Livres : les bonnes nouvelles d’un jeune canadien en colère
Encensé par des critiques aussi pointilleux que Joyce Carol Oates et Joseph Boyden, le jeune auteur canadien Nathan Sellyn frappe fort avec son recueil de nouvelles : « Les caractéristiques de l’espèce ». Une comédie humaine très noire, où la violence se tapit parfois là où on l’attend le moins.
Un homme qui se venge d’un dealer dont les produits ont tué une ravissante jeune-fille, un époux aussi amoureux qu’agressif, un jeune handicapé portant un casque, un homosexuel à peine sorti du placard, un couple qui s’est raté et se revoit, un employé témoin du suicide d’un client chez home dépôt, un trentenaire fréquentant les bars de strip-tease, un couple brisé par une soirée d’échangisme, un nouveau père très lâche, des secrets de famille, et enfin une fiancée qui décide de poursuivre jusqu’au bout un jeu de télé-réalité sont les sujets très actuels de recueil de nouvelles de Nathan Sellyn. L’auteur éclaire dans la nature humaine tout ce qu’elle a de mesquin, de 7 à 77 ans, et montre comment nos sociétés encouragent souvent de manière feutrée une violence quasi-biologique. Même si certains personnages demeurent attachants (le mari trompé, l’homo tabassé etc…) le lecteur sort de la traversée des narrations de Sellyn convaincu que la « civilisation des mœurs » et le politiquement correct ne sont qu’un vernis, d’autant plus hypocrites qu’ils nous font oublier combien l’humain, est, jusque dans son suicide, un animal qui griffe, mort et tue quand il se sent en danger. Mêlant l’universel de la poésie et de l’observation juste, à la précision de la critique sociale, Sellyn est en effet un grand auteur désenchanté.
Nathan Sellyn, “Les caractéristiques de l’espèce, nouvelles”, trad. Judith Roze, Albin Michel, Collection « Terres d’Amérique », 17 euros.
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