L’été prématuré sur quelques notes jazz (New York en mille fois mieux)
Jolie journée d’été fournaise dans un Paris vidé par les vacances malgré la fameuse “crise”. Après un petit passage par le mémorial de la Shoah toute “habillée de Vichy” m’a fait remarquer mon compagnon de ce soir (même pas vrai, c’est du pied de poule), et un fantastique après-midi à refaire le monde à travers le rôle des comédien avec ma très talentueuse amie Ambre, et après être passée à une présentation de livre un peu fastidieuse et assez rigolote (on retiendra le ton très sérieux “Pasolini est un de mes dieux”, ” je défends les outsiders parce que la littérature n’intéresse personne, tous les auteurs sont des outsiders” (ndlr parmi lesquels se tient un autre dieu inconnu : Bathes), et la modeste volonté “totalisante”, voire “totalitaire” de l’auteur qui estime vraiment c’est ne jamais se laisser aller à avoir un style, et fait dialoguer feu Guillaume Dustan mort à 39 ans, avec le bien portant Daniel Bell de 90 ans) – ouf désolée cette phrase est longue mais je suis hyperactive et hyper critique, que voulez-vous- bien donc je me suis retrouvée AU concert de l’année. Lundi dernier en allant écouter un chanteur français un peu minet au New Morning, j’ai vu que Ben Sidran y jouait ce soir. or son dernier album, “Dylan Different”, avait retenu mon attention dans le paquet de choses que je reçois. J’ai donc fait un caprice et malgré l’article un peu cruel que nous avons délivré au chanteur français, l’attaché de presse qui s’occupe aussi de Sidran m’a mis deux places de côté. J’avais un bon pressentiment. Mais en m’asseyant sur les marches de cette salle que j’adore avec mon verre de piquette rouge tellement bienvenue, j’ai su que ça allait dépasser toutes mes espérances… Sexy, parfaitement américain, Sidran s’est mis à faire un portrait chinois de Dylan tout en jouant avec ses deux complices du VRAI BON jazz comme j’en ai cherché pendant un an à New-York. Puis il a commencé en douceur, pour nous mettre à l’aise avec ses doigts agiles et sa voix de crooner de luxe. L’ovni fantastique, Rodolphe Burger, est ensuite arrivé avec son petit Bierbauch et sa furieuse guitare électrique. Une chanson plus tard, ils entonnaient “Blowin’ in the wind”, et là je me suis sentie écrasée par une hypnotique méduse( et bien oui j’ai décidé que j’allais arrêter de parler de “grâce” et faire plus imagé). Je n’ai pas eu le temps de me remettre de ce coup de notes dans le que Sidran annonçait à la trompette l’arrivée de… Erik Truffaz (qui est resté jusqu’au bout). Et c’était parti pour deux vrais sets avec une vraie pause comme dans mon smoke natal mais en mille fois mieux. Mettant en valeur els deux petits jeunes à la basse et à la batterie et se renvoyant les solos comme des balles de ping-pong Sidran-Burger-Truffaz avaient l’air de se faire encore plus plaisir à eux à qu’à nous, et la tension n’a pas arrêté de grimper. Jusqu’au moment fatidique où Burger le rebella sorti la beat box qui a joué un peu à vide un air étrange très beatnik “Billy the Kid I love you”, avant que les instruments rugissant des compères ne couvrent le cri de la maman quasi-juive. Dans la salle, on n’entendait pas une mouche voler et comme par hasard pas le moindre téléphone vibrer. Nos voisins, des hommes de soixante-dix ans avec les options converses, i-phone, et lunettes 1970 d’origine contrôlée, buvaient du petit lait. J’ai continué au vin (je n’ai pas encore 70 ans), pour me réjouir de la double standing ovation (trop rare à Paris) tellement méritée, et me dire que ça y est : le moment que j’attendais sans vraiment y croire depuis 10 ans est arrivée : me voilà convertie au jazz (bon avec les textes de Dylan et la beat-box, c’est quand même mieux. Ah, et oui, conclusion nécessaire de la soirée : un délicieux indien du passage Brady, confidences, dédales de parkings et Paris la nuit comme si août avait frappé avril de foudre pour prendre toute la place.
Spécial dédicace: merci petit i-phone qui me fait le supplice chinois et crache un mauvais son : tu immortalises quand même!
copyright : Photo de Claire Grivet
Tags: Ben Sidran, Dylan, Jazz, New Moring, Paris
30 avril 2010 à 9:21
Ha ! C’est bien à peu près ce que j’ai ressenti aussi. Merci pour cet article.
J’avoue que me serais passée de la beat box qui m’a fait mal aux oreilles. Heureusement que Ben Sidran nous a fait la grâce de ce bis ensuite.
J’ai aussi ressenti une tendresse particulière pour (et dans) la trompette d’Eric Truffaz que je n’avais pas perçu(e) ainsi lors de trop brefs aperçus antérieurs de son art.
Il y a six ou sept ans j’avais entendu à la radio (merci Fip) un extrait du concert pour Garcia Lorca – une révélation ! Puis plus rien, le grand silence… et personne autour de moi ne semblait connaître cet artiste. Enfin “Dylan Different” parvint jusqu’à mes oreilles (merci TSF jazz) et je me décidai à fouiller le Net pour trouver le Garcia Lorca (merci à certain marchand de mp3)
Pour une fois, hier soir, je me suis sentie à ma place – au bon endroit et au bon moment – au milieu de toute cette VIE !
30 avril 2010 à 11:46
Merci Claire pour votre commentaire, oui, je crois que nous avons assisté à un concert tout à fait exceptionnel, je suis encore très émue en y repensant. J’ai mis quelques vidéos en ligne du concert, qui ne valent pas le feu du moment mais sont des bons souvenirs.
Amitiés,
Yaël