Articles taggés avec ‘épée de bois’

La Seconde Guerre de Léon Werth rescussitée à l’Epée de bois

Mercredi 14 avril 2010

Au théâtre de l’Epéé de bois, Valérie Antonijevich met en scène des extraits du Journal de guerre de l’écrivain Léon Werth. Le titre de cette pièce qui nous plonge au coeur du quotidien de Français ordinaires pendant les années noires reprend un des codes de Radio Londres pour annoncer le débarquement de Normandie : “Mon Coeur carresse un espoir”. Une épopée réaliste et surranée.

Léon Werth est un auteur typique de la Troisième République : Khâgne, laïcisme, tranchées, et engagement d’intellectuel. C’est aussi un auteur un peu oublié et remis au goût du jour par les éditions Viviane Hamy. Valérie Antonijevich est allée puiser dans son Journal de guerre pour inventer un équivalent théâtral au “Chagrin et la Pitié” de Marcel Ophuls. Alternant récits extraits du texte de Werth en voix off, affichage de discours officiels de l’époque, et scènes de la vie quotidienne sous l’occupation, “Mon Coeur carresse un espoir” plonge le spectateur dans les débats politiques qui ont pu remuer les familles ou les villages de France de 1940 à 1944. Et l’on se re-pose avec des personnages fort simples des questions auxquelles nous avons désormais toutes les réponses : La France n’a-t-elle pas mérité sa défaite, à force de se laisser aller depuis la victoire de la Première Guerre? Pétain est-il vraiment pro-allemand ou tandis que le héros de Verdun “fait semblant” pour gagner du temps, la collaboration est-elle à mettre entièrement sur le compte de Laval? Le STO, un acte de nécessité, de lâcheté, ou patriote pour libérer des prisonniers? Les soldats allemands, si polis et bien mis, sont-ils vraiment des ennemis? Comment passer la ligne qui mène de la zone occupée à la zone libre? Puis : Mérite-t-on l’exécution pour avoir saisi l’opportunité de commercer urbainement avec l’occupant?

Si le texte de hussard de Léon Werth s’évère très decevant, d’une neutralité qui confine à la grisaille, et paraissant a posteriori carrément pontifiant sur les clichés des français collaborant gentillement, la mise en scène de Valérie Antonijevich est une belle réussite.  Cette dernière sait mettre ses comédiens en scène autour d’une simple table, puisque, même devant un ersatz de café ou leur dernière bouteille de vin, les Français discutent politique devant des victuailles. Elle a aussi l’idée géniale de déplacer la table sur l’immense scène de l’Epée de bois, parvenant ainsi à meubler avec 6 comédiens, quelques habits et deux rangs de vêtements, un espace où le spectacle pourrait se perdre. Endossant les rôles de Français moyens qui se succèdent sans jamais rien dire de très original ou de très touchant, Yves Buchin, Jean-Marie Garcia, Frédéric Jeannot, Toma Roche et Nadja Warasteh donnent leur maximum pendant plus de deux heures pour offrir une voix émue à ces personnages. Un voyage dans l’histoire dans ses heures les moins glorieuses.

Mon Coeur carresse un espoir“, d’après un texte de Léon Werth, mise en scène Valérie Antonijevich, chorégraphies Yano Iatridès, avec Yves Buchin, Jean-Marie Garcia, Frédéric Jeannot, Toma Roche, Nadja Warasteh, et Aristide Legrand (voix de Verth), jusqu’aun 25 avril à l’Epée de bois, Route du Champ de Manoeuvre, Cartoucherie du Bois de Vincennes, mar-sam 21h, dim 16h, sam 17 et 24 avril 16h, Paris 12e, m° Porte de Vincennes PUIS Bus 112, durée du spectacle : 1h10, 18 euros (TR : 13 euros).Réservation au : 01 48 08 39 74.

© Joey

Dernière lettre d’une mère à son fils à l’épée de bois

Mercredi 13 janvier 2010

Du 27 janvier au 13 février Christine Melcer interprète “La dernière lettre”, extraite du roman de Vassili Grossman :” Vie et Destin” au Théâtre de l’épée de bois. Dirigée avec pudeur par la toute jeune Nathalie Colladon de la compagnie “Têtes d’ampoules”‘ la comédienne donne corps à l’ultime témoignage d’amour d’une mère à son fils.

“Comment finir cette lettre? Où trouver la force pour le faire mon chéri? Y a-t-il des mots en ce monde capables d’exprimer mon amour pour toi? Je t’embrasse, j’embrasse tes yeux, ton front, tes yeux. Vitenka…Voilà la dernière ligne de la dernière lettre de ta maman Viv, vis, vis toujours… Ta maman.”

afficheDEF

A Berditchev, en Ukraine, dans la chaleur insupportable de l’été 1941, et juste après que les nazis ont pris la ville, Anna Seminiovna est obligée de quitter sa maison. Parce qu’elle est juive, elle est enfermée dans le ghetto de la ville où sont parqués tous ses coreligionnaires. Elle sait qu’elle n’en sortira pas. Et que, par conséquent, elle ne reverra jamais son fils mobilisé dans l’armée. Elle lui écrit donc une dernière lettre où elle inscrit tout son amour pour lui. 17e chapitre du grand roman de Vassili Grossman, cette lettre est un texte puissant. En écrivant la lettre que sa mère n’a jamais pu lui envoyer avant d’entrer dans le ghetto, Grossman fait parler en même temps toutes les mères du monde, en imaginant comment elles exprimeraient l’amour qu’elles ont pour leur enfant, sachant que c’est la dernière occasion de le faire.

C’est la comédienne Christine Melcer qui a proposé à Nathalie Colladon de travailler ce texte pour la deuxième mise en scène de la compagnie “Têtes d’ampoules”. Dans un décor sobre, fait d’une grande palissade de bois, l’interprète complétement investie dans le rôle de la mère condamnée. Se découvrant peu à peu de ses vêtements chiffons, elle semble se dévoiler tout au long de la pièce pour arriver à la nudité de la coexistence inexplicable de la mort imminente et de l’amour pour son fils. Pendant plus d’une heure, la salle est suspendue à ses lèvres, entrant en empathie avec le sens à la fois simple et essentiel de chaque mot écrit par Grossman. Avec une grande sensibilité et un attention toute particulière à l’universalité du message, à à peine 25 ans, Nathalie Coladon met en scène sa bouleversante comédienne. Son engagement artistique est aussi politique :”Oui, je suis jeune, Non, je ne suis pas juive. Oui, je suis concernée”. Et touche juste, puisque le public a déjà plébiscité ce spectacle lorsqu’il a été représenté une dizaine de fois à l’épée de bois en juin dernier. A vous d’aller découvrir ce monologue à la fois superbe et terrible et qui nous concerne tous, quel que soit l’âge ou l’appartenance identitaire.

“La dernière Lettre”, un texte de Vassili Grossman, Mise en scène Nathalie Colladon de la compagnie “Les têtes d’ampoules”, avec Christine Melcer, du 27 janvier au 13 février, Cartoucherie, Route du Champ de Manoeuvre, Paris 12e, m° Porte de Vincennes PUIS Bus 112, durée du spectacle : 1h10, 13 euros (TR : 9 euros).Réservation au : 01 48 08 39 74.


La dernière lettre Nathalie Colladon
envoyé par Elocrapcrap. – Découvrez plus de vidéos créatives.