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Mon rapport compliqué avec la Flute enchantée

Samedi 17 décembre 2011

J’ai commencé à entendre les plus grandes voix dans les jupes de ma grand-mère à l’âge de 14 ans. Incapable de lire une note, je réalisais quand même quelle était ma chance, et suis probablement devenue très exigeante. Or soir, il était donc bien normal que j’aille avec ma complice lyrique de toujours voir la version ultra-attendue de La Flute enchantée de Mozart par l’artiste surdoué William Kentridge  et l’ensemble Matheus dirigé par JC Spinosi. J’ai découvert Kentridge très tard, il y a deux ans lors de la rétrospective du jeu de Paume. Mais j’y vite mis bouchées doubles : je suis allée voir trois fois, tellement son œuvre à la fois naïve et finen politique et purement esthétique, ancrée dans l’histoire de l’Afrique du Sud mais prête à poser toutes les questions qui fâchent, m’avait happée. Je me suis donc dit que Kentridge était le seul à pouvoir me rendre la Flute Enchantée enfin à nouveau digeste.

Je crois que je n’ai vu qu’une seule fois la Flute sur scène, avant ce soir. Tout simplement à Bastille, et dans la mise en scène de Bob Wilson (qui m’horripile), avec la voix inimitable de Nathalie Dessay dans le rôle de la Reine de la Nuit. C’était il y a  dix ans. Déjà, j’avais mon opinion bien tranchée ( ce qui est toujours mauvais signe): dans Mithridate, Les Noces, l’Enlèvement ou Don Juan, je buvais du petit lait de l’ouverture au final. Dans Cosi, Idoménée et surtout la Flute, je rongeais mon frein devant la bêtise finie de l’intrigue en attendant les arias qui me faisaient planer.

Après, après, j’ai vu le Don Juan de Losey, une fois, puis deux, puis dix, et j’ai décidé que je ne supporterais aucune autre vision de l’opéra et aucun autre tombeur de Raimundi. Exueunt donc les masques de souris  inventifs de Hanneke, très peu pour moi merci. Pour la Flute cela a été encore différent. Les méandres pseudo spirituels de Tamino m’ont toujours stressée…  Après avoir vu le Portier de Nuit de Liliana Cavani, ils sont carrément devenus traumatiques. Pour faire simple : dans le film une jeune femme et son bourreau dans les camps reprennent leur liaisons dix ans après la guerre à Vienne. Elle, c’est Charlotte Rampling, femme d’un célèbre chef d’orchestre américain, lui c’est Dirk Bogarde, portier de l’hôtel où elle est descendue. Ils se jaugent pour la première fois à l’opéra alors que le mari conduit, devinez quoi? La Flûte enchantée! Et Cavani insère des flash-backs dans les camps, à ces jeux de regards inquisiteurs sur fond mièvre et débile des Pamina et toute la clique luttant contre les forces “du mal” (ie : une reine un brin ridicule et très acariâtre)…

Après ça, Allergie: Même les premières images du film de Bergman m’ont donné plus la nausée que 47 paquets d’ours en gélatine Haribo. J’ai donc consciencieusement évité la Flute et même en envoyant Amadeus, je pressais “fast forward”au moment biographique où… Et puis il y a eu Kentridge, et l’évidence: il faut y aller… non sans appréhension. En un sens j’avais raison d’aller secouer mes ornières: l’artiste dénonce impeccablement les travers nunuches, simplificateurs et politiquement dangereux, de l’opéra. Ca, plus la beauté de son coup de crayon et de ses jeux avec “Les Lumières” m’ont en quelques sortes réconciliée idéologiquement avec l’œuvre : si elle est à ce point criticable, si elle donne ainsi prise, elle n’est plus à prohiber de mon petit panthéon et je peux à nouveau sourire en écoutant papageno et papagena se faire la cour dans la langue que je préfère au monde. Mais d’un autre côté avouons le, malgré les beautés de Kentridge et les trésors d’énergie déployés par le chef d’orchestre, je me suis fermement ennuyée (et ai même violemment piqué du nez, fois-je avouer). Ça m’a semblé tout simplement interminable. Beau et interminable. C’était certainement dû à la qualité moyenne-haute des voix, à part Piaud et le baryton qui interprétait Papageno, et évidemment à l’heure et demie d’errement du premier acte, que la voix de poussin de cette reine de la nuit sans couleur, ni odeur, ni saveur n’a pas su couper comme du mauvais vin.

Conclusion : d’un rapport moral compliqué, je suis passée à une vision de pimbêche blasée sur le dernier opéra de Mozart, bravo pour le progrès!

Pour l’article du Kentridge de ce soir, c’est  déjà ici (ça se passe comme ça chez toutelaculture.com).