Archive pour février 2010

Roman : Philippe Djian, Incidences

Vendredi 26 février 2010

Philippe Djian est de retour, avec un livre qui oscille entre le roman d’apprentissage et le film noir. Un scénario bien ficelé autour d’un monstre de plus en plus sympathique au fur et à mesure que le lecteur entre dans l’univers nihiliste et néanmoins sensible d’un raté que même l’amour ne peut sauver.


Marc a dépassé la cinquantaine. Alors que lui-même a fini par comprendre qu’il n’avait pas de talent pour écrire, même trois lignes dans son journal intime, il s’accroche à son travail de professeur de « creative writing » parce que cela lui permet de coucher avec ses étudiantes. La relation fusionnelle qu’il entretient avec sa sœur, Marianne, après qu’ils ont fait bloc contre des parents qui les battaient, fait barrage contre toute autre sorte de relation avec les femmes pour Marc. Jusqu’au jour où une de ses jeunes groupies en état d’ébriété avancé meure dans le lit à côté de lui. Après s’être débarrassé froidement du corps, le respectable professeur rencontre la belle-mère de la jeune morte. Et c’est le coup de foudre physique et intellectuel, et aussi la première fois que Marc voit une femme de plus de 26 ans. Mais son nouveau statut d’amant possédé le force à prendre des risques qu’il n’aurait jamais pris dans ses historiettes passées. Peut-on apprendre l’amour aussi tard ?

Construit comme un scénario de film, « Incidences » commence sur la route qui mène Marc chez lui, et les premières lignes contiennent en germe tout le livre : le goût d’échec de la petite Fiat 500 pour celui qui aurait voulu être un auteur marquant, l’indifférence du antihéros pour sa nouvelle dulcinée et le sentiment claustrophobique d’un schéma toujours répété et ennuyeux, même quand il est poussé jusqu’à la tragédie.
En le faisant entrer par cercles dans le monde désenchanté d’un raté incestueux, qui pour son malheur est très lucide sur sa situation, Philippe Djian plonge le lecteur dans un monde noir et grinçant, mais qui demeure – et c’est génialement gênant- très humain. L’obsession sexuelle, le tabou du professeur acceptant les avances de ses étudiantes, et les références très américaines du livre font penser à du Philippe Roth à la gauloise et repeint en noir. Mais certains retournements (les femmes de quarante ans sont finalement plus intéressantes que celles de vingt, l’autorité universitaire grogne mais ne condamne pas…) prennent à rebours ce thème de l’accès interdit aux biens sexuels trop frais. Enfin, la fine psychologie du roman est relevée par les ellipses. Seuls certains aspects reviennent du passé du personnage principal et Marc est totalement capable de les formuler pour la bonne raison que ça ne l’intéresse pas, le lecteur ne sait rien sur ce qui motive  tous ceux qui l’entourent à agir comme ils le font. Ces points aveugles permettent à Roth de laisser planer un inachevé très stimulant. Inachevé qui entre en tension avec l’étouffement du personnage principal et la structure impeccablement huilée du roman pour laisser le lecteur sur une saine faim.

Philippe Djian, Incidences, Gallimard, 233 p., 17, 90 euros.

Avait-il jamais ressenti cette impression de légèreté qu’il éprouvait à mesure qu’il se livrait à elle ? Après cela était-il étonnant qu’aucune étudiante ne pût désormais trouver grâce à ses yeux ?
Annie Eggbaum pouvait mettre sa poitrine en avant, venir frotter son pubis rebondi contre l’angle de son bureau- quand elle ne posait pas les fesses dessus- ou profiter des cours qu’il lui donnait pour exposer ses charmes –elle se baignait les seins nus tandis qu’il revenait sur les notions de bigger than life ou les sis more qui demeurent essentielles, mais semblent si peu connues et encore moins appliquées que c’en est renversant, une misère-, restait que, quoi qu’elle fit, il ne la désirait pas d’avantage
“,  p. 194

Cabaret Terezin : encore deux représentations exceptionnelles au Théâtre Marigny

Vendredi 26 février 2010

Pour la première fois en France, un spectacle nous livre dans notre langue les trésors du cabaret composés dans le camp de Theresienstadt, où ont d”abord été envoyés la plupart des grands artistes juifs européens déportés. Des trésors inestimables que Sergueï Dreznin, Isabelle Georges, David Krüger et Olivier Ruidavet font revivre pour un public volontiers composé de collégiens.

Ouvert pour les juifs les plus renommés ou les plus âgés après la conférence de Wannsee, le camp de Theresienstadt a servi de vitrine ou de camp-modèle aux nazis pendant la guerre. la Croix Rouge est même venue le visiter au début de l’année 1945 alors qu’il avait été soigneusement transformé en camp idéal. Le spectacle écrit par Josette Milgram n’oublie jamais de rappeler que l’on mourait de faim et de fatigue à Terezin et que les convois pour Auswchitz y étaient réguliers. Le spectacle suit le fil rouge de l’histoire d’Alexander Waechter ouvrant une valise longtemps restée dans le grenier afin de retracer la vie de son grand oncle Raimund mort dans le camp où il avait été déporté pour avoir épousé une juive. Peu de textes et beaucoup de chansons, constituent ce “Cabaret Terezin”. Parmi les numéros, les airs qui sont restés du camp  comme “Une valise raconte” (Ilse Weber), “La marche de Terezin” (Karl Svenk), “Le fond  reste musical”  (Fred Raymond) ou “Ce bon vieux cabaret” (Frida Rosental).  A un moment, l’on entend même le “St Louis blues” interdit partout en territoire nazi comme “art nègre” mais joué à Terezin.

Tous les textes sont traduits de l’allemand en français sauf deux (on peut entendre un morceau en tchèque et un autre en allemand, mais rien en yiddish), si bien que le public comprend immédiatement à quel point, alors même que rôde une mort souvent  évoquée, l’humour et le désir de vivre ont continué à irriguer la formidable création artistique qui a eu lieu dans le camp (une centaine de spectacles et conférences en trois ans).  A l’image de l’empereur d’Atlantis de l’opéra de Viktor Ullmann composé  dans le camp, c’est en chantant que les juifs de Thersienstadt exprimaient leur “refus de mourir”.  La charge émotionnelle d’interpréter des œuvres composées par des auteurs qui se savaient condamnés est parfaitement portée avec leur étoile jaune a veston par les quatre immenses interprètes du spectacles. Chanteurs hors pairs, danseurs,  et acteurs, Isabelle Georges, David Krüger et Olivier Ruidavet nous  font parfois rêver que l’on n’est plus à Theresienstadt mais à Broadway. Seul instrument pour les soutenir, le piano de Sergueï Dreznin est tout simplement magique.

“Cabaret Terezin” se donne encore deux fois pour le grand public au Théatre Marigny : le 8 mars et le 10 mai à 20h30.

Les collégiens et lycéens  peuvent assister à des séances spéciales les mardi 16 février à 15h, jeudi 18 février à 15h, lundi 8 mars à 15h et lundi 10 mai à 15h. Pour réserver pour  votre classe : cabaret.terezin@gmail.com.

“Cabaret Terezin”, dialogues Josette Milgram, oeuvres de Ilse Weber, Léo Straus, Frida Rosental, Karel Svenk, Walter Lindenbaum, Kopper… , piano et arrangements : Sergueï Dreznin, avec  Isabelle Georges, David Krüger et Olivier Ruidavet, Théâtre Marigny, le 8 mars et le 10 mai à 20h30, Carré Marigny Paris 8e, m° Franklin Roosevelt,  18-40 euros ( pour mes représentations jeunes : 5 euros) infos et réservations : cabaret.terezin@gmail.com.

Facebook de l’évènement ici.

Agnès Bihl, la générosité sur scène

Vendredi 26 février 2010

Alors qu’elle vient de sortir son quatrième album, “Rêve général(e)”  (Branco Music, voir notre article). Agnès Bihl était sur la scène de l’Européen pour quatre concerts exceptionnels. La boîte à sorties a eu la chance d’entendre le denier où la salle bondée s’est levée comme un seul homme pour une standing ovation bien méritée. Agnès Bihl est en tournée au Quebec à la fin du mois de février, mais elle revient en Europe en mars !

Après une première partie romantique assurée par la jolie et talentueuse pianiste d’Agnès Bihl, la blonde charismatique est entrée en scène, dans une robe sur pantalon de cuir qui laissait apercevoir son joli décolleté.

Accompagnée par ses trois musiciens, Bihl a laisser couler sa voix gouailleuse dont les accents rappellent souvent le coupant belge de Brel. Le concert était composé principalement de titre de son dernier album, selon une progression qui allait du plus personnel et anecdotique au plus politique et engagé pour culminer, en un énième rappel, dans le “No Flouze blues” slammé par Bihl a capella. Comme Agnès Bihl a voulu faire plus souriant qu’auparavant avec “Rêve générale(e)”, les premières chansons décrivent le parcours du combattant de la célibataire trentenaire : l’amant marié ou se mariant  (“A ton mariage”), les hommes qui ne savent pas ce qu’ils veulent, et les rêves de romance  (“C’est encore loin l’amour?”) pavent son quotidien. Et quand la femme veut se faire prédatrice, elle est souvent découragée : même l’intello aux yeux verts est en dessous de tout, pensant que cunnilingus est un empereur romain.  Du féminisme light à la sex and the city on passe très vite avec Bihl à un vrai engagement politique.

Et l’on jubile lors de sa dénonciation pleine d’humour de l’électeur moyen FN :  celui qui accepte les étrangers mais seulement dans l’équipe de France pendant la coupe du monde, qui trouve que  porter le voile c’est être trop croyant pour être bien catholique, mais qui n’hésite pas à reléguer sa femme à la cuisine (“Quand on voit c’qu’on voit). Et l’on frémit en entendant le plaidoyer d’une petite fille qui demande à son papa dans ses mots de ne plus la violer (“Touche pas à mon corps”).  L’on se sent affreusement honteux de sa propre indifférence à la misère en écoutant le “SDF tango”. Puis l’on entonne avec plaisir “De bouche à Oreille” en ayant un peu l’impression que la solidarité peut encore être révolutionnaire.

Agnès Bihl est une très grande de la chanson. Ses textes sont vraiment très impressionnants : à la fois puissant et extrêmement fin. aie compositrice de chanson réaliste, elle nous plonge dans des petites saynètes qui contiennent des mondes entiers : les contradictions tendres d’une fille de “Treize ans”, comme le dernier amour flamboyant de “Mamie cheveux mauves” qui ne s’est toujours pas résigner à renoncer à “remplir d’étoiles / Un corps qui tremble et tomber mort”, comme le chantait si justement Brel.D”ailleurs, la “Véro” de Bihl n’est-elle pas une “Jeff” au féminin?

Et puis la générosité naturelle d’Agnès Bihl emplit la salle et l’entendre sur scène est une  grande expérience de sensibilité et d’empathie. Elle donne le maximum à son public et le bouleverse, et l’on sort le sourire aux lèvres en pensant très fort : “Merci madame Bihl, merci pour l’émotion, pour vos batailles, et pour toute cette nostalgie aussi cque vous savez si bien transmettre”. Et c’est encore un peu hébété qu’on tombe sur elle dans le hall de l’Européen. La femme de scène à peine fatiguée malgré les quatre rappels est déjà  prête à  dédicacer ses Cds et rencontrer son public.

Agnès Bihl, « Rêve générale(e) » (Branco Music), sortie le 1er février 2010, 13 euros env.
Titre « De bouches à oreilles » téléchargeable gratuitement en se montrant solidaire avec la lutte contre le réchauffement climatique.

Sortie ciné : Shutter Island ou la brume rétro de la paranoïa

Vendredi 26 février 2010

Avec “Shutter Island”, l’équipe Scorsese/DiCaprio est de retour sur nos très grands écrans, après “Gangs of New-York”, “Aviator” et ” Les infiltrés”. Inspiré du best-seller de Dennis Lehane (qui avait aussi signé “Mystic River”), “Shutter island” nous plonge dans une prison-hôpital psychiatrique des années 1950. L’enquête du Marshal Teddy Daniels pour retrouver une “patiente” mystérieusement disparue se transforme en lutte inégale contre une folie monstrueusement administrée. L’enfer de la paranoïa rétro vu par Scorsese renoue avec l’esthétique expressionniste pour le grand plaisir d’avoir très peur…

Vétéran traumatisé de la Deuxième Guerre mondiale, l’U.S. Marshal (policier fédéral) Teddy Daniels (Leonnardo DiCaprio) est affublé d’un nouveau coéquipier, Chuck Aule (irrésistible Mark Ruffalo en macho adjuvant) pour une mission spéciale : retrouver une prisonnière mystérieusement échappée d’un hôpital psychiatrique où sont détenus des criminels : Shutter Island. Mais le voyage commence mal pour Daniels qui a un terrible mal de mer, est hanté par la mort de sa femme (Michelle Williams, apparition parfaitement désincarnée), et découvre bien  vite qu’il est impossible que la prisonnière se soit échappée seule d’une cellule fermée à clé de l’extérieur sur une île rocailleuse dont les bordures sont des falaises tombant à pic sur un Atlantique déchaîné.

Suspicieux, et privés de leurs armes par la loi locale, Daniels et Aule doivent vite se plier aux règles de Shutter Island, dirigée par l’inventif Dr Cawley (auquel Ben Kingsley prête toute son insaisissable élégance britannique). Et enfermés sur l’île par la tempête, les marshals se trouvent bien vite confrontés à une folie contagieuse : Cawley et son équipe ont-ils d’autres plans que soigner et garder leurs “patients”? Et quelles raisons personnelles ont poussé Daniels à accepter une mission qui semble sortir de sa routine?

Reconstituant minutieusement l’univers psychiatrique des années 1950 avec son arsenal de camisoles, électrochocs, et trépanations, Scorcese invite le spectateur à entrer dans un thriller psychologique et gothique qui frise le genre de l’horreur. Sous des trombes d’eau et porté par des images délicieusement obscures (les gris du directeur de la photographie, Robert Richardson, étant parfois retravaillés numériquement), Shutter Island est une invitation à l’enfermement dans la folie.

Les paranoïas des personnages rejoignent celle de l’Amérique des années 1950. Si celle-ci a hérité du film noir, en donnant asile aux anciens réalisateurs juifs expressionnistes de Weimar, en accueillant des scientifiques de l’acabit d’Oppenheimer ou de Werner von Braun, elle a aussi hérité du III e Reich une fâcheuse tendance à faire de l’homme un animal de laboratoire où l’expérience est bien celle d’une destruction. Dans le cas de l’hôpital psychiatrique de Shutter Island, cette ambivalence est représentée par le personnage du docteur Naehring (interprété par l’immense Max von Sydow qui a notamment joué dans le 7e sceau de Bergman).

Sous les costumes un peu cheap et parfaitement fifties de Leonardo DiCaprio, et les robes à fleurs de Michelle Williams, Scorsese a fait appel à cette mythologie allemande en créant un climat d’inquiétante étrangeté directement inspiré de l’expressionnisme Allemand (“Le cabinet du docteur Caligari”de Robert Wiene auquel le réalisateur a immédiatement pensé en lisant le roman) et de son héritage américain (“Laura” d’Otto Preminger ou encore “Le procès” d’Orson Welles que Scorcese a fait voir à tous ses acteurs). D’ombre portée en ombre portée, et de jeu de piste en jeu de rôle dans l’aqueux marasme de la psychose organisée, le spectateur entre cercle après cercle dans l’intime d’une folie qui a un visage de plus en plus familier… Pour  finir par douter de tout et tous à la fin du film et faire l’expérience troublante de douter de ses propres peurs.

Un grand film noir, extrêmement référentiel, haletant, et évidemment parfaitement cadré par maître Scorsese.


Shutter Island – Bande-Annonce / Trailer B [VOST FR]
envoyé par Lyricis. – Court métrage, documentaire et bande annonce.

Shutter Island” de Martin Scorsese, d’après le roman de Dennis Lehane avec Leonardo DiCaprio, Ben Kingsley, Michelle Williams, Mark Ruffalo, Max von Sydow, et Patricia Clarckson, USA, 2010, 2h17,

Odessa Thornhill : « Mon album est un voyage »

Vendredi 26 février 2010

Juste avant son dernier concert parisien au China , la boîte à sorties a rencontré la spirituelle diva canadienne Odessa Thornhill. Danseuse, poétesse et chanteuse, « Queen Odessa » prépare actuellement son premier album qui doit sortir en avril chez Ideal Music Corporation.

Odessa Thornhill en concert au China, le 25/02/2010

D’où vous vient votre surnom « Queen Odessa » ?
Odessa est mon prénom. Rien à voir avec la Bible, puisque mon père l’a choisi dans un livre africain et que cela veut dire « première fleur ». Le surnom de « Queen » vient d’une chanson de Erykah Badu. Il y a aussi ce jour où je portais un T-Shirt sur lequel était marqué « Queen » et on m’a demandé mon nom, et j’ai dit « Appelez-moi comme ça » en montrant le T-Shirt. Mais c’est aussi une question de respect. Alors que les gens prennent de plus en plus l’habitude de vous interpeler par des « hey », « pss », ou « baby », se faire appeler « Queen » veut dire « Approche-moi avec respect ». Or, pour une femme, j’estime que c’est un devoir de se faire traiter avec respect.


Vous venez d’une famille d’artistes, pouvez-vous nous en parler ?

Mon père est musicien et joue du steelpan, un instrument antillais. Ma mère a toujours chanté à la maison, ainsi que ses deux sœurs jumelles qui étaient assez connues pour leurs voix. J’ai pas mal de cousins qui sont aussi dans la musique, ce qui fait que quand vous prononcez le nom « Thornhill » dans la communauté noire de Montréal, tout le monde connaît ma famille pour sa musique. Moi-même, j’ai toujours chanté. Ma voix est un don que j’ai hérité des deux côtés de ma famille.
Vous chantez, mais vous écrivez et vous dansez également, comment ces trois arts sont-ils connectés dans votre vie ?
Au début, pour moi, ces trois disciplines étaient séparées. Mais ces sept dernières années, depuis que je chante avec mon groupe, la voix, le mouvement qu’inspire la musique et trouver les mots sont trois activités qui sont naturellement venues se compléter. Vous savez, tout chanteur qui écrit ses textes est un poète. Et la musique est ce qui m’a donné envie de danser et de m’exprimer. Mon modèle dans cette traversée des disciplines est Jill Scott. J’ai même créé un show qui combinait voix, danse et lectures de vers. Il s’appelait « Life beyond the sun ».

Vous avez été pendant un an chanteuse au Cirque du soleil, à Orlando. Que vous a apporté cette expérience ?
C’était en 2002, et cela m’a aidée à trouver ma place comme chanteuse et comme artiste. Avant je n’étais pas sérieuse avec la musique et peut-être aussi avec moi-même. Le cirque du Soleil m’a aidée à réaliser que j’étais faite pour faire de la musique sérieusement.

Vous composez vos propres chansons ?
Oui, la musique et le texte. Je commence toujours par la mélodie et après, les paroles viennent.

Sur votre EP et votre site myspace, il y a plusieurs reprises, comme celle de « Crazy » de Gnarls Barkley, ou de « Kiss from a rose » de Seal. Comment concevez-vous cet art particulier qui consiste à reprendre des chansons que tous connaissent ?

C’est une vraie question ! Quand je pense à moi comme spectateur, je sais que quand j’entends une reprise je m’attends à ce que l’interprète donne quelque chose égal ou qui dépasse la musique d’origine. Du point de vue du chanteur, C’est difficile de rendre cet exercice approprié. C’est un peu comme mettre les vêtements d’une autre personne, alors que tu n’es pas cette autre personne. Comment traduire ce que l’artiste a donné avec respect ? Il faut savoir ajouter la texture de toi-même, ce que tu as ressenti en écoutant la chanson, mais sans la saturer, afin de laisser la place aussi à la sensibilité du public.

Qu’est-ce que le spirituel pour vous?
On est physique, mais pas seulement, le physique est là pour magnifier l’esprit. Je pars toujours de l’âme, pas juste de la musique. Pour que je puisse créer une nouvelle musique, il faut que quelque chose m’ait tapé dans la tête. Je ne suis pas quelqu’un de religieux mais je suis certainement une personne spirituelle. Et je crois que toutes les spiritualités communiquent. Et la musique est spirituelle. C’est une manière d’unifier les gens. Quand la musique commence ça m’emporte, je deviens comme une folle. Et j’écoute tous les genres car j’aime écouter ce que les gens ont à offrir, même si parfois ce n’est pas un style de musique qui me plaît j’apprends toujours quelque chose et je sais rester à l’écoute.

La musique est donc une manière de faire communiquer les cultures ?
J’ai grandi dans la musique, en écoutant la Motown, de la soul black, de la musique instrumentale, de la musique antillaise, du gospel. J’ai aussi été très influencée par musique africaine qui fait partie de mes racines. Je suis d’abord une représentante de qui je suis : je suis une femme d’abord, une femme noire et j’essaie de toucher à tout. Alors bien sûr à l’origine, il y a mon peuple, mais je veux donner ma musique au peuple du monde. Bien sûr que la musique ne s’arrête pas juste à ma culture.

Votre album sort très prochainement. Y-a-t-il un message particulier dans ce premier disque ?
« Just love and live life » ! Et surtout parvenir à découvrir les différents univers et niveaux de sa personnalité. En acceptant toutes ces facettes, même celles qui sont laides. Mon album est un voyage : après chaque chanson je me suis moi-même mieux connue. C’est ce voyage que je voudrais offrir à mon public.

Pour en savoir plus sur Odessa Thornhill, allez lire notre article… et pour découvrir sa voix bouleversante en attendant l’album, rendez-vous sur son myspace.

Turner inspiré au Grand Palais

Vendredi 26 février 2010

Depuis le 24 février, l’exposition “Turner et ses peintres” met en lumière les grands inspirateurs -maîtres et contemporains- du grand paysagiste anglais. L’ étape française de cette grande exposition démarrée cet hiver à la Tate met en valeur l’impact des collections du Louvre sur l’art de Turner après sa visite de 1802 et notamment sa passion pour Claude Lorrain.

“Étudiez la nature attentivement mais toujours en compagnie [des] grands maîtres. Considérez-les comme des modèles à imiter et comme des rivaux à combattre.” Sir Joshua Reynolds, Discours sur l’Art, 1779.

Né dans une famille modeste de Londres, William Yurner est un pur produit de la Royal Academy of Arts où les artistes apprenaient en copiant les grands maîtres. L’exposition “Turner et ses peintres” montre de quelles sources l’artiste s’est inspiré en donnant à voir ses copies et sublimations à côté des tableaux de maîtres classiques  ou de ceux de ses contemporains qu’il a su surpasser. Puis en évoquant la “Turner Gallery”, salle où Turner reconnu exposait ses peintres préférés souligne, les commissaires de l’exposition montrent la fidélité de la reconnaissance et de l’admiration de William Turner pour ses maîtres. Vu sous ce jour nouveau, le sublime des paysages turneriens prennent de nouveaux reliefs, et l’on découvre également certains portraits ou scènes mythologiques inspirés au peintre par Raphaël ou Titien. Plus qu’une simple rétrospective ou exhibition des trésors de la Tate (comme avait pu l’être par exemple l’exposition Turner du Metropolitan Museum de New-York à l’automne 2008), “Turner et ses peintres” est une réflexion sur les engendrements et les influences en peinture.

Intitulée “Un apprentissage britannique”, la première salle découvre un jeune Turner connu pour ses talents d’aquarelliste, et sa préoccupation, ainsi que sa capacité, à s’inspirer de certains de ses pairs, comme son ami Thomas Girtin, pour les surpasser. La deuxième salle commence avec la consécration : l’élection comme membre associé à la Royal Academy en 1899, ainsi que l’impact de la première visite de Turner au Louvre en 1802, sur son œuvre. Le carnet de dessins pris par Turner dans les galeries du Louvres est particulièrement touchant. On comprend combien Poussin, Savator Rossa,  et surtout le Lorrain qui lui arrache des larmes, ont modifié la manière de peindre des paysages de l ‘aquarelliste passés à l’huile.

Adaptant  la mode vaporeuse anglaise le classicisme français, Turner adapte par exemple en 1805 “L’hiver ou le déluge” de Nicolas Poussin (1660-1664) et il modifie à peine dans “Appulia à la recherche d’Appulus” (1814) le “Paysage avec Jacob,Laban et ses filles” du Lorrain (1654). Enfin, inspirés du Titien, la “Sainte famille” ou “Venus et Adonis”, deux toiles très éloignées des paysages classiques de Turner montrent des visages  éblouissants. Il n’y a pas que le Louvre qui fait de l’effet à Turner lors de son premier voyage à Paris, et la troisième salle de l’exposition montre comment le “salon de 1802” a nourri la réflexion de Turner sur la perspective.

C’est seulement à la quatrième section de l’exposition “Les ressources du Nord” qu’apparaît le thème canonique de l’œuvre de Turner : la question de la lumière à travers sa passion pour Rembrandt (ne manquez pas la Jessica plus rembrandtienne que Shakespearienne peinte par Turner en 1830).

Dans la salle suivante “Le culte de l’artiste”, les influences d’artistes aussi divers que Watteau, Raphaël, Canaletto, et Ruysdae! sont évoquées. A tous ces inspirateurs, Turner a rendu hommage dans la galerie qui jouxtait son atelier de la 64 Harley Street et où il exposait ses toiles. Celle-ci et sa lumière venue du plafond sont partiellement reconstituées au sein du Grand Palais. La sixième salle “L’inspiration sublime” évoque  la poursuite du “sublime” par les artistes de la génération de Turner. Bien avant Kant, cette notion de sublime avait été conceptualisée par Edmund Burke en 1757 en opposition à l’harmonie du beau. Ainsi, Turner imprime sur ses paysages blancs et gris d’avalanches toute l’émotion de la catastrophe.

Partant du postulat que pour un contemporain de Turner, voir son tableau exposé à côté d’une œuvre du peintre “est aussi préjudiciable que le voisinage d’une fenêtre ouverte”, la section 7 “Expositions et compétitions”  montre la férocité de la concurrence, Turner n’hésitant pas à faire son cabot en “finissant” ses toiles en public sur le lieu de l’exposition. Enfin, la dernière grande salle “Turner et la postérité de sa peinture” prouve la durée de l’impact du Lorrain sur un Turner vieillissant et endeuillé. La section comprend des grandes toiles magistrales de Turner, comme le déclin de l’Empire Carthaginois, ainsi que les dernières toiles brouillées de soleils couchants et délicieusement inachevées  (“Solitude”, “Paysage avec une rivière”.

Turner repose dans la cathédrale St-Paul de Londres et si ses plus grands chefs d’œuvres sont répartis entre la National Gallery et la Tate,  l’exposition “Turner et ses maîtres” prouve bien qu’au Louvre aussi on détient certaines clé pour comprendre la magie de ses toiles.

La programmation culturelle autour de l’exposition”Turner et ses maîtres” prévoit des visites, des conférences, des concerts et aussi des projections de films inspirés par Turner comme “meurtre dans un jardin anglais” de Peter Greenaway. Pour en savoir plus, cliquez ici.

Pour en savoir plus sur Turner, lire notre critique du documentaire d’Alain Jaubert.

“Turner et ses maîtres” jusqu’au 24 mai 2010, Grand Palais, 3, av. du Général Eisenhower, Paris 8e (entrée square Jean Perrin), m° Champs Elysées Clemenceau, ven-lun 9h-22h, mar 9h-14h, mer 10h-22h, jeu 10h-20h, 11 euros (TR 8 euros).

Crédits : Rmn & Tate Photography

Valérie Mréjen filme l’hôpital psychiatrique de Valvert

Vendredi 26 février 2010

La plasticienne, auteure, et réalisatrice de “Pork and Milk” (2006) a accepté un film de commande  : filmer un hôpital psychiatrique de Marseille datant des années 1970 et dont le fonctionnement repose sur la libre circulation des patients et leur interaction avec avec tout le personnel soignant ou administratif de l’institution. Un film réalistee t humain, qui fait figure d’anti-“Shutter Island”, et où Mréjen a glissé toute la poésie de son oeil mélancolique.

Né de la psychothérapie institutionnelle qui prône une psychiatrie ouverte et reposant sur le dialogue et le contact aux patients, l’hôpital de Valvert a ouvert ses portes dans les années 1970. Depuis les principes d’organisation sont demeurés inchangés : les patients (même ceux qui y restent des années) circulent librement dans les jardins et à la cafétéria de l’hôpital et l’accent est mis sur leur contact aux infirmiers, aux médecins, mais aussi aux employés de l’administration comme la directrice du centre de documentation. Toutes les portes sont ouvertes à Valvert, situant l’institution aux antipodes de l’atmosphère asilaire de surveillance panoptique des patients.Mais les fonds s’amenuisent et donc  l’hôpital n’est plus en mesure de proposer à ses patients des vrais emplois rémunérés, et donc un travail salutaire, même si pas toujours efficace, ceux-ci continuent de se promener et de s’exprimer librement. sans parti pris, et parfaitement en accord avec le principe de dialogue qui définit Valvert, avec sa caméra souple et poétique, Mréjean est allée rencontrer infirmiers, administratifs et patients. Et ces derniers sont traités avec une humanité quiconsiste à écouter avec attention ce qu’ils ont à dire, et qui si on se concentre, semble toujours assez cohérent dans le film de Mréjen. Alors que les plans fixes des interview évoquent cette attention aux mots, les longs travelling dans les couloirs de Valvert, où le visage muettement  endeuillé de la réalisatrice fait par deux fois apparition évoque tout un monde lointain : ces contrées milles fois explorées et jamais totalement balisées de l’esprit humain.

Entre réalisme et humanisme, Valvert est un petit bijou à découvrir en salles le 10 mars.

Valvert, de Valérie Mréjean, France, 2008, 52 min.

Manhattan et puis Paname, de grandes amitiés

Vendredi 26 février 2010

Retour très chaleureux à Manhattan, qui m’a fait du bien. Tellement de bien. Grand soleil sur un New-York pas même enneigé, première station obligée pour me faire faire les ongles en buvant un coca light, très peu du culture, ce qui m’a bien reposée, et j’ai retrouvé l’avatar américain de moi-même en grande forme. Lavage de cerveau à base de gym et sauna avec ma chère A, dîner en trio avec mon guadeloupéen préféré, un superbe anniversaire fêté avec beaucoup de chaleur chez Turks and Frogs (le west-village est mon nouveau quartier d’adoption) : tous les gens que j’aime à NYC étaient là, ils s’étaient libérés pour quelques bon verre de Syrah, un gâteau improvisé, et des discussions profondes de joie. Tout cela parfait par une sortie nocturne à “kiss and fly” où j’ai vraiment failli m’envoler de légèreté quand pour la première fois depuis des mois, un garçon absolument sans intérêt s’est intéressé à moi sans me demander de dérouler en préambule tout mon CV. De grandes marches fatigantes, des amis bien arrivés ou sécurisé, un sentiment de crise dépassée, déjeuner avec l’homme le plus sage de ce grand froid, sandwiches au thon et orange pressée. Pas mal de vodka pour fêter ce surplus d’années et le grand loft de mes rockers et nerds préférés.
Le retour musclé m’a aussi fait du bien, jolie rencontre dans l’avion presque raté et carrément retardé, cours le soir même sans difficulté, Turner et rédac à la fois, recours et superbe fête de parisienne amitié. Mardi, dans un bel atelier, Montreuil en fête et tous ces gens rassemblés. 5 heures du mat’, ça ne pardonne pas, surtout quand ça finit à l’alcool dans un bouge du marais. Mais après, re-cinéma, Matt Damon en faux hors-la-loi, l’Allemagne blafarde et les chaussons rouges de tant d’amour suranné. Munch forcément mais sans les cris, un peu de musique : celle sur laquelle j’écris puis Odessa ce soir au China, interviewée avec grand émoi. Les journées sont longues et me portent dans leurs bras, autant que les taxis et mes pieds si pressés (mais toujours impeccablement noirs de jais)… Allez un dernier dvd, puis dents brossées et les larmes délavées.

Morceau de journal

Mardi 16 février 2010

Plus le temps… entre les trois cours à préparer chaque semaine, les articles des autres à relire, les concours à organiser, mon corps qui fout le camp par manque de sommeil et les amis, je n’écris plus. Ou presque. Pas même la force de mettre en ligne mes articles qui paraissent sur notre tout nouveau tout superbe site de la boite à sorties; et puis en fait dans cette vie de travail, pas grand chose à noter, je deviens un peu dure, les choses et les gens ne m’entament plus. Je me surprends d’indifférence. Parfois je regrette la solitude réflexive de Manhattan où je retourne mercredi pour quelques jours. Excitée sans appréhension et prête à affronter le froid.

Encore un cours à préparer avant demain soir… temps d’aller lire quelques lignes et au lit.

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Pascal Sangla, l’homme-piano

Mardi 16 février 2010

Hier soir, la chanteur Pascal Sangla se produisait avec ses musiciens sur la scène de l’Européen. La boîte à sorties y était et s’est offert une “petite pause” de très bonne musique et de fou rire.

Accompagné par son bassiste et son excellent batteur, Pascal Sangla a charmé son public de l’Européen. Son premier disque “Une petite pause”  vient de sortir et pourtant la salle est déjà pleine. Et prête à s’exclamer à chacune des pitreries du chanteur, extrêmement spirituel et charismatique. Sur scène, trois types de chansons : les chansons mélancoliques d’aaaamoureux sur jolie mélodie au piano (“141”, “si elle a un problème”) et  les chansons qui se moquent des gens (“les papillons blancs” à hurler de rire sur  les faux dépressifs, ou encore une parodie en chapeau d’une ballade moyenâgeuse où le Prince et la Bergère ne se voient pas, lui trop myope, elle occupée à tuer un pou. Commentaire :”Comment, vous n’aimez pas le Fôoolk?”). Mais les plus originales sont les chansons “Pfffouit” (geste de Pascal évoquant une patate s’affaissant sur un canapé) : normal, non? qu’un album qui s’appelle “une petite pause” nous enjoigne à nous détendre “assis par terre !

Sur scène, campé derrière son piano, Pascal Sangla est juste époustouflant. Ses doigts se baladent sur le clavier, changeant de ton ou de registre avec une vitesse foudroyante. Et ses compères suivent ce très très grand pianiste pour nous offrir une musique à la composition riche et subtile et dont l’interprétation touche à la maestria. Manquent seulement une voix qui sache toujours où poser ses ailes de papillon, et SURTOUT, des textes. Ceux-ci semblent vraiment en-deçà de la musique et risquent de classer Sangla parmi les sous-Bénabar, alors que son univers poétique et musical est bien trop riche pour cela.

Un immense pianiste, un homme de scène énergique et un chanteur heureux à suivre absolument.

Pascal Sangla, “Une Petite Pause”, Pilou Prod, 13 euros.(Voir notre article)

Et pour tout savoir sur les prochain concerts de Pascal Sangla, rendez-vous sur son myspace.