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Russian collage

Dimanche 17 mai 2009

Pendant que j’essaie de clore le dossier “j’ai les yeux gonflés et je pleure des litres d’eau salée en jouant ma drama queen de pacotille”, mes amis m’entourent. Hier soir, très sympathique verre avec G. dans le parc devant le coucher du soleil, dîner dans le West village et tandis que je tentais de faire passer la vodka qui elle même devait faire passer l’amertume des amandes déjà périmées, j’ai évidemment fondu de douleur dans le taxi. Ca tombe bien : A New-York, les taxis s’en foutent de trimballer une jeune-femme en pleurs. Mais de retour chez moi, c’était bien moins drôle. J’avais juste besoin d’entendre une voix : mais qui appeler à 1:30 du matin? Paris dort encore et New-York dort déjà… Heureusement mon cher D. m’a entendue dans la nuit, coup de fil messianique de lui : “j’arrive” et nous voici dans mon lit à écouter la BO des “chansons d’amour”, à babiller, et lui de me dire, quand je suis morte de honte de cette douleur débile et provoquée, qu’il est fier de ce que j’ai fait. Ce matin, réveil les yeux gonflés et cette vieille impression si familière qu’on m’a frappée toute la nuit à coups de batte de base-ball… Ne pas réfléchir. J’ai filé à la gym, après avoir rassuré toute la famille : oui je survivrai encore à mes erreurs répétées, parmi lesquelles mon élégance (je peux bien m’envoyer une toute petite fleur dans cet océan de regrets et de mea-culpas).

Saynète cocasse à ma gym gay. Je lis tranquillement Carson Mc Cullers dans le sauna, avec toujours des yeux de poisson rouge, et après quelques abdos difficilement extirpés à mon corps fracassé, quand un beau gars, genre Obama en jeune, vient me voir pour me demander ce que je pense des cours. Très sûre de moi (après tout, si je suis à moitié à poil dans le sauna mixte, c’est bien parce que TOUS les hommes qui y viennent pâlissent à la vue d’une paire de seins), je lui vante avec un sourire et mon accent le plus français (je suis fatiguée hein) les mérites des cours de yoga. Bref, le monsieur insiste pour avoir mon numéro que je vais lui chercher en bonne joueuse. Quand je reviens, le troisième larron sur les bancs de bois surchauffés me déclare goguenard : “Vous n’auriez jamais cru que cela pouvait arriver ici hein?”. Je réponds par un rire poli, et je pense en moi-même que non, pas dans ma gym de Chelsea. Et aussi : Qu’est ce que je fous d’accepter un café avec un inconnu 10 heures après avoir écrit une lettre de rupture?

Bref on verra demain… si le verre a bien lieu… mais je passe vite à autre chose. Un après-midi entre filles s’impose dans ce monde terrible où les hommes sont des menteurs, des lâches et des briseurs de coeurs (et en plus des dragueurs de sauna). Ouais je sais et en plus je l’ai écrit en status fb, je suis d’humeur Sophie Calle, même si je n’ai pas son carnet d’adresses. D’ailleurs, son drolatique “Prenez soin de vous” est actuellement à la Paula Cooper Gallery de NYC.Tiens pourquoi pas relire mon article sur l’expo quand elle avait lieu en BNF?

Entre filles, donc, A. m’emmène dans cette terre promise : Coney Island. Heureusement que nous avons les histoires respectives de nos familles juives à nous raconter pendant les deux heures du trajet aller. Avoir une guide ukrainienne à Brighton Beach est un luxe que je sais apprécier. Nous commençons par déjeuner – mais là pas besoin de traduction : j’ai une grand mère russe quand même et je sais quels pirojski et quelles boulettes de viandes au chou (mes madeleines à moi) je veux. Petit tour par une pâtisserie où je dois renoncer à un gâteau au pavot sous peine d’implosion et nous marchons le long de la mer, dans la brume, pour aller chercher des antibiotiques chez l’oncle de A. L’appartement est dans un quartier juif de Coney Island, et on sent encore la présence de la défunte tante de A. La voisine qui a les clés est une babouchka comme je l’ai rêvée, qui collectionnes les paires d’animaux-salière et poivrière en porcelaine et nous offre des cerises. J’échange avec elle mes deux mots de Russe, A ayant grandement agrandi mon vocabulaire lors de la promenade en bord de mer (ben oui 2 mots + 2 mots ça fait 4).

Au retour, il faut jouer contre la montre, et avec les métros qui se traînent. J’arrive donc considérablement en retard pour dîner avec mes parents adoptifs dans un bar chic du Upper east side. La déco change toutes les saisons, la nourriture y est excellente (Je commence à me sentir gavée comme une oie, alors que l’amooooour déçu me coupe plutôt l’appétit, donc je n’insiste pas trop ni même sur le délicieux brunello di montalcino). Je note avec un sourire aux lèvres que tous les convives du restaurants sont d’une laideur dérangeante malgré leurs habits de créateurs et leurs brushings parfaits. Enfin, je peux toujours parler : j’ai des trous dans mes collants, les cheveux en bataille, du sable dans les chaussures et pas une once de maquillage. Et ben oui, je ne fais que des bêtises, quand t’es pas là. Conclusion joyeuse de cette soirée autour d’un café chez mes parents adoptifs à découvrir deux voix déchirantes, et une autre, un peu moins:
Cynthia gooding, que je ne peux malheureusement pas “coller” ici. Le timbre rauque d’une Zarah Leander et un répertoire de vieilles chansons anglaises tels “les aveux d’Eleonore d’Aquitaine”. J’apprends sur le net que la chanteuse est morte il y a vingt ans et qu’elle recevait sur son émission de radio la hype de la hype dans les années 1960. Mais pour des questions de droits d’auteurs, il n’existe que des 33 tours de son répertoire. 33 tour qui a fait toute ma joie, avec ses grésillements “comme avant dans les rêves d’enfants” et Larry chantant en mesure

Paul Robeson, basse noire américaine, diplômé de droit à Columbia (sisi déjà dans les années 20) et qui a commencé sa carrière en improvisant un negro spiritual car il ne savait pas siffler sur un plateau de O’Neill. Là, j’ai la came, donc je colle (j’avais prévenu dans le titre) :

– N°3 est un ténor juif allemand, Joseph Schmidt, apparemment mort en essayant de quitter le pays à nage sous le IIIe reich. Bon Larry nous a passé sa musique de fils de kantor, avec la liturgie allemande d’époque, ce qui n’était pas terrible. Mais je suspends mes vols pour lui laisser place:

Quant à moi, mon humeur était à passer ceci… ce qui a fait trembler Beth d’émotion. Je ne suis pas la seule vieille cloche à aimer Piaf

Je suis repartie avec plein de cds, de livres et le baume au coeur, bien sûr. Merci les amis.
Et aussi : merci les amis lecteurs, Silvère vous avez eu le temps de lire mon honteux article repassé en privé depuis hier. Ne vous inquiétez pas, j’ai déjà un premier roman en tiroirs, et en suis à écrire le deuxième, pour lequel j’ai réuni plein d’infos ces 4 derniers mois, et que je vais finir… mais après la thèse.