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La douce mélancolie de l’illusionniste

Mardi 6 avril 2010

Après avoir vendu plus d’un million de copies des “Arpenteurs du monde” traduit en 40 langue, le Wunderkind des lettres allemandes, Daniel Kehlmann est de retour chez Actes Sud avec la réédition de son roman d’apprentissage  “La nuit de l’illusioniste” et la sortie en poches de “Gloire”, dont l’intrigue se compose de 9 histoires. Petite plongée dans la prose douce-amère de Kehlman à travers le premier de ces deux opus qui paraît le 7 avril 2010.

Lorsque sa mère adoptive meurt frappée par la foudre, Arthur Beerholm prend soudain conscience de l’absurde de la vie et de l’absurdité de la mémoire. Resté seul face à face avec son père adoptif à qui il n’a rien à dire, surtout après que celui-ci a épousé sa ravissante et méchante jeune nounou, Arthur part en pensionnat puis décide de faire des études de théologie, qu’il finit par interrompre après un séjour traumatisant dans une retraite où les moines font voeu de silence. Entretemps, l’ancien élève très doué en mathématiques a rencontré les cartes et leur magie. Il décide de pousser l’art de l’illusion jusqu’à un niveai métaphysique qui lui était resté inaccessible par la voie de Dieu. Avec l’aide d’un très grand magicien, il se lance dans une course à l’excellence qui lui amène la gloire, mais pas vraiment de réponse à ses questions…

Amer, désenchanté et néanmoins profondément poétique dans la capture de l’instant, “La nuit de l’illusionniste” se dévore comme un fruit qui doit se manger encore vert. Daniel Kehlmann renouvelle le roman d’apprentissage désenchanté en alliant le manque de repères et un style légèrement surrané qui accroche le temps et le souvenir. Il parvient à rendre un héros dont le malheur n’est pas vraiment sympathique très fascinant, tout en ménageant une grand marge de détachement au lecteur. Un très beau roman.

Daniel Kehlmann, “La nuit de l’Illusionniste”, trad. Juliette Aubert, Actes Sud, 175 p., 17,80 euros.

C’était l’un des derniers jours d’août, et même ce jour précis où l’on sent à une subtile pesanteur magnétique que quelque chose va bientôt finir. Tout est encore en fleurs, les guêpes et les coccinelles s’agitent, mais à tout cela se mêle un indéfinissable malaise. Chaque année tient cette journée en réserve, et soudain elle est là et on ne sait pas ni d’où elle vient ni pourquoi elle tombe justement aujourd’hui. Voilà sans doute une des raisons pour lesquelles j’étais si pressé de partir et m’en allai sans me retourner et sans tenter de dire à Beerholm ce que j’aurais du lui dire. Si j’avais su que je ne devais jamais plus le revoir, que c’était la dernière occasion, est-ce que j’aurais essayé? Qu’est-ce que j’en sais! S’il y a une chose qui peut conduire l’homme au bord de la folie, c’est bien l’idée que certains évènements ne se rattrappent jamais, que des occasions passent et ne reviennent plus, jusqu’au moment où ce grand cosmos pétri d’étoiles se résoudra en lumière. Si au moins je m’étais retourné…! Je sais très bien que ma mémoire aurait conservé cette dernière image de Beerholm, debout dans l’embrasure de la porte (a-t-il fait un geste de la main? non, pas Beerholm). j’ai bien sûr beaucoup d’images de lui, mais c’est justement celle-ci, la plus importante, qui me manque. ma collection est icomplète et elle le restera.” p. 45

Renaissance

Jeudi 5 mars 2009

Finalement, revenir est la vie est une formule toute simple : l’odeur d’un homme qui vous désire très fort sous les ongles, marcher un peu  fourbue le long de Central Park dans le soleil faible et conciliant de l’hiver,  musique au poing et sourire dans les yeux puisque la bouche chantonne. Et surtout se remettre à écrire sur un sujet que je porte dans la peau plus profondément que tous mes amants réunis.  5 ans d’obsession. 5 ans de gestation et je me demande d’accoucher. Bloquée, contractée et angoissée, j’ai traversé l’enfer ces trois dernières semaines en fixant mon plafond. Par delà la culpabilité, un vide aveuglant. Et pas de distractions possibles. Impérieux, ils exigeaient :  les convertis m’ont mordue, marquée, transformée, passionnée et envahie. J’avais si peur de les décevoir, morts ou vivants, que j’étais coincée devant mon écran vide. Fallait-il ce calvaire pour être plus proche d’eux? Et ce soulagement de la poitrine, est-ce la gratitude ou la grâce? A qui l’adresser? Dans quelle Eglise qui remplacerait mon Val-de-Grâce parisien? Eurydice heureuse, j’entends à nouveau la lyre, le fil ténu et sonore de la vie qui coule, presque naturellement. Un dernier whisky comme Léthé et je suis revenue à moi-même. Utile enfin, dans la réalisation de cet objectif très égoïste que je me suis fixé : écrire MA thèse. L’encre du plaisir coule sur un jour nouveau. C’est une renaissance après la petite mort venue providentiellement de l’extérieur de cette histoire de naufragés et de rescapés. Champagne et délicieux restaurant (44,X) pour fêter cela, et puis une louche de culture américaine avec un musical à la hauteur de ma légèreté : “Guys and  Dolls” au bien nommé Nederlander Theater. Suite du programme : je mettrais peut-être la préface de la thèse sur le site, demain armory show et vendredi direction Washington pour de nouvelles aventures.