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New-York, the way I like it

Jeudi 21 mai 2009

Deux verres m’ont suffi pour être un peu grisée ce soir. Ces derniers jours à New-York m’ont semblé plus équilibrés qu’avant et pleins de belles rencontres. Lundi, après avoir écrit le matin, j’ai rejoint mon amie R après le déjeuner (enfin j’ai mangé une salade sur les marches de la grande public library) et nous avons repris notre frénétique activité de shoppeuses ce qui a été utile plus tard… Un autre ami avait une toile en vente chez Sotheby’s, à quatre blocs du Presbytarian hospital et le champagne m’ayant aidée à vaincre la fatigue, j’ai pleinement profité du show d’une vente aux enchères de charité financée par ces jolies dames de Dubaï. Je suis même tombée amoureuse d’une toile que je croyais dans mes moyens mais qui en fait (erreur d’impression) ne l’était pas. Damned! Chez Sotheby’s comme chez H&M je choisis toujours les objets les plus chers. Après quelques pilons de poulet grâcieusement offerts, nous nous sommes retrouvés entre artistes et galeristes (sauf moi) dans un restaurant turc du upper east side. Très sympathique et je suis toujours étonnée de l’intérêt que peut susciter Sarkozy chez les américains qui lisent un peu la presse internationale. Comme j’étais invitée à passer la nuit à Brooklyn chez R., j’ai accepté de grand coeur. R. habite encore pour une semaine à Brooklyn Heights et c’est toujours un plaisir de quitter Manhattan pour se retrouver dans l’atmosphère enfin décontractée de son quartier. C’est vraiment à Brooklyn que je réalise combien Manhattan me fatigue, en fait. Soirée entre filles à revoir la fin de l’Enfer de Chabrol, à se faire les mains et à discuter assez crûment de sexe. J’adore non seulement le grand coeur et la tête extrêmement bien faite de R., mais aussi son parler franc, toujours au bord du vulgaire. Au matin, une grande douche, et une cigarette dans son jardin en plein soleil ont fini de me ressourcer. Comme je n’avais rien à me mettre, j’ai du utiliser les collants de dentelles mauves offerts par Dubaï la veille sous une nouvelle microrobe, pour déambuler aux côtés de R dans Park Slope et boire un excellent cappuccino au café regular. Une heure et demie de métro plus tard je suis arrivée habillée en “pute russe” (copyright R) chez ma psy toujours un peu mutique (c’est le job qui veut ça) avant de filer à la générale de la spéciale Balanchine au Metropolitan Opera. Classique et un peu cucu sur du Tchaikovsky, mais l’american ballet theater vaut son pesant de cacahouètes, notamment pour les jolis culs des danseurs, et pour le plaisir de revenir à ma deuxième maison à NYC (ok, je suis une philistine). Encore un peu de shopping et j’étais assez fatiguée et affamée pour rejoindre mes vieux démons at home. Soirée de lecture. cette semaine, j’ai fini Roth, ses voyages auprès des juifs de l’est, et un étrange roman de Isaac Bashevis Singer, où un survivant de la Shoah se retrouve trois fois marié à New-York. Il vit à Coney Island avec la servante polonaise qui l’a caché, a une maîtresse rescapée des camps dans le Bronx et voit sa femme revenir d’entre les morts, alors que leurs deux enfants y sont restés. Ses trois douces moitiés passent leur temps à le menacer de suicider et disent que les camps, c’était finalement moins infernal que New-York. Et lui est un grand lâche, terriblement et médiocrement humain. Comme quoi on n’apprend rien dans la survie, pas même la dignité. J’ai aussi commencé un excellent TC Boyle sur les fantômes hollandais du passé hier soir, mais je risque de changer pour le Elizabeth George que R m’a offert aujourd’hui pour me “changer les idées”. En fait, j’ai un peu choisi de broyer du noir hier soir, deux de mes amies m’ayant très très gentiment invitée à passer la nuit chez elles pour ne pas être seule. Ce matin, dans le lit, j’ai enfin senti que j’avais un peu progressé depuis mon master et ai mis sur papier ma première idée intéressante et nouvelle en cents pages. Normalement, c’est quand j’écris que les idées fusent, mais cette thèse me semble vraiment prémachée pour la ruminante pas nietzschéenne que je suis. Liberté donc, vers les 13h, alors que par mail, mon futur professionnel se dessine. Déjeuner avec R sous un soleil radieux et trimballage de barda jusqu’à ma gym, non sans me faire faire les ongles entretemps, en couleur rouge pétante plutôt que le bordeaux chic Chanel que j’affectionne. Je me suis dit qu’il était temps d’être un peu non-élégante. 18 heures, rendez-vous dans le west-village avec une jeune-femme rencontrée à Boston. A ce stade de ma vie, mes quasi blind dates avec des femmes sont bien plus excitants que ceux avec des hommes. J. est une vraie new-yorkaise de Californie, dents très blanches, chien dont elle est folle, robe vintage bleue à fleurs et chaussures assorties et encore plus ouverte que moi aux nouvelles rencontres. Juive, intelligente, avec ce brin de folie dans lequel je me reconnais. Je peux dire que je l’aime déjà. Après un café et la promenade du chien “Inky”, nous sommes allées à un vernissage à Chelsea. Des clous, sauf la galerie elle-même dépendant d’une superbe et ancienne revue de photographie: Aperture. Alors que nous apprêtions à dîner, coup de fil, et nous nous sommes retrouvées dans un de mes bars préférés du west-village, “employees only”, pour boire un verre avec deux financiers assez frisés (expression de mon père pour dire : intelligents). C’est la première fois qu’on me dit que j’ai l’air “animale” pour me faire un compliment et aussi que j’ai l’air toute simple. Il faut dire que je n’ai pas pris le soin de me maquiller en sortant du sauna, et que dans ma jupette de ballerine, j’ai l’air d’avoir douze ans. Bref, J et A et R sont entrain de me réconcilier avec New-York, et moi je vais essayer d’aller dormir sans trop penser, ni pleurer.

La paix de l’archiviste

Lundi 30 mars 2009

Enfin un grand fou rire dans le métro vers Brooklyn hier soir. Raphaël m’a fait rire et rire pendant les une heure et demie de trajet qui nous menaient d’un concert sépulcral de free jazz par un vieux pianiste “légende vivante pour inconnue morte” à Columbus Circle vers enfin une fête pleine de jeunesse et de gaité chez Chester et Jay. Ils habitent à Sunset park dans une très belle maison où j’ai fini par m’endormir avant de filer vers les 10 heures du matin, la gueule de bois, plus de douleur et sans soutien-gorge pour un brunch dans le upper east-side. Juste ce dont j’avais besoin : des coktails chics griffés “années 30- grande dépression”, des conversations sur la décadence française XIXe, un peu de danse, et une nuit loin de chez moi dans des bras juste tendres. Mes amis sont formidables, je ne le répéterai jamais assez.

Avant j’ai quand même promené Stendhal dans tout Manhattan, bien cachée derrière mes lunettes noires, zombie ankylosée,  et ai à nouveau été touchée par la solitude terrible d’un autre vieux juif.  Impatient (il a le droit à 87 ans!) il a voulu quitter le concert, et la française respectueuse en moi n’a pas pu le laisser marcher dans le froid tout seul. Je l’ai donc raccompagné, ratant quelques elucubrations mystiques de notre pianiste de génie. Quand est-ce que j’intégrerai le “moi d’abord” américain? C’était censé être ma thérapie. Qui vient de loin, de Louis XV, me rappelle souvent ma chère Regina Spektor dans son brillant “Après moi” (le déluge) en anglais en français et en russe.

Ce soir, enfin fatiguée (3 heures de sommeil, 1/2 litre de vodka, un demi Lucien Leuwen, un demi Rosenstock, une grosse injustice e-mailée, et surtout deux heures et demie d’intense conversation avec un collègue historien dans les pattes), je me sens apaisée. Fin de la douleur? Je prépare donc le terrain pour bien bosser et enfin retourner à la gym demain.

“I must go on standing
You can’t break that which isn’t yours
I must go on standing
I’m not my own, it’s not my choice

Be afraid of the lame, they’ll inherit your legs
Be afraid of the old, they’ll inherit your souls
Be afraid of the cold, they’ll inherit your blood
Après moi, le deluge, after me comes the flood”

Yes définitivement survivance ashkénaze avec Regina, et le côté winterreise du piano m’enchante…