Articles taggés avec ‘film français’

A l’origine, l’histoire vraie d’un ex-détenu qui s’improvise chef de chantier

Dimanche 8 novembre 2009

Xavier Giannolli, le réalisateur des “Corps impatients” (2003) et de “Quand j’étais chanteur” (2006) s’inspire d’une histoire surprenante et néanmoins vraie : un ancien détenu qui se fait passer pour un chef de chantier autoroutier. Il offre à François Cluzet l’un de ses plus beaux rôles et filme sans misérabilisme, la détresse d’une région industrielle désertée. Sortie le 11 novembre.

Philippe Miller (François Cluzet) est un escroc qui vit en volant du matériel de chantiers. Un jour, il tombe sur un chantier d’autoroute qui a du s’arrêter après que des scarabées ont été trouvés sur l’emplacement des travaux. Le projet de construction est tombé dans l’oubli de la grande firme qui la dirigeait, détruisant de nombreux postes et laissant la région dans une situation économique désastreuse. Un quiproquo laisse penser aux habitants que Miller est envoyé par la grande société de construction pour reprendre les travaux. Profitant de la situation pour toucher des pots de vins, et encouragé par la maire de la ville voisine du chantier (Emmanuelle Devos) et par la jeune Monika (la chanteuse Soko) qu’il débauche de son travail de serveuse de motel pour la prendre comme secrétaire, Miller sort peu à peu de sa solitude volontaire et  se laisse prendre au jeu. Enfin “quelqu’un”, comme il dit, il n’a dès lors plus qu’une idée en tête : mobiliser toutes les entreprises de la région et  finir le tronçon d’autoroute.

La fascination de Xavier Giannoli pour ce personnage hors du commun (qui a aujourd’hui à nouveau disparu dans la nature) est véritable, et cela se ressent. Ayant mené son enquête, notamment en demandant conseil au juge qui a instruit l’affaire Miller, Giannoli la transmue en festin visuel, où les bétonneuses dansent un ballet sous des éclairages de nuit envoûtants. Impeccable dans le rôle de l’ours qui dégèle peu à peu sous les coups de la tendresse bourgeoise d’Emmanuelle Devos et avec la sympathie que provoque chez lui la détresse de Soko et de son mari ( interprété par le nouveau jeune premier du cinéma français, Vincent Rottiers) François Cluzet donne le meilleur de lui-même pour suggérer les contradictions du personnage principal. Enfin, le passage rapide de Gérard Depardieu en escroc débonnaire est, comme d’habitude, foudroyant. Abordant sans misérabilisme la misère des régions industrielles dévastées ainsi que la petite vie grise de leurs habitants vaquant de petits boulots de serveurs en bordure de route en autres petits boulots agricoles, et se concentrant sur le mystère toujours évanescent des motivations de Philippe Miller pour rester, au lieu de fuit avec le magot qu’il a amassé grâce à la crédulité de ces chômeurs sans espoir, Xavier Giannoli signe un grand film.

“A l’origine”, Xavier Gianolli, avec François Cluzet, Emmanuel Devos, Soko, Vincent Rottiers et Gérard Depardieu, 2h10, sortie le 11 novembre 2009.

Les herbes folles, le nouveau Resnais

Vendredi 30 octobre 2009

L’immense Resnais abandonne la comédie musicale et revient à l’adaptation littéraire avec ce film tiré du roman de Chistian Gailly, “L’incident” (Editions de Minuit). Dans “Les herbes folles”, le public retrouve Dussolier et Azéma dans une suite très psychologique d’actes irrationnels.

Dentiste et aussi aviatrice, Marguerite Muir (Sabine Azéma) se fait voler son sac en allant acheter des chaussure dans un magasin des galeries du Palais Royal. Peu après, dans un parking de centre commercial de banlieue, Georges Palet (André Dussolier) retrouve le porte monnaie de Mademoiselle Muir. Il le confie à un agent de police (énorme Mathieu Amalric). Le coup de fil de Marguerite pour remercier un Georges désoccupé mais très bien marié (le rôle de la femme étant tenu par l’étoile montante du cinéma français, nne Consigny) entraîne une relation non-sexuelle et complétement obsessionnelle.

Affiche  signée Blutch, titre sublime, casting bouleversant (Azéma en éternelle rousse éméchée, Dussolier en psychopathe qui retient ses envies de meurtre, Anne Consigny, Emmanuelle Devos dans son rôle favori de bourgeoise, Matthieu Amalric, Michel Vuillermoz, apparitions de Nicolas Duvauchelle, Sara Forestier ainsi qu’Annie Cordy et même Edouard Baer pour la voix off), parfaite distance au texte de Gailly qui voulait surtout que Resnais lui fiche la paix et lui laisse écrire son roman suivant, “Les herbes folles” est un film fin, aux plan léchés, aux flash backs chorégraphiés et à la psychologie fine. Le film est moins facile d’accès que “On connaît la chanson” ou “Smoking no smoking” et renoue avec l’absurde très littéraire de “La vie est un roman” (1983) ; l’apprécierdemande une certaine patience et le goût du détail, mais tout ceci réjouira les fans d’Alain Resnais.


Les Herbes folles Bande Annonce du film
envoyé par LE-PETIT-BULLETIN. – Les dernières bandes annonces en ligne.

“Les herbes folles”, d’Alain Resnais, avec André Dussolier, Sabine Azéma, Anne Consigny, Emmanuelle Devos, Matthieu Amalric, Michel Vuillermoz, Nicolas Duvauchelle, Sara Forestier, et Annie Cordy, 2009, 1h44, sortie le 4 novembre.

Cinéma : Doit-on regretter les regrets?

Dimanche 6 septembre 2009

Avec Les regrets, le talentueux Cédric Kahn sort de l’adaptation littéraire (L’Ennui de Moravia, Roberto Succo d’après le livre d’un journaliste, ou Feux rouges, d’après Simenon) pour rendre hommage à La femme d’à côté de François Truffaut. A force de ne pas laisser la passion respirer, Kahn rend son film-course assez poussif.; il révèle néanmoins en Yvan Attal un très grand acteur.

Lorsqu’il va voir sa mère mourante à l’hôpital, Mathieu Liévain (Yvan Attal)  tombe sur son amour de jeunesse Maya (Valeria Bruni-Tedeschi). Ils ne se disent rien mais Maya l’appelle peu après. Ils sont tous les deux mariés, mais cela n’empêche pas l’mour de leur jeunesse de se muer en passion dangereuse.

A l’écran, la musique de Philip Glass est devenue synonyme de crise existentielle pour la classe moyenne supérieure. C’était le cas pour le sens de la vie dans The Hours, celui de l’identité dans La Moustache et c’est le cas dans Les regrets pour la question de l’amour. Car ils ‘agit bien d’amour et non de passion entre Mathieu et Maya. Mais le génial  fond sonore de Glass ne parvient pas à donner sens aux scènes de routes et aux brusques revirements et donc pas à sauver ces Regrets de la comparaison avec  la Femme d’à côté de François Truffaut.

La beauté de la photo, dirigée par Céline Bozon (Transylvania, Pork and Milk) ne vient pas non plus rédimer le film du rythme haché que Kahn a imaginé pour donner l’impression d’une course folle. Bonne idée de transformer l’amour en thriller.  Sauf l’attente en est une composante essentielle et la mettre en ellipse rend l’intrigue peu vraisemblable.  Et Cédric Kahn  n’est pas très cohérent quand il baigne ses plans  de la mollesse suffocante d’une société chabrolienne et d’une chair monstrueusement calme dans sa toute-puissance. Côté acteurs, la mollesses des performances est raccord avec L’ennui: la sensuelle Valeria Bruni-Tedeschi rejoue son rôle de 5X2 (F. Ozon), sans vraiment varier les mimiques qui signent ses performance de femme-femme au cœur de petite fille; et en mari-guest, Philippe Katerine a l’air tout droit sorti des années 1970. Seul Yvan Attal tire son épingle du jeu. Il faut même avouer qu’il est bluffant sous sa mèche un peu grasse de quadra possédé. Il nous avait habitués à jouer les gros bras (Les patriotes, Anthony Zimmer, Munich), et dans ses deux derniers films, Les regrets et Partir, il se révèle être un immense acteur dramatique.

Les Regrets sont donc à voir, pour les âmes en mal d’histoires d’adultère, et spécialement pour la scène d’amour  filmée à travers les marches d’un escabeau  de bois -un des seuls moments où la caméra se pose et prend son souffle!

Les regrets, de Cédric Kahn, avec Valeria Bruni-Tedeschi, Yvan Attal, Philippe Katerine, Arly Jover, France, 208, 1h45

Cinéma : Mère en sursis

Mardi 11 août 2009

A partir d’un fait divers rapporté par Emmanuel Carrère dans L’Evènement du jeudi en 1992, et reprenant un projet que Jacques Audiard devait porter à l’écran, les Miller père et fils filment l’amour meurtrier d’un jeune homme pour sa mère absente. « Je suis heureux que ma mère soit vivante » est un huis clos digne de Mauriac, la spiritualité en moins…

Sortie le 30 septembre.

heuerux

Thomas a quatre ans lorsque sa mère l’abandonne avec son petit frère, faute de moyens nécessaires pour les élever. Un couple aimant adopte les deux garçons, mais rien ni personne ne peut faire oublier à Thomas sa mère. Lorsqu’il sonne à sa porte, il a vingt ans, un travail dans un garage, et il passe beaucoup de temps avec elle et son tout jeune demi-frère. Mais la douleur et le ressentiment le poussent un jour à l’attaquer et à la blesser mortellement.

Sur une idée du producteur, Jean-Louis Livi, et parce que Jacques Audiard était trop occupé par d’autres projets, Claude Miller a confié la première caméra à son fils, Nathan, qui avait notamment participé au tournage d’ « Un Secret ». Sans souci de retracer la « vérité historique », et pour éviter les liens de causalité entre enfance malheureuse et devenir assassin, le tandem Miller minimise les flash backs et les filme en plan fixe.

Un érotisme larvé entre mère et fils vient encore compliquer leurs relations. Dans le rôle du fils, Vincent Rottiers est hypnotisant et, en face, Sophie Cattani est à la fois touchante et sensuelle en mère un peu paumée.

Malgré la force du sujet, la liste impressionnante de grands noms du cinéma Français qui se sont penchés sur le fait divers, le talent de tous les acteurs, et les efforts de pudeur des réalisateurs, le film ne touche pas. Les ellipses et les non-dits ne donnent pas envie d’imaginer plus que le quotidien triste d’êtres humains qui réagissent finalement comme des bêtes, mais sans aucune dimension monstrueuse ou mythique. Ca s’est passé, et c’est passé, mais cela ne dévoile rien des méandres de l’esprit humain, ni sur la complexité de l’amour filial.

A force de s’inspirer de David Fincher et de Martin Scorcese, Nathan Miller a peut-être oublié qu’il existe en France une longue tradition cinématographique de traitement génial du fait divers, de Chabrol pour l’atmosphère glauque ,à Téchiné qui évite les liens de causalités socio-politiques dans « La fille du RER », en passant par Duras pour l’usage du plan fixe, et Louis Malle pour les personnages « indignes ».


« Je suis heureux que ma mère soit vivante », de Nathan et Claude Miller, avec Sophie Cattani, Vincent Rottiers, Christine Citti, et Yves Verhoeven, 1h30, sortie le 30 septembre 2009.