Archive pour février 2014

Acrobate

Mercredi 26 février 2014

La peau orange des nuits enfin pelées
Et le poil dru des soirées où l’on dérange
Plissent le temps d’étoiles passées
Il y a d’abord l’absence, pleinement compensée
Puis cette transe : Cul-tannée en licence..

Le crâne ouvert, les cuisses croisées
Un peu d’éther, pour deux poignets
Ma vie est un grand courant d’air
Où l’assurance est pleinement risquée

Tout recommence, le bar, le marché
Les nuits étalent une indifférence pleine,
Et flattent la conscience de légères saveur
En  pâtés de volonté pleinement rafistolée

« Non », j’ai dit et c’est l’aurore de la piété
Non à la folie conforme et au sacrifice des idées
Non aux regrets des morsures
Non à la pluie et aux mesquines serrures

Une nouvelle limite est posée,
Au-delà de la survie, au-delà du respect
Une limite qui libère : gin, mots croisés, sommeil et trèfles foncés
Les mille feuilles de la volonté fondent la bure,
Pour briser le guet.

Dissoute et déridée, la peur met son masque au fleuret
Délestée sous la voûte des illuminées, je perdure
Et retrouve une bien jeune identité.
L’aventure, c’est se retrouver.

Moi c’est, Moi c’est ?
Le mélange, le galop et le goût métal de l’étrange
Le sucre exagéré et le sacre d’une vraie pensée.
Moi c’est non aux vieux plats préparés
Et je décongèle une force
Que le plomb précis avait floutée.

Moi c’est non
Et le oui viendra – ou pas –
Dans la grange des gentils acrobates sans filets.

Aimer Paris

Mercredi 12 février 2014

En sortant seule dans la nuit sur la Potsdamer Platz juste après la projection du dernier film de la journée, signé Volker Schlöndorff, je me suis sentie toute drôle. Et assez nue. “Diplomatie” est la pièce lourdingue que j’attendais, genre des phrases moralisatrices comme dans le théâtre Français des années 1940, l’humain derrière le grand méchant nazi etc… Schlöndorff ne peut pas rehausser les dialogues. Mais son amour fou de Paris m’a bouleversée. On sent bien que si la pièce l’a touché c’est qu’elle l’a poussé à imaginer un monde sans Notre-Dame et sans l’Opéra Garnier. Faut-il être un peu étranger pour aimer à ce point Paris? Et mon amour pour ma capitale me rend-t-il un peu étrangère… Questions presque aussi empesée que les dialogues du film, mais oui il y a quelque chose du Luftmensch à vouloir être parisien.

Retour à la Berlinale

Samedi 8 février 2014

C’est la troisième année que je couvre le festival du film de Berlin. Malgré un calendrier bien rempli par les projections, et la manière un peu déprimante dont la capitale vit comme si son festival planqué dans le fort froid de la potsdamer platz n’avait pas lieu, la ville résonne beaucoup en moi.

Par la langue d’abord, un gris prononcé bariolé de travaux où l’on se sent privilégié de se faire un petit nid chaud, même pour quelques jours. Et par sa taille démesurée qui met à mal mon ferme désir de rester non-conductrice.

Cette année, il fait particulièrement doux, ce qui encourage les errances et ravive les rêves de vivre ici, un temps ou longtemps, le temps de rêver en allemand et de connaître tous les frozen yoghurts et scènes de performance de la ville. Le temps de m’échapper un peu et de rêver un monde disparu; de me laisser blesser par un passé lourd, pesant le poids du plomb, lors des longes heures d’été que j’ai pu passer seule ici, à la fin de mon adolescence. Le temps de tomber amoureuse d’un poète mort, de vivre les nuits jusqu’aux aurores à refaire le monde avec les pieds ou avec des étrangers, le temps d’être libre.

Le canevas de cette couverture cinéphilique de 6 jours ne laisse pas ces marges, ni même l’espace de souhaiter ces échappée. Et pourtant, malgré les twitts, les reports, les conférences de presse et les projections qui préviennent les errances intempestives, il y a beaucoup de joie pour moi à être ici, à ne pas avoir froid, à être unie en un seul en endroit sans me sentir coupable de ne pas être ailleurs, et à me sentir prête à voler, baskets aux pieds, d’un film à un autre, comme si ces séances ne pouvaient m’être comptées ou déprises. Un sentiment de correspondance incompressible, comme celui que je sens à Cannes – mais moins les crises de nerfs d’épuisement- ou que je vis quand je suis seule à Tel-Aviv à butiner comme une abeille chaleur, extraits de vies étrangères et familiarité qu’on peut aussi mettre à distance.

Pas de chagrin d’amour, pas de souvenir douloureux personnels dans ces deux capitales. Seul le passé des autres les hantent, les habitent, dépassent l’espace imparti à l’imparfait, et cette démesure ne m’attaque qu’indirectement. L’oxygène circule et le corps s’allège. Un bon poulet rôti, une marche le long des tilleuls, une chambre à soi avec vu sur la Fernsehturm depuis une tour légo, et la paix monte, comme un répit volé à une vie où il y a trop à prouver et trop à porter.