Dégel non résolu
La révolte a fondu avec la douleur
Une grande cage est tombée
Sur les lions baroudeurs
Le calme s’est noué
Éviscéré d’apesanteur
Je sais
Me protéger des canifs extérieurs
L’inertie est un moteur d’apprêt
Que scelle un poing sans heurt
Il faudrait cisailler d’un coup de pied
Les cartilages grossiers de cette fausse candeur
Crocheter le coffre en acier
Et s’écorcher encore les joues et le cœur
Il faudrait pouvoir prier
Rêver d’empathie, de chocs dévorateurs
Il faudrait créer
Retrouver le sens des couleurs
Mais il est tard au compteur doré
Des placides sécateurs
Les barreaux sont trop foncés
Et mes notes embrouillées de frayeur
Une peur s’ancre dans la grisaille empilée
Et compile un livret accusateur
L’encre a cessé de voler
Reste le moignon des saveurs
La mort rôde plus sûrement dans la tranquillité
Qu’à travers les fantômes vengeurs
De mes critères égratignés
Plus durement dans les modérateurs
Que dans les croches syncopées
De mes tonnerres trompeurs
Résignée, j’ai oublié la chaleur
Les montagnes russes épuisées
Et les poches de douleur…
J’ai oublié l’espoir de jours légers
Que l’on paye après dans la tiédeur
Et la déception du don non retourné
J’ai oublié les folles heures
Que l’on paye cher et sans arrêt
Du sang bleuté des flancs tireurs
J’ai oublié comment jouer
Les aubes fatiguées et leurs odeurs
L’arpenteur a cessé de tourner
Le lièvre s’est posé en hauteur
Sur un socle doux d’amitiés
De devoirs, de vodka et de torpeur.
Plus rien ne peut me blesser
J’étends la pierre blanche des déserteurs…
3 janvier 2011 à 3:11
Tu commences très bien l’année avec ce superbe poème dont la force des images mentales n’ont d’égales que l’originalité de tes visions
“Une grande cage est tombée sur les lions baroudeurs”
J’adore; Il fallait la trouver celle-ci
Bonne année Yaël
4 janvier 2011 à 0:13
Ô cœurs de saleté, bouches épouvantables,
Fonctionnez plus fort, bouches de puanteurs !
Un vin pour ces torpeurs ignobles, sur ces tables…
Vos ventres sont fondus de hontes, ô Vainqueurs !
Ouvrez votre narine aux superbes nausées !
Trempez de poisons forts les cordes de vos cous !
Sur vos nuques d’enfants baissant ses mains croisées
Le Poète vous dit : « Ô lâches, soyez fous !
Parce que vous fouillez le ventre de la Femme,
Vous craignez d’elle encore une convulsion
Qui crie, asphyxiant votre nichée infâme
Sur sa poitrine, en une horrible pression.
Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques,
Qu’est-ce que ça peut faire à la putain Paris,
Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques ?
Elle se secouera de vous, hargneux pourris !
Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles,
Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus,
La rouge courtisane aux seins gros de batailles
Loin de votre stupeur tordra ses poings ardus !
Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,
Paris ! quand tu reçus tant de coups de couteau,
Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires
Un peu de la bonté du fauve renouveau,
Ô cité douloureuse, ô cité quasi morte,
La tête et les deux seins jetés vers l’Avenir
Ouvrant sur ta pâleur ses milliards de portes,
Cité que le Passé sombre pourrait bénir :
Corps remagnétisé pour les énormes peines,
Tu rebois donc la vie effroyable ! tu sens
Sourdre le flux des vers livides en tes veines,
Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants !
Et ce n’est pas mauvais. Tes vers, tes vers livides
Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès
Que les Stryx n’éteignaient l’œil des Cariatides
Où des pleurs d’or astral tombaient des bleus degrés. »
Quoique ce soit affreux de te revoir couverte
Ainsi ; quoiqu’on n’ait fait jamais d’une cité
Ulcère plus puant à la Nature verte,
Le Poète te dit : « Splendide est ta Beauté ! »
L’orage t’a sacrée suprême poésie ;
L’immense remuement des forces te secourt ;
Ton œuvre bout, la mort gronde, Cité choisie !
Amasse les strideurs au cœur du clairon sourd.
Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,
La haine des Forçats, la clameur des Maudits ;
Et ses rayons d’amour flagelleront les Femmes.
Ses strophes bondiront : Voilà ! voilà ! bandits !
— Société, tout est rétabli : — les orgies
Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars :
Et les gaz en délire, aux murailles rougies,
Flambent sinistrement vers les azurs blafards !
4 janvier 2011 à 0:15
Jamais nul mieux que Rimbaud ne l’eut dit… C’est comme ça !
4 janvier 2011 à 0:43
Merci Micha, une des rares occasions de lire du Rimbaud sur ce blog 🙂
Bonne année!
Yaël