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Retour à la Berlinale

Samedi 8 février 2014

C’est la troisième année que je couvre le festival du film de Berlin. Malgré un calendrier bien rempli par les projections, et la manière un peu déprimante dont la capitale vit comme si son festival planqué dans le fort froid de la potsdamer platz n’avait pas lieu, la ville résonne beaucoup en moi.

Par la langue d’abord, un gris prononcé bariolé de travaux où l’on se sent privilégié de se faire un petit nid chaud, même pour quelques jours. Et par sa taille démesurée qui met à mal mon ferme désir de rester non-conductrice.

Cette année, il fait particulièrement doux, ce qui encourage les errances et ravive les rêves de vivre ici, un temps ou longtemps, le temps de rêver en allemand et de connaître tous les frozen yoghurts et scènes de performance de la ville. Le temps de m’échapper un peu et de rêver un monde disparu; de me laisser blesser par un passé lourd, pesant le poids du plomb, lors des longes heures d’été que j’ai pu passer seule ici, à la fin de mon adolescence. Le temps de tomber amoureuse d’un poète mort, de vivre les nuits jusqu’aux aurores à refaire le monde avec les pieds ou avec des étrangers, le temps d’être libre.

Le canevas de cette couverture cinéphilique de 6 jours ne laisse pas ces marges, ni même l’espace de souhaiter ces échappée. Et pourtant, malgré les twitts, les reports, les conférences de presse et les projections qui préviennent les errances intempestives, il y a beaucoup de joie pour moi à être ici, à ne pas avoir froid, à être unie en un seul en endroit sans me sentir coupable de ne pas être ailleurs, et à me sentir prête à voler, baskets aux pieds, d’un film à un autre, comme si ces séances ne pouvaient m’être comptées ou déprises. Un sentiment de correspondance incompressible, comme celui que je sens à Cannes – mais moins les crises de nerfs d’épuisement- ou que je vis quand je suis seule à Tel-Aviv à butiner comme une abeille chaleur, extraits de vies étrangères et familiarité qu’on peut aussi mettre à distance.

Pas de chagrin d’amour, pas de souvenir douloureux personnels dans ces deux capitales. Seul le passé des autres les hantent, les habitent, dépassent l’espace imparti à l’imparfait, et cette démesure ne m’attaque qu’indirectement. L’oxygène circule et le corps s’allège. Un bon poulet rôti, une marche le long des tilleuls, une chambre à soi avec vu sur la Fernsehturm depuis une tour légo, et la paix monte, comme un répit volé à une vie où il y a trop à prouver et trop à porter.