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Heiner Müller : la foudroyante absence du père au Théâtre de l’Athénée

Vendredi 18 juin 2010

Dans le cadre du Festival Agora de l’Ircam, le théâtre de l’Athénée propose trois représentations exceptionnelles d’une pièce autobiographique et courte de Heiner Müller. Sur une musique du compositeur suisse Michael Jarrell, les percussions de Strasbourg ponctuent les bribes d’une non-relation terrifiante.

“Le mieux, c’est un père mort-né. toujours repousse l’herbe par-dessus la frontière. L’herbe doit être arrachée de nouveau et de nouveau qui pousse par-dessus la frontière.”

Tout commence par une syncope de percussions assourdissante. La confession du dramaturge allemand Heiner Müller ne peut être entendue. Pour son père, il n’a qu’un amour négatif – comme une version humaine de la théologie négative. C’est par bribes, par “ruines”, non pas au sens de Walter Benjamin mais bien au sens de celles de Berlin à l’année zéro, que l’intime de cette relation se dévoile. Müller s’exprime par découpes de souvenirs calmes et froids mais qui laissent supposer une relation terrifiante. Une père aussi dévorateur que celui de Kafka mais d’une toute autre manière. Un père envoyé au camp par les nazis car cadre du parti socialiste, mais un père qui apprend à son très jeune fils à baisser la tête pour ne pas se mettre en danger. Un père qui reprend tranquillement sa position politique de gauche après la guerre, avec un éclat usurpé qui asphyxie le fils. Un père que le fils voit dépérir à l’hôpital sans rien ressentir. Un père mort-né, une mère baleine bleue, et un fils quasiment incapable de dire “Je”.

Interprété par l’immense Gilles Privat, le fils a le flegme douloureux : une apathie de mort-vivant, digne fils de son père. Il évolue dans la sublime mise en scène de d’André Wims. Un décor tout en verticalité où les rayons du soleil gèlent et semblent se noyer dans la terre meuble et salissante. A ses côtés, dans cette froideur monumentale à la Anselm Kiefer, des fantômes se meuvent en silence. L’enfant qui n’est plus, un gigantesque ours impuissant, une danseuse-pantin qui vieillit et une femme d’un jour des années 1960, totalement intechangeable. Dans le fond, les percussions de Strasbourg et la musique électronique de Michael Jarell se dissimulent comme dans une fosse. Ils expriment la violence des non-dits du texte, laissant à peine la confession des ruines filtrer. Les trois seuls caractères colorés sont les chanteuses, habillées en flapper jaune poussin avec un bonnet marin tout brechtien. Mais le timbre clair de leur voix vient répeter pour les déformer les propos du fils. Comme des moires vengeuses ou un tribunal d’Erynies. Mais l’Oreste héros de la pièce de Müller n’est pas parricide – encore moins matricide. Le sang et la terre sur ses mains, c’est l’absence de passion; une indifférence mortifère et sublime qui touchera même ceux et celles qui peuvent rester un peu rétifs aux flux bruyants et aux chuchotements perçants de la musique de Jarrell.

“Le Père”, d’Heiner Müller, musique : Michael Jarrel, intérprétation : Les percussions de strasbourg, chanteuses : Suzanne Leitz-Lorey, Truike van der Poel et Raminta Babickalte, musique éléctronique : IRCAM, mise en scène André Wilms, avec Gilles Privat, Théâtre de l’Athénée, 7 rue Boudreau, Paris 9e, m° Opéra, RER Auber, les 17, 18, 19 juin 2010, 20h, 13 à 30 euros (tarif jeune -30 ans à partir de 6,50 euros).

Photos : Monika Rittershaus

Une immense production des Misérables au Châtelet

Lundi 31 mai 2010

Jusqu’au 4 juillet « Les Misérables » fête ses 25 ans au Théâtre du Châtelet. Une production anglaise grandiose, aussi bien du point de vue des voix que de la mise en scène, et qui rappelle au public Français ce qu’est une vraie Comédie Musicale.


Les Misérables, ou “Les Mis'” pour les intimes, c’est à l’origine, la comédie musicale créée par Robert Hossein en 1980 au Théâtre du Mogador, sur une musique de Claude-Michel Schönberg, et un texte adapté par Alain Boublil et Jean-Marc-Natel. Le producteur Cameron Mackintosh remarque le spectacle et le fait traduire par Herbert Kretzmer en Anglais. Avec le succès que l’on sait : affiche ininterrompue à Londres, 18 ans de triomphe à Broadway, et 56 millions de spectateurs à ce jour dans le monde ! Pour fêter les 25 ans du spectacle de Mackintosh, depuis un an, une production époustouflante des Misérables parcourt le monde. Elle est à l’affiche du Théâtre du Châtelet jusqu’au 4 juillet, pour le plus grand bonheur du grand public, et aussi des plus jeunes.

La musique Claude-Michel Schönberg n’a pas pris une ride et les thèmes des héros qui nous ont tous fait vibrer emportent immédiatement l’adhésion. Inspirée du décor original de John Napier et des dessins de Victor Hugo, la mise en scène romantique imaginée par Laurence Connor et James Powell est absolument somptueuse : avec une cinquantaine de comédiens-chanteurs sur scène, dans des décors industriels qui expriment bien l’urbanisation et l’enfermement dans la misère qui caractérisent du 19ème siècle dépeints par Baudelaire : le métal dentelé, élégant et néanmoins implacable semble emmurer les personnages, qu’il s’agisse de l’usine où Fantine est exploitée ou des barricades grandiose et monstrueuses des étudiants en révolte contre le pouvoir en place.. Avec une fluidité magique, la ville est toujours en mouvement. Elle se fait animale. Le climat révolutionnaire et romantique de l’œuvre d’Hugo est revu à la sauce libertaire des années 1970, et les dessins oniriques d’Hugo en fond de décor appellent à aller plus loin qu’ « à la fin du jour » pour « rêver un autre rêve ». La distribution est à l’avenant des décors : grandiose. En Valjean, John Owen-Jones exprime toute la palette de ses talents : du grave aveu d’identité de bagnard, à la superbe prière de protection pour l’homme de sa fille adoptive, « Bring me home » qui plane dans les aigus.


En face, Earl Carpenter est un Javert droit comme un « I » et tout en élégance vocale. Le timbre chaud et coloré de Gareth Gates en Marius, l’étudiant amoureux charme. Les timbres féminins sont tout aussi exceptionnels : Madalena Alberto est une Fantine déchirante, Rosalind james une Eponine à la voix puissante et blues et qui tire des larmes dans son air « On my own », et la jeune interprète de Cosette enfant à une voix d’une puissance absolument extraordinaire, notamment dans son air « Castle on the clouds ». Quant aux Thénardier (Ashley Artus et Lynne Wilmot), très clownesques dans cette mise en scène, ils n’en ont pas moins des voix à la hauteur de leurs camarades tragiques.

Il y a dans cette production des misérables, un souci de la perfection qu’on ne trouve qu’à Londres. La beauté des décors et des voix évoque aussi bien Delacroix que la magie du Paris de Carné, pour nous amener vers les thèmes intemporels et internationaux de l’enfance sacrifiée, de l’amour romantique et d’un monde meilleur à venir. A voir absolument !

« Les Misérables », de Claude-Michel Schönberg, texte anglais Herbert Kretzmer, direction musicale : Peter White, mise en scène Laurence Connor et James Powell, avec John Owen-Jones, Earl Carpenter, Gareth Gates, Madalena Alberto, Katie Hall, Ashley Artus, Lynne Wilmot, Rosalind James, et Jake Abbott, jusqu’au 4 juillet, Théâtre du Châtelet, mar-ven 20h, sam, dim, 15h et 20h, Place du Châtelet, m° Châtelet, 10 à 98 euros. Réservation ici.

Crédit photo : Michael Le Poer Trench

Dvd : Hi, Mom! Brian de Palma psychédélique

Jeudi 15 avril 2010

Quatre ans avant le cultissime “Phantom of Paradise” (1974), De Palma retrouve Robert de Niro qu’il avait déjà fait jouer dans “Greetings” pour une fenêtre sur cour libertine et politiquement incorrecte. “Hi, Mom!” est disponible le 5 mai chez Carlotta Films.

Vétéran de la guerre du Viet-Nâm, John Rubin emménage dans un taudis d’une grande tour de Manhattan qu’il transforme en poste d’obsevation des ses charmantes voisines. Puis il se cherche un producteur de films pornographique pour financer son projet artistique : immortaliser les ébats vivants des voisines d’en face depuis sa “fenêtre sur rue”. Mais son programme de “rality porno” s’enroue quand la caméra bat de l’aile et fait capoter les prises de vues de ses performances avec la jolie fille intello et esseulée d’en face.

Libre, un peu fou, et fonctionnant par collage, “Hi, Mom” annonce déjà pour certains dans ses monologues hallucinés “Taxi Driver” (Paul Schrader avait proposé à De Palma d’écrire le scénario). psychédélique comme Phantom of Paradise sans en partager l’hystérie, ce film est peut-être un peu trop décousu, ce qui explqiue qu’il ne soit pas devenu “culte”. Mais tous retiendront la scène inattendue et totalement politiquement incorrecte “Be black Baby” où est exposé en spot de pub satirique l’agenda politique d’un groupe pro-noirs avec lequel le héros va travailler. cet agenda consiste simplement à demander à chaque américain de retrouver le sang noir au fond de soi… L’identité se déconstruit, les images aussi.

“Hi, Mum!” de Brian de Palma, avec Robert de Niro, Charles Durning, Jennifer Salt, Gerrit Graham, USA, 1970, 83 min, Carlotta Films 19.99 euros.
Le Dvd contient également la bande-annonce, une étude sur le voyeurisme, une préface de Samuel Blumenfeld et un bonus caché.

Le MAHJ rend hommage à la Radical Jewish Culture

Vendredi 9 avril 2010

Le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme a organisé la première exposition  mondiale dédiée au mouvement de la “Radical Jewish Cultire”. Née à New-York au début des années 1990, et chapeauéte par le compositeur John Zorn, cette mouvance culturelle qui puise dans les racines de la tradition et de l’histoire juive est née dans le Lower-East Side de New-York. Pour devenir une référence incontournable des musiques alternatives présentes sur la scène internationale… De nombreux concerts sont également prévus au MAHJ, dont Zorn lui même, Annthony Coleman et David Krakauer. Un évènement qui place Paris à l’avant-garde de la contre-culture…

La radical Jewish Culture est née en lieu et place de la naissance du nazisme, à Munich, en 1992 lors d’un festival qui portait le nom de ce mouvement et où John Zorn avait réuni le guitariste Marc Ribot, le pianiste Anthony Coleman, le violoniste Mark Fledman et où il avait également fait venir Lou Reed. L’oeuvre princeps du mouvement est la violente “Kristallnacht” de Zorn, sous le signe de l’étoile jaune, de collages de sons de verre brisé, d’un hommage à la dodécaphonie de Schönberg, et empreinte de judaïsme à travers des référence à la gematria (numérologie juive)…

A travers une scénographie qui, comme d’habitude au MAHJ, est très soignée, les jeunes commissaires de l’exposition Mathias Dreyfus, Gabrielle Siancas et Raphaël Sigal, invitent le visiteur à découvrir le moment fondateur et l’évolution du Radical Jewish Movement. Casque autour du cou, afin de pouvoir se brancher sur divers types de musiques ou d’interviews des principaux acteurs du mouvement, celui-ci est amené à comprendre comment cette troisième génération new-yorkaise a voulu retrouver ses racines juives pour s’en inspirer et créer une culture radicale. Les rapports avec la beat generation, et les autres types d’art (les superbes photos de Michael Macioce) sont explixitées, de même que les sources juives : le kletzmer bien sûr, mais qui est plus un écho que le fondement de la musique des juifs radicaux, le temps des réunions annuelles qui est celui de Pessah (la pâque juive), et la volonté de se détourner de judaïsme assimilé pour approfondir les leçons du hassidisme et du Baal Schem Tov.

Mouvement protéiforme, et semblet-il plus “schibolleth” (mot de passe) entres tribus que véritable groupe artistique, la New Jewish Culture se tient cependant regroupée derrière le label de son chef, John Zorn. Sa maison de disques, Tzadik (“le sage”, “le juste”, en hébreu) est conscarée aux msuiques juives et contient la collection “Radical Jewish Culture”. Si pour certains membres du mouvement, la RJC est un mouvement social ou politique, la conception personnelle de Zorn semble puiser plus profond : selon le compositeur, il y a bien un inconscient juif, une sorte d’Ur-grammaire de tous les signes qui “grifferait” tout art produit par un juif. Reste à en être conscient et à l’exprimer ouvertement pour se montrer radical… Mais Zorn n’est pas prosélyte et laisse toute son ouverture d’esprit au mouvement… On se régalera notamment en écoutant et voyant des extraits de son opus magnus moultes fois ré-enregistré : Masada.

Dernière remarque : la RJC n’est pas morte loin de là et si la slale originelle des concerts des années 1990, la Knitting Factory, est un peu “out”, Zorn a toujours son lieu free et jazzy à Manhattan : The Stone.

Pour ceux qui ne sont pas prêts à traverser l’Atlantique pour se familiariser avec la RJC, le MAHJ prévoit une série de concerts exceptionnels, noatmment (mais c’est complet) Krakauer et Coleman le 14 avril, Zorn le 18 mai et le Ben Goldberg Trio le 2 juin. Toutes les infos ici.

“Radical Jewish Culture”, jusqu’au 18 juillet 2010, MAHJ, Hôtel de Saint-Agan, 71, rue du Temple, Paris 3e, m° Rambuteau, Hôtel de Ville, lun-ven, 11h-18h, nocturne le mercredi j.q. 21h, 7 euros (TR: 4,50 euros).

Site très docuementé de l’évènement, ici.

Livre : Beauté volées de Mara Lee, un thriller féminin dans le monde de l’art

Dimanche 7 mars 2010

Le premier roman de la poétesse Mara Lee a été salué par la critique suédoise. A raison. Cette histoire fascinante de vengeance entre femmes modèles, galeristes, poétesses et photographes entre Paris et Stockholm est désormais disponible chez Albin Michel.

La superbe trentenaire Léa dirige une galerie d’art à Stockholm. Elle partage avec sa meilleure amie, Mia le goût des hommes jeunes. La prochaine exposition de Léa doit être son coup de maître : la jeune-femme veut tendre un piège à une grande photographe qui l’a piégée et trahie. Or cette photographe voleuse de beauté, Siri alias Iris C., est aussi à l’origine de la paralysie de la meilleure amie de Mia, et de la décrépitude d’une poétesse misanthrope et vieillie avant l’âge : Laura. Pourquoi toutes ces jolies femmes tombent elles sous le charme de la fatale Siri ? Le goût de cette dernière pour la beauté justifie-t-il la manière dont elle manipule ses modèles –jusqu’à emporter leurs âmes.

Beauté volées est un portrait de Dorian Grey sans dandy, avec plusieurs clichés, beaucoup de femmes, et une structure temporelle magistralement complexe. En flash backs divers, l’auteure retrace les divers épisodes des trahisons de Siri pour les faire converger sur le vernissage de l’exposition organisée par Léa. Très juste sur le rapport réifiant des femmes à la beauté, le roman créé un parfum étouffant de rivalités féminines érotisées. Les hommes servent de sous-fifres ou d’étalons tandis-que les femmes se livrent des batailles sans merci- sauf lorsqu’elles se laissent hypnotiser par Siri. Les amours singulières sont aussi les plus cruelles, surtout s’il faut les subir en talons hauts dans une galerie ou devêtue face à l’objectif impitoyable de Siri…

Mara Lee, « Beautés Volées », trad. du suédois par Rémi Cassaigne, Albin Michel, 491 p., 21 euros, sortie le 8 avril 2010.

« Siri avait toujours son appareil photo sur elle. De temps en temps, elle le sortait et el braquait sur le visage gêné de Caro. Elle souriait parfois à contrecœur devant l’objectif, mais d’autres fois levait les mains en disant : « arrête ça !», et Siri cessait alors aussitôt. Mais lorsqu’elle montrait à Caro les tirages, Siri devinait dans ses yeux cette lueur, ce regard séduit qui avalait pour ainsi dire l’image, et elle savait qu’il suffisait de continuer. Il ne fallut pas longtemps pour que Caro ait envie de le faire – c’est elle-même qui finit par proposer une vraie séance de pose sérieuse, avec changement de vêtements, comme un vrai mannequin. Si possible quelque part où elles risqueraient d’être vues, c’était plus excitant » p. 250.

In the air : George Clooney joue les faux méchants

Mercredi 27 janvier 2010

Jason Reitman, le réalisateur de “Thank you for smoking” et surtout de “Juno” acclamé à Sundance réalise un nouveau hit  faussement politiquement incorrect en filmant George Clooney dans le rôle d’un misanthrope matérialiste dont le travail est de licencier ses concitoyens en pleine crise. De belles images pour une ode à American Airlines et à la classe moyenne américaine.

Après avoir dressé le portrait d’un lobbyiste de tabac dans “Than you for smoking” et d’une adolescente enceinte dans “Juno”, Jason Reitman s’attache à nouveau à un personnage décalé, extrait d’un roman de Walter Kirn, revu et corrigé sous les auspices de deux figures féminines. Ryan Bingham (George Clooney) est un homme d’une quarantaine d’années qui travaille pour une compagnie proposant aux sociétés de faire face pour elles aux employés qu’elles licencient. Basé à Omaha (Nebraska), il ne passe jamais plus de 50 jours par an chez lui. Sa vraie patrie est comme l’indique le titre original du film “Up in the air” :  Les baies vitrées des aéroports, l’air confiné des avions, les plus belles voitures de location, et les hôtels semi-luxe qui bordent les aéroports sont son foyer. Dans tous ces lieux, Ryan est ultra-VIP à grands renforts de cartes magnétiques de fidélité. Fuyant tout attachement, il a pour hobby de donner des conférences sur le bonheur de se libérer des responsabilités, qu’il illustre en manipulant un sac à dos qu’il faudrait virer. Mais lorsque la jeune Natalie Keener (Anna Kendrick que vous connaissez de Twilight) vient de Cornelle expliquer au boss de la firme de licenciement (Jason Bateman, le papa adoptif du bébé de Juno) qu’on pourrait aussi bien faire ce travail télématiquement, tout le mode de vie de Ryan est menacé… Alors qu’il doit prendre la jeune femme sous son aile pour lui montrer les ficelles du métier, une autre lady vient déranger sa solitude heureuse : Alex (Vera Farminga qui incarne la quadra américaine parfaitement conservée). Vivant au même rytme  que Ryan, Alex parvient à provoquer un attachement dangereux chez le misanthrope endurci… Sous l’emprise de DEUX Célimène, Alceste va-t-il changer?

Produit par son papa, Ivan Reitman (le producteur et réalisateur de Ghostbuster )Jason Breitman brosse, à son habitude, des personnages à la fois moyens et extraordinaires. Aidé par des acteurs formidables (Clooney, quoiqu’on en dise, est le seul à pouvoir jouer avec classe et humour le personnage de Ryan), son cher directeur de la photographie, Eric Steelberg, et une minutie formidables sur les détails des villes visitées, Reitman parvient à raconter la transformation subtile de Ryan. Son autre objectif est d’évoquer la crise économique actuelle aux États-Unis. C’est pourquoi les brefs portraits des licenciés proviennent véritablement d’entretiens réalisés dans des villes dévastées comme Detroit ou Saint Louis… A vous de décider si la beauté et la légereté du traitement de ces scènes documentaires sont à la hauteur de leur sujet…

In the air“, de Jason Breitman, avec George Clooney, Vera Farmiga, Anna Kendrick, Jason Bateman, Melanie Lynskey, Amy Morton, USA, 2009, 1h50 min, sortie le 27 janvier.

Dernière lettre d’une mère à son fils à l’épée de bois

Mercredi 13 janvier 2010

Du 27 janvier au 13 février Christine Melcer interprète “La dernière lettre”, extraite du roman de Vassili Grossman :” Vie et Destin” au Théâtre de l’épée de bois. Dirigée avec pudeur par la toute jeune Nathalie Colladon de la compagnie “Têtes d’ampoules”‘ la comédienne donne corps à l’ultime témoignage d’amour d’une mère à son fils.

“Comment finir cette lettre? Où trouver la force pour le faire mon chéri? Y a-t-il des mots en ce monde capables d’exprimer mon amour pour toi? Je t’embrasse, j’embrasse tes yeux, ton front, tes yeux. Vitenka…Voilà la dernière ligne de la dernière lettre de ta maman Viv, vis, vis toujours… Ta maman.”

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A Berditchev, en Ukraine, dans la chaleur insupportable de l’été 1941, et juste après que les nazis ont pris la ville, Anna Seminiovna est obligée de quitter sa maison. Parce qu’elle est juive, elle est enfermée dans le ghetto de la ville où sont parqués tous ses coreligionnaires. Elle sait qu’elle n’en sortira pas. Et que, par conséquent, elle ne reverra jamais son fils mobilisé dans l’armée. Elle lui écrit donc une dernière lettre où elle inscrit tout son amour pour lui. 17e chapitre du grand roman de Vassili Grossman, cette lettre est un texte puissant. En écrivant la lettre que sa mère n’a jamais pu lui envoyer avant d’entrer dans le ghetto, Grossman fait parler en même temps toutes les mères du monde, en imaginant comment elles exprimeraient l’amour qu’elles ont pour leur enfant, sachant que c’est la dernière occasion de le faire.

C’est la comédienne Christine Melcer qui a proposé à Nathalie Colladon de travailler ce texte pour la deuxième mise en scène de la compagnie “Têtes d’ampoules”. Dans un décor sobre, fait d’une grande palissade de bois, l’interprète complétement investie dans le rôle de la mère condamnée. Se découvrant peu à peu de ses vêtements chiffons, elle semble se dévoiler tout au long de la pièce pour arriver à la nudité de la coexistence inexplicable de la mort imminente et de l’amour pour son fils. Pendant plus d’une heure, la salle est suspendue à ses lèvres, entrant en empathie avec le sens à la fois simple et essentiel de chaque mot écrit par Grossman. Avec une grande sensibilité et un attention toute particulière à l’universalité du message, à à peine 25 ans, Nathalie Coladon met en scène sa bouleversante comédienne. Son engagement artistique est aussi politique :”Oui, je suis jeune, Non, je ne suis pas juive. Oui, je suis concernée”. Et touche juste, puisque le public a déjà plébiscité ce spectacle lorsqu’il a été représenté une dizaine de fois à l’épée de bois en juin dernier. A vous d’aller découvrir ce monologue à la fois superbe et terrible et qui nous concerne tous, quel que soit l’âge ou l’appartenance identitaire.

“La dernière Lettre”, un texte de Vassili Grossman, Mise en scène Nathalie Colladon de la compagnie “Les têtes d’ampoules”, avec Christine Melcer, du 27 janvier au 13 février, Cartoucherie, Route du Champ de Manoeuvre, Paris 12e, m° Porte de Vincennes PUIS Bus 112, durée du spectacle : 1h10, 13 euros (TR : 9 euros).Réservation au : 01 48 08 39 74.


La dernière lettre Nathalie Colladon
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