Archive pour décembre 2009

L’amant, d’Harold Pinter au Café de la Danse

Mardi 22 décembre 2009

Jusqu’au 30 décembre, la Compagnie Bord Cadre présente une version lisse et lounge de la pièce de Harold Pinter : « L’amant ». Une plongée dans les zones d’ombre et de perversion du couple.

couple-sur-chaiseSarah et Richard sont un couple de la moyenne bourgeoisie anglaise. Après dix ans de mariage, sans enfant, ils sont encore très tourtereaux amoureux. Le matin et le soir, quand il sort du travail, Sarah s’occupe très bien de son mari. Mais dans l’après-midi, deux à trois fois par semaine, elle reçoit chez eux son amant, Max. Richard est très compréhensif : il sait que l’amant est un élément important de l’équilibre de Sarah. Et de la jalousie serait une preuve d’inélégance. Lui-même est régulièrement infidèle à sa femme adorée, avec une prostituée. Tout va pour le mieux dans le plus poli des mondes, donc, jusqu’au jour où l’amant décide que le mensonge et l’adultère ne peuvent pas continuer…

after-sexe

Les mots d’Harold Pinter nous font entrer dans les coulisses des après-midis de jeux érotiques de Sarah, et dans la cordialité tendre d’un couple qui a duré sans s’éroder. La traduction française, laisse parfois un peu à désirer (mais comment traduire la première phrase « Is your lover coming today ? », “coming “voulant dire à la fois venir et jouir ?). Surtout, malgré une scénographie « pure » et lounge aux tons blancs, gris et rouges, la mise en scène de Cécile Rist étale le texte dans le temps (2h20 !) jusqu’à l’éclater et le faire tomber en morceaux. En mari, comme en amant, Guillaume Tobo n’estpas très crédible ; peut-être parce que l’on sent qu’il n’est pas très sensible à la sensualité de la sublime Dounia Sichov, même quand elle enlève sa culotte rouge de dessous son caraco rouge. Bref on s’ennuie vraiment dans cette version longue et lente de l’ « Amant », malgré certaines idées intéressantes dans la mise en scène, comme le fredonnement de mélodies en guise de B.O. ou l’utilisation de la vidéo. Et même ces dernière s’essoufflent sur la longueur… jusqu’à porter sur les nerfs.

lamantfinal « L’amant », de Harold Pinter, Cie Bord Cadre, mise en scène Cécile Rist, avec Dounia Sichov, Guillaume Tobo, Robert Hatisi, jusqu’au 30 décembre, 20h30, Café de la danse, 5 passage Louis-Philippe, Paris 11e, m° Bastille, 19 euros (TR 12 euros).

Critique de la violence

Jeudi 17 décembre 2009

Il est six heures du matin et dans la semaine j’ai soutenu ma thèse, survécu, écrit deux chansons, corrigé 22 copies, emmené 10 bloggers écouter Juliette Greco à Versailles, enseigné Walter Benjamin, pris une bonne cuite, eu des entretiens de travail à 22h30 et assisté à une conf de presse de Rihanna…pas le temps d’écrire, pas le temps…

Mais il y a eu un choc de violence ce soir qui me laisse encore moins dormir que prévu : deux hommes se sont battus pour moi; deux personnes que j’apprécie et que je croyais civilisées. Loin d’être flattée ou amusée de la situation, je me suis sentie à la fois coupable (même si je sais que ce n’est pas ma faute) et victime de la rixe (j’étais au milieu à chopper quelques coup pour les séparer)et j’en ai profité pour perdre mon porte-monnaie). Surtout ce côté coq en poings, sentir cette violence masculine, m’a glacée, et laissée complétement sans voix. Et puis j’amenais un nouvel ami rencontrer un autre ami, sans que de ma part il y ait une quelconque séduction, mise en concours, ou malignité. Que mon nouvel ami ait été reçu par l’un des miens de cette manière est tout simplement intolérable. Bref, une belle soirée commencée dans les plaisirs apaisés du lounge qui se transforme en marée d’angoisse… La saynète qui pourrait paraître très parisienne, jeune et fraîche. Elle m’a semblé d’un glauque achevé. Un souffle non de bestialité, mais de mort.  I’ll get over it very quickly. Mais quand même, est-ce ainsi que les hommes vivent ? Et que devient le trophée entre un ivrogne violent et son adversaire an-empathique à l’oeil au beurre noir…

Rihanna à Paris pour présenter son concert du 28 avril + photos

Jeudi 17 décembre 2009

De passage à Paris pour faire parler de sa tournée Française au printemps prochain, Rihanna a reçu les journalistes sans sa crête mais avec tout son humour, malgré la fatigue d’un voyage rallongé.

Juste avant de filer sur le plateau de Sacrée Soirée pour offrir en direct un show cadeau de Noël à ses fans français, la féline du R’n’b a eu le temps de répondre aux questions de quelques journalistes. Elle est apparue dans une tenue très “girl next door” :  blond très sage, pantalon,  petit pull noir, et maquillage très sage  pour parler des trois dates de sa torunée française : le 20 avril à Lyon, le 21 à Marseille et le 28 à Paris Bercy. Se montrant ravie de découvrir deux nouvelles villes françaises, et percevant sa tournée comme un show très visuel et vivant (musique “crue” avec sa bande de musiciens) malgré le caractère plus sombre et plus personnel de son dernier album. Sorti en novembre dernier, “Rated R” est en effet marqué par les affres de la fin de sa liaison avec Chris Brown, le tube “Russian Roulette”, portant la marque de la peur et de la menace frôlant la tempe de la jeune chanteuse.  Remise de ses émotions et plus lumineuse que jamais, Rihanna a avant tout enjoint ses fans à s’amuser (le fameux “have fun”) : que ce soit en amour ou dans le simple jeu de séduction entre personnes de même sexe. N’ayant pas même eu le temps de penser à ses résolutions pour l’année 2010, la diva sait cependant déjà qu’elle va continuer à s’habiller comme elle veut, rester toujours sur le fil de l’audace et va travailler pour cette tournée avec de nombreux designers, dont Alexandre Vauthier.

Prenez donc vite vos places pour le concert de Rihanna, et en attendant de l’entendre live, ne manquez pas la soirée spéciale que lui dédie MCM, le 3 janvier prochain, à 19h, avec un portrait de la star, suivi de son concert live à Mancehester de 2007.

La voici merecredi soir interprétant “Russian roulette” sur le plateau de Sacrée Soirée:

Cinéma : Mensch de Steve Suissa, ou les parrains de la rue Richer

Mercredi 16 décembre 2009

Steve Suissa, le réalisateur de “Cavalcade” met en scène son enfance dans les quartiers juifs du 9 e arrondissement. A mille lieues de “La vérité si je mens”, “Mensch” est plus un vrai film de gangsters qu’un film communautaire. Film porté par ses acteurs, “Mensch” offre à  Nicolas Cazalé un superbe rôle de père juif, donne à la figure du patriarche toute l’élégance de Samy Frey et utilise Antohony Delon à contre-emploi. Sortie le 9 décembre.

Géraldine Pioud est allée interviewer Steve Suissa, cliquez ici pour lire les propos du réalisateur de Mensch.

Sam (Nicolas Cazalé) a 35 ans, un fils, et vient d’une famille juive installé depuis trois génération rue Richer (9e arrondissement de Paris) : la famille Hazak (“sois fort”, en hébreu). Sam voudrait écouter les conseils de son grand-père (Samy Frey), se coiffer, serrer sa cravate, regarder les gens droit dans les yeux et être un type bien (un “Mensch”, soit un homme, tout simplement, en yiddish). Mais sontalents n’est certainement pas dans le business familial. L’art de Sam est celui de casser les coffres. Ce qu’il opère en général de manière indépendante avec Tonio (Anthony Delon) comme chauffeur et partenaire. Mais cette double vie n’est pas facile; au quartier, tout le monde se doute que ses affaires ne sont pas orthodoxes, et même son petit garçon pose des questions. Et la nouvelle femme de sa vie (sublime Sara Martins qui interprète enfin un personnage féminin avec un minimum d’épaisseur dans un films de gangsters) n’est pas non plus dupe. Or, Sam a terriblement besoin d’argent. Il finit donc par accepter la proposition de l’ennemi de son grand-père, Simon Safran (Maurice Bénichou) et participe à un cambriolage de diamants pour ce vœux parrain. mais certains des partenaires qui lui sont imposés, comme Youvel  (Mickaël Abitboul) sont trop junkies pour être fiables…

Avec sa structure narrative simple, des dialogues efficaces, et des personnages archétypaux incarnés par des acteurs fantastiques (Cazalé est irrésistible, et l’on s’arrête de respirer pendant toute  la scène de confrontation entre Samy Frey et Maurice Bénichou, on apprécie également de voir le réalisateur interpréter l’oncle studieux de Sam), “Mensch” est un très bon film de gangsters. Mais c’est aussi  l’anti “Public ennemies”, de par sa recherche sur la psychologie et l’intimité des héros qu’il met en scène. Steve Suissa sait suggérer de forts rapports personnels en quelques images, que ce soit entre Sam et son fils, Sam et son père, Sam et sa nouvelle fiancée, où entre le père de Sam et Simon Safran. Et les questions du personnage de Sam, perdu dans ses mensonges et tourmenté par la distance qu’il y a entre ses besoins, ses idéaux et ses actions, sont les bonnes. Comment prendre des chemins de traverses sans pour autant quitter complétement la route? Comment être un Mensch quand on aspire à autre chose qu’à un laborieux travail d’épicier ou de commerçant? Ces questions accompagnent le spectateur longtemps après qu’il a quitté la salle de cinéma.

Mensch“, de Steve Suissa, avec Nicolas Cazalé, Anthony Delon, Samy Frey, Mickaël Abitboul, Maurice Bénichou, Sara Martins, Évelyne Bouix, et Myriam Boyer, France, 2009, 1h27, sortie le 9 décembre.

Saïd Taghmaoui : « En l’espace de sept ans, j’ai accompli aux Etats-Unis ce que je ne pourrais pas faire en une vie ici »

Mercredi 16 décembre 2009

À 36 ans, le comédien découvert dans la « Haine » de Matthieu Kassovitz (1995) a fait bien du chemin. Ayant tourné en Italien, en Français, en Arabe, et en Anglais, dans 57 films et 31 fois en tant que premier rôle, Saïd Tagmahoui n’a pas chômé. Il a même fait un petit détour par la série Lost et joué dans des vidéos pour le groupe U2 !  À l’occasion de la sortie de « G.I. JOE, le réveil du cobra » en Dvd (Paramount, disponible à partir du 10 décembre), nous avons rencontré ce comédien hors du commun, nouvellement naturalisé américain, et qui alterne entre films d’auteurs et blockbusters.

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Le festival international du film de Marrakech, qui a lieu du 4 au 12 décembre, vous rend hommage aux côtés de très grands du cinéma, comme Emir Kusturica ou  Sir Ben Kingsley. Quel effet cela fait-il à l’âge de 36 ans ?

Il y a un côté un peu effet papillon : un battement d’ailes et c’est un tremblement de terre à l’autre bout de la planète ! Même si je me sens un peu jeune pour recevoir un hommage, il y a un coté « yes we can » dans cette récompense. À l’heure actuelle, on est tellement peu nombreux de ma communauté, de ma génération, à sortir la tête de l’eau dignement ! En fait cet hommage il n’est pas pour moi, mais pour tous les gens qui viennent de milieux sociaux défavorisés ou favorisés et qui se battent pour atteindre leur rêves avec des valeurs nobles, sans renier qui ils sont, sans prendre de raccourcis, sans tricher. Voilà ce que je veux, voilà le discours que je vais dire quand je vais recevoir le prix. Ça me flatte parce qu’ils vont projeter huit de mes films, et les gens vont vraiment pouvoir me découvrir et puis sur des grandes places publiques avec 150 000 personnes et puis je suis associé avec des acteurs que j’admire profondément, Christopher Walken, Ben Kingsley, Emir Kusturica, être associé à ces vrais monstres du cinéma dont je respecte le travail va faire de moi une petite mascotte en quelques sortes, mais une mascotte qui va faire en sorte de redonner ça aux vrais gens. En même temps j’ai beaucoup accompli pour mon âge, j’en suis conscient. Je suis convaincu que ces gens là à mon âge n’avaient pas accompli encore déjà cela. Ils ont près de 30 ou 40 ans de plus que moi. Je suis content d’avoir réussi à aboutir mon travail sans trop me renier. Je suis un jeune de banlieue parisienne et je viens d’un milieu très difficile, du ghetto français, on peut appeler ça comme ça. Ca n’a pas été facile tous les jours. À partir de là je suis très fier de cette identité-là. En plus que ce soit mon pays d’origine qui me le remette comme ça, ça me touche triplement. Parce que j’ai beau être un acteur français international, je n’ai jamais pu être en couverture de magazine en France. C’est une espèce de justice divine…

Avez-vous joué avec les figurines G.I. JOE lorsque vous étiez enfant ? Et quel effet cela fait-il d’incarner un G.I. JOE en tant qu’adulte ?
J’ai grandi avec, dans l’ordre, Big Jim, Action man, et ensuite G.I. JOE. Et quand G.I. JOE arrive c’est la révolution parce qu’il y a un dessin animé à l’appui. En même temps les jouets sont tellement bien faits qu’on peut les mettre en scène véritablement. Avec l’imagination d’un môme, vous pouvez imaginer les guerres que ça a fait à la maison. Quand j’étais plus jeune, j’ai toujours rêvé d’être un G.I. JOE, ça c’est sûr. Jouer le rôle de Breaker, c’est un peu un rêve de gosse qui se transforme en réalité. C’est un peu « la cerise sur le ghetto » (rires). J’ai pris ça comme un cadeau, surtout que le producteur du film ne m’a même pas fait faire d’essais. Il m’a offert ce rôle comme une récompense, de respect pour mon travail. J’étais flatté. C’est plus un rôle, là, c’est un cadeau. Ça s’est fait très naturellement.

Vous reprenez le rôle de Breaker pour le deuxième volume de G.I. JOE, pouvez-vous nous en dire plus sur les évolutions du rôle ?
Non, je n’ai pas le droit de divulguer des informations, et il y a des satellites américains partout ! (rires). Mais je peux vous dire que nous avons signé pour trois films. Le deux va arriver, ca c’est sûr. Breaker, dans le film, le personnage que je joue est un geek. C’est la première fois dans l’histoire du cinéma mondial qu’il y a un super-héros arabe, maghrébin, en l’occurrence marocain, et ça tu ne peux pas savoir comme cela fait plaisir aux gens de ma communauté. C’est extraordinaire. Et puis en plus il y a eu un jouet du personnage que j’interprète, avec ma tête, donc avec ma tête d’arabe, il y a eu un jeu vidéo. Et ca au niveau de la mémoire collective et de l’identification, c’est très important. Moi j’aurais rêvé avoir un jouet quand j’étais petit avec une tête qui me ressemble. Nous avons souffert quand nous étions jeunes de ne pas trouver des acteurs qui nous ressemblent physiquement dans des rôles positifs. Jamais. Donc nous sommes allés les chercher chez les américains. Pacino, De Niro ils nous ressemblent un peu physiquement, on s’identifie plus à eux qu’à Claude François. Où est notre Denzel Wahington ? Où est notre Morgan Freeman, puisqu’il y a eu des colonies en France et que l’Afrique a été présente, où sont-ils ? Ha, il y a Harry Roselmack après maintes et maintes polémiques a réussi à s’imposer dans le paf. Où sont-ils dans notre pays des droits de l’homme pluriel et culturel extraordinaire ? On parle d’intégration tous les jours mais l’image est le meilleur vecteur d’intégration possible. Où sont-ils ? C’est dû à quoi ? Au manque d’imagination des scénaristes français, à la ségrégation ambiante, au conservatisme ? Ça fait combien de temps qu’on fait partie intégrante de la vie sociale, politique et économique du pays ? On est six millions… Combien de temps, deux-cents ans ?


Incarner des « rôles positifs » a donc été plus facile pour vous aux Etats-Unis ?

En l’espace de sept ans, j’ai accompli aux Etats-Unis ce que je ne pourrais pas faire en une vie ici. Je ne dis pas que l’Amérique est le pays d’Alice au pays des merveilles, je dis juste que l’on juge les compétences là-bas, et là-bas on ne me demande pas qui je suis. On me demande juste « quel est ton talent ? ». Le talent l’emporte sur les origines. On n’est pas près d’avoir un Barrack Obama en France. J’ai envie de dire qu’on a essayé beaucoup de choses pour ces jeunes-là mais on n’a pas essayé l’amour. On a repeint beaucoup  de fois les bâtiments, on a établi des polices de proximité, juste pour gagner quelques voix aux élections politiques, mais on n’a pas essayé l’amour. Le défi de la France, le vrai défi de demain, ça va être de vivre ensemble. On n’a jamais été plus recroquevillés sur nous-mêmes que depuis ces dix dernières années. Même un comique comme Coluche ne pourrait pas exister aujourd’hui. Il se ferait attaquer dans tous les sens Dès qu’il y en a un qui parle des juifs, c’est la guerre, des musulmans, c’est la guerre, tout le monde attend la faute de l’autre pour tirer la couverture vers soi. Je pense que ça a plus d’effet aujourd’hui. Pour un enfant de deux ans ça veut dire quoi un quota ? Ca ne veut rien dire. Mais pour lui, voir des gens qui lui ressemblent physiquement dans des rôles positifs, inconsciemment ça va tellement payer pour lui qu’il va dire « Yes I can ». Donc les questions sur les quotas c’est pour les intellos là-haut, en attendant, nous, on s’adresse à la génération qui vient. Quand j’étais petit, quand je voyais un noir ou un mexicain dans un film qui ressemblait à un arabe, je me foutais du quota. C’était le rôle qu’il avait qui m’intéressait, c’était sa présence. Alors si on n’y arrive pas naturellement par la bonne volonté des êtres, peut-être qu’il faut l’imposer avant que la boule de neige devienne avalanche.

Est-ce important pour vous de jouer des rôles graves, qui questionnent le passé colonial de la France comme dans « Djinns », de Hugues Martin, qui aborde la guerre d’Algérie ?
André Malraux donnait cette définition de l’art « faire prendre conscience à l’homme de la grandeur qu’il ignore en lui ». Et moi je rajoute : « faire prendre conscience à l’homme de l’horreur qu’il ignore en lui ». Aujourd’hui, c’est mon devoir pour ne pas dire mon devoir de mémoire d’accepter ces rôles difficiles. Pour nous rappeler comment c’est pourquoi et comment l’homme peut partir dans la folie. L’oubli c’est être complice de l’horreur. Pour moi c’est d’une clarté absolue qu’il faut faire des films comme « Djinns » ou « Ô Jérusalem. J’ai la chance d’avoir une carrière internationale et de pouvoir passer d’un blockbuster à un film d’auteur, c’est vraiment une chance extraordinaire pour moi. D’avoir été capable de me conjuguer à ce point-là, de passer d’un film 100 % américain à un film 100 % français ou 100% marocain, c’est mon talent pour les langues. Les langues comme tous les freins et les obstacles ne te font que grandir. J’adorerais revenir faire des films en France mais il n’est pas question de redescendre. On n’a toujours pas de couverture de magazine en France, alors que le New-York Times dit de moi que je suis l’acteur français qui a fait le plus de films à l’étranger depuis Maurice Chevalier.

Propos recueillis à Paris, le 3 décembre 2009.

Sortie dvd : Etreintes brisées de Pedro Almodovar

Mercredi 16 décembre 2009

Dans son dernier film, présenté en compétition officielle à Cannes, en mai dernier, Pedro Almodovar retrouve la sensuelle Penelope Cruz (Volver, Tout sur ma mère) et lui fait jouer le rôle d’une … actrice amoureuse. Eros, Thanathos et aussi memnos sont au programme de ces “étreintes brisées”, disponibles en dvd chez Pathé dès le 16 décembre, afin que vous puissiez les glisser dans la hotte de Noël.

Mateo Blanco (Lluis Homar) a changé de nom quand il a perdu la vue. Il s’appelle désormais Harry Caine, est écrivain, et vit le plus souvent enfermé dans son appartement où sa fidèle amie, Judit (Blanca Portillo), et le fils de celle-ci, Diego (Tamar Novas), viennent lui tenir compagnie. Après qu’un mystérieux réalisateur a frappé à la porte de Harry pour lui demander de co-écrire un scénario, Judit est inquiète. Or, elle doit partir loin de Madrid pour affaires. Elle charge donc Diego de veiller sur Harry. Mais les rôles s’inversent quand Diego fait une légère overdose en boîte après avoir bu dans le verre d’un ami. Harry profite de sa convalescence pour lui avouer que quand ils s’appelait Mateo Blanco, il était réalisateur de cinéma, et que l’égérie de son dernier film, quinze ans auparavant, était son plus grand amour. Mais  Lena (Penelope Cruz) était également  la femme d’un très riche et très dangereux homme d’affaires, et l’aventure du réalisateur et de sa muse a eu une fin tragique…

Entouré de SES acteurs (Blanca Portilla, Penelope Cruz, Rossy de Palma pour une brève apparition et l’excellent Lluis Homar, homme de théâtre qu’Amodolvar était déjà allé chercher pour “la mauvaise éducation”), Almodovar signe avec “Etreintes brisées” une jolie réflexion sur le cinéma, dont la conclusion est “Il faut toujours finir un film, même aveugle”. Flash backs de 2008 à 1994, tournage du film dans le film, générique tourné en DV, et jeux de rôles de la piquante Penelope Cruz qui enfile la perruque de Marilyn ou la petite frange de Audrey Hepburn, sont autant de déclarations d’amour de Pedro Almodovar au 7 e art. Mettant en scène une Penelope Cruz résolument fatale, et mêlant amour et mort avec un talent très classique, Almodovar continue de séduire le spectateur. Mais, si la maîtrise technique et psychologique est indéniable,  la folie qui faisait le charme du maître de la movida s’estompe, de film en film, pour laisser place à une gravité un peu nostalgique, et un sérieux qu’il avait si bien su éviter jusqu’à “Tout sur ma mère”.

Dans les bonus du dvd édité par Pathé, ne manquez pas les scènes inédites, le documentaire sur la manière dont Almodovar dirige ses actrices, et l’interview de Penelope Cruz par Laurent Weil.

“Etreintes brisées” (Los abrazos rotos), de Pedro Almodovar, avec Blanca Portilla, Penelope Cruz, Lluis Homar, Tamar Novas, Jose Lluis Gomez, Espagne, 2008, Dvd et blue ray, la jaquette existe en 4 couleurs pop, en hommage à Andy Wharol, Pathé, 19,99 euros.

Pathé propose  également un coffret Almodovar avec “Etreintes brisées”, “Tout sur ma mère”, “Volver”, “La mauvaise éducation” et “Parle avec elle”, 49,99 euros.

Gens de Dublin, le dernier John Huston sur grand écran

Mercredi 16 décembre 2009

Tiré d’une nouvelle de James Joyce, « Gens de Dublin » le dernier film de John Huston (1987) ressort en salles mercredi 16 décembre.

Inspiré par la nouvelle « The dead », de James Joyce, le testament du réalisateur du « Faucon Maltais », de la « Nuit de l’iguane » et de « L’homme qui voulut être roi » est un drame intimiste qui dépeint l’atmosphère d’un dîner de Noël mondain dans une famille éduquée tentant de sublimer ses moyens financiers limités dans des séances nostalgiques de piano, de chant et de discussions sur l’opéra. Derrière les bonnes manières, la misère matérielle et psychologique transparaît à travers un personnage d’ivrogne et les souvenirs personnels douloureux de deux figures féminines du film, dont Angelica Huston ( la fille du réalisateur), que la caméra de Huston poursuit loin du dîner jusque dans le cocon de son foyer pour qu’elle raconte la mort tragique d’un amour de jeunesse.

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Filmant « Gens de Dublin » depuis un fauteuil roulant, Huston trouve encore la force de mettre son art au service de l’atmosphère. Dans le cocon un peu vieilli de couleurs et de matières couleur de rouille et d’automne, l’ennui désenchanté de cette ville de province européenne qu’est Dublin à la Belle époque imprègne et empèse chaque mouvement des personnages. Cette force du film, si fidèle au texte de Joyce, est aussi son talon d’Achille : au sens propre, dans « gens de Dublin », il ne se passe rien. Ni scandale, ni passion, ni meurtre. Seulement le long souffle glacé de l’hiver sur les cendres de vies qui nous sont, en fait, complètement indifférentes. Et sur grand écran, ce vide n’est pas forcément facile à suivre….

« Gens de Dublin » de John Huston, avec Angelica Huston, Donal McCann, Cathleen Delany, Helena Carroll, 1987, 84 minutes, (re)sortie en salle le 16 décembre.

Le Soliste : du best-seller au film

Mercredi 16 décembre 2009

Joe Wright (« Orgueils et préjugés ») adapte le best-seller du journaliste du Los Angeles Times, Steve Ayers, « Le soliste », sur sa rencontre avec un sans-abri aux dons musicaux incroyables. Une histoire d’amitié hors des sentiers battus dans la cité des anges comme vous ne l’avez jamais vue.

En charge d’une chronique pour le Los Angeles Times alors en crise, Steve Lopez est à la recherche d’un nouveau sujet. C’est alors qu’il rencontre devant une statue de Beethoven un sans-abri sympathique, et jouant du violon sur un instrument où il ne reste plus que deux cordes : Nathaniel Ayers. Même si le discours de Nathaniel est très haché, celui-ci  a laissé échapper qu’il a un jour étudié à la prestigieuse Julliard School de New-York. Après vérification, Steve Lopez fait de Nathaniel Ayers le héros de sa chronique. Celui-ci était violoncelliste et s’apprêtait à en faire sa carrière, lorsqu’une crise de schizophrénie l’a forcé à quitter l’université. L’histoire du clochard musicien passionne les lecteurs du Los Angeles Times qui envoient leurs témoignages de sympathie et aussi un instrument flambant neuf pour Nathaniel. De son côté, l’ours solitaire Lopez est de plus en plus attaché à son nouveau sujet. Mais quelle que soit la force de l’amitié, il est bien difficile de lutter contre la folie qui peut d’un moment à l’autre rendre le doux Nathaniel très agressif.

Extrait d’une histoire vraie et terriblement touchante, « Le soliste » se montre à la hauteur de l’amitié extraordinaire née entre un journaliste en fin de course et un génie de la musique désarçonné. Ne lésinant pas sur les belles images, ni sur l’appel à Beethoven pour émouvoir son public, Joe Wright montre avec empathie un visage peu connu de Los Angeles : celui de la pauvreté désarmée et pas toujours dénuée de tendresse humaine des sans-abris. Il a engagé des acteurs non-professionnels pour tenir leur propre rôle dans cette cour des miracles contemporaine. Si en prodige abîmé par la vie Jamie Foxx (oscarisé pour son rôle dans « Ray ») est extrêmement décevant, Robert Downey JR. transmue son personnage pour faire de Steve Lopez le caractère le plus fort du film. A voir en famille, en couple ou même seul pour se rappeler que le talent, tout comme l’amitié, ne choisissent pas toujours les autoroutes des conventions.

« Le soliste », de Joe Wright, avec Jamie Foxx, Robert Downey JR., Catherine Keener, Tom Hollander, et LisaGay Hamilton, d’après les chroniques et les roman de Steve Lopez, U.S.A., 2009, 1h57, sortie le 23 décembre 2009.

Les barons, un chouia paresseux mais tellement attendrissants

Mercredi 16 décembre 2009

Avec « les barons », Nabil Ben Yadir nous emmène sans chichi dans le quotidien d’une bande d’amis d’un quartier musulman de Bruxelles. Hassan, Mounir, et Aziz ont un sacré poil dans la main, mais forment un gang tellement gentil qu’on ne peut que se laisser séduire. Un prix du jury bien mérité au festival du film de Marrakech.

Hassan (Nader Boussandel) veut être humoriste, mais il n’ose rien en dire à son père, homme charismatique émigré en Belgique pour travailler dur comme chauffeur de bus. En attendant, alors qu’il frôle la trentaine, le fils prodigue traîne aux côtés de ses deux amis du quartier avec lesquels ils forment le gang des barons. Les barons ne fument pas, ne boivent pas, et ne dealent pas. Ils se contentent de pointer au chômage et de végéter littéralement sur l’étalage de fruits du seul commerçant belge pur sucre du quartier qui les adore, même s’il se rend bien compte que ce n’est pas avec des jeunes aussi peu ambitieux que la Belgique pourra« reconquérir le Congo ». Les barons ont plusieurs atouts : une amitié plus dure que fer, le luxe d’une BMW achetée… à 8, et aussi une philosophie de vie : chacun aurait un nombre de pas comptés dans la vie, aussi essaient-ils de garder leurs baskets immaculées et ils marchent le moins possible. Jusqu’au jour où le père de Hassan se retrouve à l’hôpital. Bon fils, Hassan se décide alors à faire plaisir à son père et devenir chauffeur de bus. Mais son père désire également qu’il épouse une jeune femme musulmane de bonne famille. Or, pour Hassan, il n’est pas facile de renoncer à la femme qu’il aime,  la très libre Malika (Amelle Chahbi), sœur de son pote Malik et journaliste indépendante qui a réussi à sortir du quartier pour percer au niveau national…

Drôle, tendre, et enveloppant tous les clichés d’une gangue d’impertinence, « les barons » est une divine surprise. Avec très peu de moyens, Nabil Ben Yadir sait donner un rythme et un ton extrêmement originaux à un film qui parvient à dépasser le communautarisme sans tomber dans les trop bons sentiments. Et l’on partage effectivement les affres du passage à l’âge adulte avec les personnages, nés en Belgique ,mais encore à cheval sur des principes venus de pères respectés et redoutés. Les barons, c’est un peu comme une version beur et belge des chtis. Mais réussie ! Parce que les dialogues sont bons, le comique pas toujours de répétition, et que le  film sait aussi montrer les complexités cachées derrière le joli message : « nous sommes tous faits pour nous aimer et nous entendre ».

« Les barons », de Nabil Ben Yadir, avec Nader Boussandel, Mourade Zeguendi, Mounir Ait Hamou, Amelle Chahbi, Edouard Baer, Virginie Efira, Fellag, Bouba et Jean-Luc Couchard, Belgique/France, 2008, 1h51, sortie le 20 janvier.

Juliette Greco habille d’émotion l’Opéra Royal de Versailles

Mercredi 16 décembre 2009

Compte rendu d’une aventure merveilleuse. Sous mon couvre-chef de directrice des affaires culturelles d’en3mots, notre boîte de com familiale, j’ai eu l’insigne honneur de piloter une opération pour les spectacles du château de Versailles. Une soirée bouleversante sous l’oeil de biche de Juliette Greco, agrémentée des fastes de Versailles et de très belles rencontres avec des collègues qui aiment partager leurs enthousiasmes.

Rénové et enfin ouvert au grand public depuis le 10 décembre dernier, l’Opéra Royal de Versailles a accueilli hier soir l’éternelle jolie môme. Une tranche de vie qui inaugure une saison exceptionnelle dans une salle dont on n’a pas fini de parler.

Lundi 14 décembre, Château de Versailles Spectacle avait convié une dizaine de bloggers à venir découvrir un lieu mythique désormais ouvert à tous : l’Opéra Royal. La boîte à sorties a eu le bonheur de partager ce moment de grâce.

Passer les grilles de Versailles la nuit, et avoir l’impression d’avoir le château pour soi est une expérience magique que ceux et celles qui ont assisté aux grandes eaux estivales peuvent imaginer. Et entrer dans l’enceinte du château pour se rendre dans l’Opéra, auparavant destiné uniquement aux chefs d’Etat est un évènement absolument unique. Le temps semble n’avoir eu aucune prise sur la salle imaginée par Ange Jacques Gabriel en 1770 pour que Louis XV puisse à la fois écouter de la musique et danser (c’était aussi une salle de bal).

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De même, le temps semble avoir glissé sur Juliette Greco qui donnait un concert exceptionnel, accompagnée de son mari et pianiste (également accompagnateur et co-auteur de chansons de Jacques Brel), Gérard Jouannest et de l’accordéoniste Jean-Louis Matinier. Terriblement libre, derrière sa silhouette filiforme et ses yeux de biche rieurs, et la voix suave encore toute présente après 60 ans de carrière, la muse de Brel et Gainsbourg a bouleversé son public.

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Toute de velours vêtue, elle a su mêler des classiques de son répertoire (« Une petit poisson, un petit oiseau », « Jolie Môme », et surtout reprise mutine et drôle de « Déshabillez-moi »), des titres appartenant au panthéon de la chanson française (exceptionnelle reprise de « J’arrive » de Brel, de la « chanson des vieux amants », de « Bruxelles », et en final de « Ne me quitte pas », troublante interprétation d’ « Avec le temps » de Ferré, et toujours sensuelle version de « La Javanaise »), et des chansons que de jeunes talents comme Abd Al Malik ou Olivia Ruiz ont écrites pour son dernier album, « Je me souviens de tout ».

Aussi généreuse qu’élégante, Juliette Greco aime son public et lui fait savoir ; elle lui parle, elle rit, elle s’engage (notamment dans la chanson « Train de nuit »), et surtout elle vit ses chansons avec nous. Ses mains, fascinantes, tourbillonnent, et miment chaque mot prononcé, dans la plus pure tradition de la chanson réaliste. On aurait envie de dire que l’entendre chanter du Brel sur les accords originaux de Jouannest est un moment d’histoire. Mais Greco est trop présente pour qu’on ose conjuguer l’émotion au passé. Tout se passe comme si le temps s’arrêtait. Il n’y a plus que la force des mots reflétés dans les stucs et les glaces baroques de l’Opéra royal et sur les touches nacrées du piano de son mari.

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Après le petit moment de flottement qui suit la standing ovation, et juste le temps de se rappeler chacun ce que dans nos vies les mots chantés par Greco ont pu avoir de poids, nous nous retrouvons autour d’une coupe de champagne, dans la majestueuse salle d’entrée de l’Opéra, pour échanger nos impressions. Celles-ci sont difficiles à exprimer, mais nous sommes tous conscients d’avoir partagé un moment dont nous nous souviendrons. C’est alors que le directeur de Château de Versailles-Spectacles nous offre de voir les coulisses de l’Opéra. Nous apprenons avec étonnement que ce lieu si intime contient en fait jusqu’à 640 personnes (toute une cour, donc), et que le trompe l’œil baroque a bien plus de profondeur que ce que l’on pourrait croire. Nous voyons la salle vide sous tous les angles, passons derrière les coulisses, et plongeons au quatrième sous-sol pour nous rendre compte que le ventre de l’opéra est un immense et solide bateau de bois.

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Avant de quitter Versailles nous passons dans la chapelle royale, bijou XVIIIème où certains concerts auront lieu en 2010, notamment le « God is sound » de Camille, une autre grande jeune-fille de la chanson française, les 3 et 4 février.L’expérience d’un concert à l’Opéra de Versailles est un moment magique et désormais possible pour tous et toutes l’année. Pour en savoir plus sur le programme, rendez-vous sur le site de Château de Versailles-Spectacles.

Et voici les articles des autres plumes présentes à cet évènement exceptionnel :

Frédéric Vignale pour le Mague.

Ophélie Meunier pour elle.fr.

Laurence Vely pour menstyle.fr