Dvd : Marie-Antoinette : Sofia’s suicide
Jeudi 23 septembre 2010Retrouvé dans mon vieux blog mais en prévision du lion d’or, bon à mettre de côté…
Avant Cannes, cela faisait un an que les médias nous rabattaient les oreilles avec la Marie-Antoinette de Sofia Coppola. L’enfant surdouée du réalisateur du Parrain s’est payée le luxe de monopoliser Versailles pendant des mois. Après le succès de ses deux films intimistes et subtils : Virgin Suicides et surtout Lost in Translation, Cannes attendait Sofia Coppola au tournant.
Pari raté et Versailles manqué pour la jeune femme. Son Marie-Antoinette inspiré du livre d’Antonia Fraser est 100 % américain et terriblement lourd. La finesse, qui était son image de marque, ne traverse pas les brocarts méticuleusement reconstitués du XVIII e siècle.
Par-delà les fastes, les dorures, les perruques et le budget astronomique du film, Sofia est une grande fille toute simple qui rêve sa reine Kirsten sous les traits d’une pure et mystérieuse adolescente. Bref, Marie-Antoinette, c’est Virgin suicides 2, Sofia reprend Kirsten Dunst et plaque à nouveau sur son visage diaphane le mystère des femmes à peine pubères. Comble d’ironie, Marie-Antoinette selon Sofia Coppola est prude : elle n’a que mépris pour la maîtresse de Louis XV, La Du Barry (piquante Asia Argento) et un seul amant qui ressemble étrangement au Ken des poupées Barbie. Mais le spectateur n’y croit pas : Kirsten Dunst n’a plus 17 ans, et Sofia non plus.
En tout cas, la réalisatrice a bien réussi dans la vie et n’a plus les mêmes obsessions gothiques. C’est donc sa joie de vivre qu’elle imprime au personnage de Marie-Antoinette. A force de caresser les fleurs, les chiens, les enfants, de s’étirer sensuellement dans son lit et de se goinfrer de champagne et de macarons, la froide autrichienne finit par donner une image sensuelle.
Mais l’ennui de la belle dans la cour de Versailles, où elle n’a pour divertissement que le jeu, une ou deux amies et un bref amant n’a d’égal que celui du spectateur, qui se demande bien quel épisode il a raté pour ne pas comprendre le point où Barry Lindon et l’Attrape-cœur de Salinger se rejoignent. La caméra a beau s’appesantir sur les courbes en mouvements de la belle Kirsten dans les somptueux couloirs, l’effet est nul.
Le message de Sofia Coppola ne s’est perdu dans aucune traduction : il ne passe pas, c’est tout. Quand après une première heure et demie de concentration sur le problème majeur de savoir si elle couchera avec Louis ou pas, Marie-Antoinette déclare fermement à son ambassadeur : « I won’t let you down » (je ne vous laisserai pas tomber), l’effet est du plus grand comique. De même, quand l’actrice se jette dans les bras de tout le monde pour leur faire des « hugs » affectueux, le spectateur reste abasourdi. Oui, l’étiquette de Versailles peut sembler absurde à une Américaine. Pas à une Viennoise.
Mais passons avec magnanimité sur les aberrations historiques et les anachronismes. En filmant la part privée d’un personnage public et en la cantonnant aux trop sages jardins à la française de Versailles, Sofia Coppola enterre une mine d’or et transforme un sujet exaltant en une lente fausse couche.
La caméra s’enlise et même la musique est mal maîtrisée. L’héroïne privée de walkman se shoote au baroque, musique à laquelle Sofia Coppola n’entend goutte et qu’elle cherche à compléter par du « haut Rock », plus bruyant que vivant. La cacophonie est achevée par les inévitables morceaux de Air.
Bref, ce Marie-Antoinette est un cataclysme en boudoir, et le pire, c’est qu’il risque de faire un carton aux Etats-Unis. Quant à nous, quitte à nous plonger dans les fastes romancés de la Cour, nous retournerons lire le Stefan Zweig de nos jeunes années.