Porte Dorée
Des léopards gris ont levé le pavillon des colonisés
Emmitouflée de haillons aux peluches lacérées
J’ai posé la main sur les oreillons
Et aucun grain, aucune gorge, n’a sifflé
Coup de torchon sur l’Amitié,
Ensevelie sous la croix des sans-passion
Coup de chiffon sur mon propre reflet
Là où l’étoile reste en pole-position
Devant les grands chignons des Vahinés
Entre deux bataillons bien français
D’autres fantômes se sont soulevés
Sans bruit, les bras ronds et vides comme mes carnets
A plat, sous des tropiques ganachés, j’ai épousé l’abandon.
Aucun génie ne pleure jamais, même à grands blousons
Dans l’absolution, se cogne le blues, le seul, le vrai
Il a les yeux de la couleur de ses talons
Et un goût sucré, sans calorie, ni décoration
Sur le trottoir-boudoir, sous la pluie anisée
Il faudrait avaler une potion de solitude-sanction
Sacrifice des éclairs aux moignons de luminosité
Tous les cafards sont noirs, une fois Kippour passé
Reste une colère, la suspension du strudel contrarié
Sur les os qui restent en tension, bien entassés
Frigorifiée, je reconnais les vocalises des esclaves du passé
Les mêmes voix, mais venues d’un lieu où l’avenir existait
Avant, dans le jaune meringué des tartes au citron
Dans les vestiges d’une histoire qu’on n’avait pas négociée
Avant, dans l’indéfini angoissé de vieilles superstitions
Du temps où parcourir l’éloigné était une libération
Et puis peu après, la même voix, le givre épais
Et un double dans une toile du Midwest, pleine d’horizon
Et puis peu après, l’automne fané puis le miel et l’oranger
Une fusion à pas feutrés, derrière les verres de la raison
Comment aurais-je su ?
Que le désir ne faisait qu’une apparition
Dans un long film de débuts non-sous titrés
Comment ai-je renoncé ?
Au repos, au temps long, aux tons arrêtés, à la fumée et aux bonbons.
Comment s’est crevé l’inaperçu et où a disparu l’espoir ?
Me demandent de grandes ailes léopardées d’occupation
Porte dorée, l’amer a rendu ses tristes grâces
A la chute historique d’un filet à papillon.
Tags: Poème
19 octobre 2012 à 23:08
Baiser du musée des “colonies”… Texte magnifique, et qui réveille en moi images et souvenirs.
27 octobre 2012 à 22:13
Avant j’étais triste parce que je coyais qu’il n’y avait plus de poètes vivants. Mais depuis j’ai découvert le site.
31 octobre 2012 à 1:09
Tes visions sont toujours aussi fulgurantes et étranges, presque hallucinées Tu m’as donné faim 🙂
2 février 2013 à 18:19
bonjour! je reviens de la cité de l’Immigration et je découvre par le plus grand des hasards ton poème. Je vais mettre un lien vers mon blog ou si tu préfère je peux le coller/copier mais jamais sans ton accord!
4 février 2013 à 17:25
[…] hasard, dans un blog que j’aime bien, celui de la femme de cendres, je découvre le poème […]
8 février 2013 à 9:13
merci pour le lien (on n’en finit pas!)
13 février 2013 à 22:45
J’aimerais que tu nous donnes à lire de nouveau.
23 août 2013 à 10:15
une peinture de Otto Mueller, je pense ?
21 septembre 2013 à 8:04
@rechab : exactement!