Ritournelle
Au coin du marché voisin
J’ai rencontré, menton embusqué
Dans un longiligne gilet citadin
Le fantôme français et endimanché
D’un chagrin passé : cicatrisé et mis en plis.
Ce n’était pas n’importe quel matin
Toute pimpante et de musique casquée
Je m’en allais voter, passeport en main
Marchant vers l’isoloir, éternelle minorité
J’allais sans minauderie, ni baguette de pain
Épisode d’une rassurante banalité
Avec la pluie et même sans Bastille
Il n’y avait rien de plus Parisien
Et pourtant des années après
J’étais loin, des élections, de loin
De la pharmacie à l’étal du boucher
Le fantôme vaquait à son quotidien
Il était connu, je l’ai reconnu, il m’a souri
Il était accompagné d’une longue moitié
Et cela m’a heurtée comme du parpaing
Et je me suis dit comme ça, pour rien
Que si j’avais été assez longue, assez jolie
Mon fantôme lointain, je l’aurai gardé
Si j’avais su être moitié plus, moitié moins
Je l’aurais peut être conquis, vingt sur vingt.
Tags: élections 2012, parsi, Poème, vote
8 mai 2012 à 21:16
C’est captivant. Ton écriture crée un véritable univers, avec sa dose d’angoisse et sa dose d’échappatoire… J’y suis sincèrement très sensible. Tu fais partie des “rares”, l’amie, mais c’est pas forcément une chance.
24 mai 2012 à 21:44
http://soundcloud.com/annaondu/tentative-de-jalousie-marina
5 juin 2012 à 23:14
J’aime beaucoup tes textes, ça n’a rien de nouveau mais ça mérite d’être dit et redit.
Tu connais sûrement “la ritournelle” de sébastien Tellier, petite merveille d’électro
A la prochaine 🙂
1 novembre 2012 à 1:57
Hmmmmmmmmmm ! J’ai vu. Ton fantôme est un imbécile qui s’en mordra les doigts, et c’est pour cela que c’est un fantôme. Il a au moins la circonstance atténuante de te faire écrire. 🙂
5 mars 2013 à 21:24
J’adore aussi les autres, mais celui-ci me touche de plus près, d’une part parce qu’il ressemble à une version masculine de “Une passante” de Baudelaire (au sentiment par conséquent féminisé – quoique on s’y perde), d’autre part parce que de ce fait, il est un reflet d’un pan de mon existence.
5 mars 2013 à 21:28
Voilà, c’est l’adjectif “longue” qui m’a fait tilter ! Tu vois : je suis hanté par les vers comme d’autres par les eaux, et même doublement, je suis hanté par les vers d’eau, de vase, de bois – les tarets – et incidemment par les verres de vin.
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair… puis la nuit ! — Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?
Ailleurs, bien loin d’ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !
Charles Baudelaire
5 mars 2013 à 22:23
https://soundcloud.com/annaondu/dix-neuvi-me
Pour toi l’amie.