des hommes de soixante-dix ans avec les options converses, i-phone, et lunettes 1970 d’origine contrôlée, buvaient du petit lait. J’ai continué au vin (je n’ai pas encore 70 ans), pour me réjouir de la double standing ovation (trop rare à Paris) tellement méritée, et me dire que ça y est : le moment que j’attendais sans vraiment y croire depuis 10 ans est arrivée : me voilà convertie au jazz (bon avec les textes de Dylan et la beat-box, c’est quand même mieux. Ah, et oui, conclusion nécessaire de la soirée : un délicieux indien du passage Brady, confidences, dédales de parkings et Paris la nuit comme si août avait frappé avril de foudre pour prendre toute la place.

Spécial dédicace: merci petit i-phone qui me fait le supplice chinois et crache un mauvais son : tu immortalises quand même!

copyright : Photo de Claire Grivet

La paix de l’archiviste

Lundi 30 mars 2009

Enfin un grand fou rire dans le métro vers Brooklyn hier soir. Raphaël m’a fait rire et rire pendant les une heure et demie de trajet qui nous menaient d’un concert sépulcral de free jazz par un vieux pianiste “légende vivante pour inconnue morte” à Columbus Circle vers enfin une fête pleine de jeunesse et de gaité chez Chester et Jay. Ils habitent à Sunset park dans une très belle maison où j’ai fini par m’endormir avant de filer vers les 10 heures du matin, la gueule de bois, plus de douleur et sans soutien-gorge pour un brunch dans le upper east-side. Juste ce dont j’avais besoin : des coktails chics griffés “années 30- grande dépression”, des conversations sur la décadence française XIXe, un peu de danse, et une nuit loin de chez moi dans des bras juste tendres. Mes amis sont formidables, je ne le répéterai jamais assez.

Avant j’ai quand même promené Stendhal dans tout Manhattan, bien cachée derrière mes lunettes noires, zombie ankylosée,  et ai à nouveau été touchée par la solitude terrible d’un autre vieux juif.  Impatient (il a le droit à 87 ans!) il a voulu quitter le concert, et la française respectueuse en moi n’a pas pu le laisser marcher dans le froid tout seul. Je l’ai donc raccompagné, ratant quelques elucubrations mystiques de notre pianiste de génie. Quand est-ce que j’intégrerai le “moi d’abord” américain? C’était censé être ma thérapie. Qui vient de loin, de Louis XV, me rappelle souvent ma chère Regina Spektor dans son brillant “Après moi” (le déluge) en anglais en français et en russe.

Ce soir, enfin fatiguée (3 heures de sommeil, 1/2 litre de vodka, un demi Lucien Leuwen, un demi Rosenstock, une grosse injustice e-mailée, et surtout deux heures et demie d’intense conversation avec un collègue historien dans les pattes), je me sens apaisée. Fin de la douleur? Je prépare donc le terrain pour bien bosser et enfin retourner à la gym demain.

“I must go on standing
You can’t break that which isn’t yours
I must go on standing
I’m not my own, it’s not my choice

Be afraid of the lame, they’ll inherit your legs
Be afraid of the old, they’ll inherit your souls
Be afraid of the cold, they’ll inherit your blood
Après moi, le deluge, after me comes the flood”

Yes définitivement survivance ashkénaze avec Regina, et le côté winterreise du piano m’enchante…