Smokey Landing
Ces jours-ci, j’ai envie de gris. Retomber dans mes travers à la quête amollie de cheveux rassurants. Et puis : le vernis opaque sans écaillement. La fenêtre du soir, avec quelques volutes, mais une fois la laque sèche, la chaleur du lit, et les genoux sans chien, ni calmant . Platement passive, se tenir arrondie devant un bol de riz gluant, un verre d’eau de radis et tout poser en plis de contentement. Cultiver aussi les cernes qui prouvent que les nuits sont mises à profit, sans paupières lourdes et sans emportement. Ces temps-ci, J’ai envie de demie-teinte, de rien de trop vivant. Rien qu’il faudrait payer cher après, en grimaces et en tiraillements. Beaucoup de travail, c’est admis, mais seulement si je peux perdre mon temps. J’ai envie de souffler un peu, lentement; de transpirer, mais sans éreintement. J’ai envie du béton sale mais élégant des immeubles haussmanniens et des chaussées vides par mauvais temps. Le gris, ça marche aussi pour les amis : on se parle poliment, j’écoute avec esprit, je raconte la Nouvelle Orléans. On note comme tout mûrit, à table, dans un bon restaurant. Mais pas de grand récit, plus jamais de débraillement ; pas de portrait nu précis, pas d’analyse nourrie d’alcool et de retournements. Le pantalon reste seyant, et les souliers vernis. Une fois que c’est fini, après pas trop longtemps, vers dix heures et demie, j’entame une longues marche dans Paris. Mais seule, talons plats pour le tapis et en harmonie avec mes gants. Ces jours-ci, j’ai envie de gris, plus que des grands feux grisants que j’avais nourris à l’artifice et au renoncement.
Et comme je suis tellement calme et cool, voici le titre de l’illustration : “Paris la nuit”, de Nicolas de Staël, 1954.
2 mars 2012 à 21:27
En semi-parisien, je comprends bien.
10 mars 2012 à 1:17
Oui, je te comprends, et à ces belles promenades de nuit, elles m’intriguent au plus but point ! Tu ne fais de rencontres lors de ces moments de solitude ? Ton regard doit bien observer dix milliards de choses même temps, tes oreilles capter autant de sons que tes oreilles peuvent capter. En tout cas, merci pour ton texte et aussi la sublime interprétation peinte par Nicolas de Staël que je ne connaissais pas 🙂