Archive pour octobre 2009

De la bouche des enfants

Vendredi 30 octobre 2009

Le roman de Robert Neumann publié en 1946 à Londres pour dénoncer la misère et le manque de repères des enfants de Vienne dans l’immédiat Après-guerre est enfin disponible en Français chez Liana Levi. “Les enfants de Vienne” plonge le lecteur dans la vie d’un groupe d’enfants livrés à eux-mêmes et survivant de marché noir dans une cave de la capitale autrichienne occupée. Leur vocabulaire encore teinté d’expressions nazies, d’argot viennois et de mots anglais empruntés à l’occupant, est un sabir aussi fascinant que difforme.

“Plus fort que les enfants qui racontent les guerres / Et plus fort que les grands qui nous les ont fait faire.” (J. Brel)

Yid l’intello débrouillard du groupe a 13 ans, mais est déjà sans âge. Goy a 16 ans est est sorti d’un camp pour personnes déplacées. Eva, 15 ans, fait un peu le tapin pour gagner sa vie. Ate, ancienne chef des jeunesses hitlériennes suit le mouvement. Ils sont responsable d’une petite fille au ventre grossi par la faim et vivent tous dans la cave d’une maison à moitié détruite qui appartenait aux parents de Curls, 9 ans. Chez ces enfants affamés, sans plus aucun repère moral, tout se compte en nombre de cigarettes, chaque objet de qualité est décrit comme supérieur à ce que Staline peut lui-même utiliser, et les mots viennent enfler une réalité faite de misère, d’incompréhension et d’un désordre qui ne laisse pas même place à la peur. Que les gosses aient leurs propres toilettes est une richesse incroyable. Un révérend noir venu du plus profond de l’Amérique vient transformer la vie du groupe. Lui qui parle mal leur langue, et ose à peine aborder la question de Dieu quand il perçoit leur désarroi, leur propose le concret de vrais petits pains tartinés, et le rêve d’une fuite en Suisse, brisé par ses supérieurs. Renvoyés à leur vie vagabonde pour sauver leur bienfaiteur, les enfants sont dénoncés par la trop zélée Ate, et se trouvent dispersés par les occupants russes. Génération sacrifiée, ils disparaissent dans les méandres d’une Histoire faucheuse, laissant derrière eux dans la cave désertée deux cadavres.

Parodiste viennois reconnu par ses pairs (parmi lesquels Hermann Broch), Robert Neumann (1897-1975) a mis sa plume au service de ces enfants perdus, ces Trümmerkinder livrés  à eux-mêmes, à la misère et à la faim dans un monde où les adultes sont trop occupés à panser leurs propres plaies pour jouer leur rôle, même un minimum. Neumann a utilisé ses dons d’imitateur pour sonder très exactement la langue dans laquelle ces gosses perdus s’expriment, une langue post tertium imperii, où les poèmes de Goethe s’évanouissent en leur fin pour devenir des hymnes nazis et où l’argot américain vient se nicher au cœur de l’Allemand. La traduction française de Nicole Casanova, établie à partir du texte Allemand très mal reçu par l’Autriche de la fin des années 1940, parvient à faire sentir ce mélange angoissant des registres. Soixante ans après, la légèreté apparente des grandes diatribes décousues de Yid ont parfois un réalisme plus profond et plus dur que les images de Rosselini dans les décombres véritables de Berlin à l’année zéro pour décrire le même quotidien de vol et de marché noir et le même abysse d’absence totale d’autorité. La guerre et ses conséquences décrites par un enfant, est un morceau de tristesse pure, difficile à mâcher et pourtant éternellement jeune et vivant, ce qui permet de ne pas oublier.

Robert Neumann, “Les enfants de vienne”, trad. Nicole Casanova, Liana Levi, 260 p., 21 euros.

“C‘est pire avec le Yid boy. Il venait juste de jacasser comme un singe et il n’y a rien qu’il ne sache question sandwiches, fromage par-ci et jambon par-là, mais maintenant qu’il en tient un entre les mains, on voit qu’il s’est seulement vanté e que tout ce qu’il a dit n’est rien, rien que de la fumée. Il tient son pain tartiné d’un chouette beurre et une tranche épaisse de chouette pâté de langue plaquée dessus, et il le tient et il le regarde fixement. Plus de jacasserie, il est soudain stoppé et il reste debout et il regarde fixement. Un moment on aurait cru qu’il allait vomir. Son visage tendu. Son visage décomposé. Son visage comme déchiré en morceaux. Il ne peut pas se décider à fourrer le pain dans ce visage!” p. 81

Les herbes folles, le nouveau Resnais

Vendredi 30 octobre 2009

L’immense Resnais abandonne la comédie musicale et revient à l’adaptation littéraire avec ce film tiré du roman de Chistian Gailly, “L’incident” (Editions de Minuit). Dans “Les herbes folles”, le public retrouve Dussolier et Azéma dans une suite très psychologique d’actes irrationnels.

Dentiste et aussi aviatrice, Marguerite Muir (Sabine Azéma) se fait voler son sac en allant acheter des chaussure dans un magasin des galeries du Palais Royal. Peu après, dans un parking de centre commercial de banlieue, Georges Palet (André Dussolier) retrouve le porte monnaie de Mademoiselle Muir. Il le confie à un agent de police (énorme Mathieu Amalric). Le coup de fil de Marguerite pour remercier un Georges désoccupé mais très bien marié (le rôle de la femme étant tenu par l’étoile montante du cinéma français, nne Consigny) entraîne une relation non-sexuelle et complétement obsessionnelle.

Affiche  signée Blutch, titre sublime, casting bouleversant (Azéma en éternelle rousse éméchée, Dussolier en psychopathe qui retient ses envies de meurtre, Anne Consigny, Emmanuelle Devos dans son rôle favori de bourgeoise, Matthieu Amalric, Michel Vuillermoz, apparitions de Nicolas Duvauchelle, Sara Forestier ainsi qu’Annie Cordy et même Edouard Baer pour la voix off), parfaite distance au texte de Gailly qui voulait surtout que Resnais lui fiche la paix et lui laisse écrire son roman suivant, “Les herbes folles” est un film fin, aux plan léchés, aux flash backs chorégraphiés et à la psychologie fine. Le film est moins facile d’accès que “On connaît la chanson” ou “Smoking no smoking” et renoue avec l’absurde très littéraire de “La vie est un roman” (1983) ; l’apprécierdemande une certaine patience et le goût du détail, mais tout ceci réjouira les fans d’Alain Resnais.


Les Herbes folles Bande Annonce du film
envoyé par LE-PETIT-BULLETIN. – Les dernières bandes annonces en ligne.

“Les herbes folles”, d’Alain Resnais, avec André Dussolier, Sabine Azéma, Anne Consigny, Emmanuelle Devos, Matthieu Amalric, Michel Vuillermoz, Nicolas Duvauchelle, Sara Forestier, et Annie Cordy, 2009, 1h44, sortie le 4 novembre.

Expo Benjamin Fondane au Mémorial de la Shoah

Vendredi 30 octobre 2009

A l’occasion d’une belle exposition littéraire et dont l’entrée et libre, le mémorial de la Shoah invite à découvrir le monde de Benjamin Fondane, poète et philosophe roumain arrivé à Paris au début des années 1920, très actif dans les milieux d’avant-garde, aux marges du surréalisme, et dont la préface en prose au recueil “L’exode”  (1942) pourrait servir de testament à tout poète juif assassiné.

Un livre n’est pas seulement une attitude, c’est une preuve d’amour.”
“Toute activité humaine, et fût-ce celle du commerce, est un cercle artificiel que l’on a tracé autour de soi, avec le ferme dessein de ne pas le franchir. Oui l’anarchie est chose réelle, mais non point ‘naturelle’ à l’homme pressé qu’il est de trouver au plus vite un cercle et de s’y tenir.”
B.F.

Dans une petite rue près de la place monge, à deux pas de la maison où habitait Hemingway, on trouve une plaque dédiée à Benjamin Fondane, déporté depuis son appartement qu’il n’a pas voulu quitter et assassiné à Auschwitz avec sa sœur.  Jusqu’à aujourd’hui le public parisien a peu entendu parler de Fondane, dont l”héritage est gardé par une  société d’étude réunissant derrière sa biographe, Monique Jutrin, un cercle de mordus de sa poésie “irrésignée”. Que ces fans érudits permettent à un large public de découvrir son œuvre et sa vie est donc une grande et bonne nouvelle.

Portrait de Benjamin Fondane par Man Ray

Portrait de Benjamin Fondane par Man Ray

Benjamin Wechsler (c’est son nom originel) émigre volontairement de Jassy (Moldavie) vers Paris où il arrive en 1923, à l’âge de 25 ans, avec un nom de plume Fundoianu (nom d’un domaine proche du lieu où habitaient ses grands-parents) qu’il francise en « Fondane ». Il a déjà commencé à publier des poèmes  dès l’âge de 14 ans, et a fondé en Roumanie le théâtre Insula avec sa sœur actrice et son beau-frère qui deviendra plus tard le directeur du Théâtre des Champs-Elysées. Il est envoyé en France comme correspondant de la revue roumaine Integral.

Fondane aime la langue française avec violence et consacre à la fin de sa vie deux essais aux poètes Rimbaud et Baudelaire. Fasciné par la capitale française, il dit n’avoir pas écrit un seul poème lors de ses quatre premières années à Paris. L’émigré roumain fréquente les avant-gardes dadas (et a laissé une correspondance avec Tristan Tzara) et surréalistes; mais ces derniers le déçoivent et il demeure proche de surréalistes marginaux comme le photographe Man Ray qui illustre ses ciné-poèmes, le poète Joë Bousquet, et le peintre Victor Brauner, un autre exilé roumain .

On peut découvrir le superbe portrait de Fondane par Brauner à l’epxosition du mémorial :

Touche à tout génial, Benjamin Fondane travaille pour les studios Paramount comme scénariste et participe au film de Kirsanoff  tiré d’un roman de Ramuz : “Rapt”. Lors de son deuxième voyage en Argentine, en 1936, sur une invitation de Victoria Ocampo, il réalise son propre film : “Tararira”.

Si Fondane est aujourd’hui principalement connu comme un poète ayant transposé la figure d’Ulysse à l’errance juive à travers ses recueils”Ulysse” (1933), “Titanic” (1937), “Le mal des fantômes” et “L’exode” (tous deux posthumes), il a aussi été philosophe. En tant que disciple de Léon Chestov, Fondane s’est posé la question omniprésente des dangers de la raison et du “désenchantement du monde”, ce qu’il a évoqué dans ses essais, “L’homme devant l’histoire”, “La conscience malheureuse”, “Le lundi existentiel et le dimanche de l’histoire”, et “Baudelaire ou l’experience du gouffre” où Fondane dévoile la “soudaine vision que (ses) convictions les plus fermes, les plus assurées – étaient sans fondement et qu’il fallait, sans le pouvoir cependant, renoncer à elles, qu’on était soumis à une espèce d’envoûtement et que le monde est inexplicable sans l’hypothèse de cet envoûtement”.

Non contente de familiariser son public avec l’oeuvre de Fondane, l’exposition permet de mieux connaître les cercles dans lesquels il évoluait, et tout visiteur féru d’histoire intellectuelle et artistique de l’Entre-deux-guerre se trouve en terrain familier.

Benjamin Fondane, poète, essayiste, cinéaste et philosophe“, jusqu’au 31 janvier, Mémorial de la Shoah, tljs sauf samedi 10h-18h, 17, rue Geoffroy l’Asnier, Paris 4e, m° Saint-Paul ou Pont Marie, entrée livre. Visites guidées gratuites les 5 novembre, 19 novembre, et 17 décembre à 19h30.

Une journée de lectures de poèmes de Fondane par Daniel Mesguich en présence de l’immense Claude Vigée est prévue le 3 décembre. Réservez vos places en ligne.

A la librairie du musée, foncez acheter la version Verdier poche du recueil “Le mal des fantômes” (qui contient aussi Ulysse et l’exode) et est préfacée par Henri Meschonnic.

Enfin, à partir du 10 novembre, le mémorial propose une exposition sur Hélène Berr.

“Oui, j’ai été un homme comme les autres hommes,
nourri de pain, de rêve, de désespoir. Eh oui,
j’ai aimé, j’ai pleuré, j’ai haï, j’ai souffert,
j’ai acheté des fleurs et je n’ai pas toujours
payé mon terme.

[…]

J’ai lu comme vous tous les journaux tous les bouquins,
et je n’ai rien compris au monde
et je n’ai rien compris à l’homme,
bien qu’il me soit souvent arrivé d’affirmer le contraire.
Et quand la mort, la mort est venue, peut-être
ai-je prétendu savoir ce qu’elle était mais vrai,
je puis vous le dire à cette heure,
elle est entrée toute en mes yeux étonnés,
étonnés de si peu comprendre –
¬avez-vous mieux compris que moi?

Et pourtant, non!
je n’étais pas un homme comme vous.
Vous n’êtes pas nés sur les routes,
personne n’a jeté à l’égout vos petits
comme des chats encore sans yeux,
vous n’avez pas erré de cité en cité
traqués par les polices,
vous n’avez pas connu les désastres à l’aube,
les wagons de bestiaux
et le sanglot amer de l’humiliation,
accusés d’un délit que vous n’avez pas fait,
d’un meurtre dont il manque encore le cadavre,
changeant de nom et de visage,
pour ne pas emporter un nom qu’on a hué
un visage qui avait servi à tout le monde
de crachoir!

Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux. Il ne demande
rien! Oubliez-le, oubliez-le! Ce n’est
qu’un cri, qu’on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sera périmée,
souvenez-vous seulement que j’étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j’avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie,

un visage d’homme, tout simplement!”

Préface en Prose, 1942

Transition

Jeudi 29 octobre 2009

Back to a very parisian life after a last new-york intermezzo. Art fairs and long nights at the baron, the néo, or tonight, the magnifique, bumping into nightowls I had not seen in ages, many press projections, and sometimes, to keep in touch with my old american habits I am attending an opera alone. The last cd by Benjamin Biolay is out, overall disapointing, but I listen to “ton héritage” walking in Paris by night with my new wonderful high boots. The sun is there, and I love working with my brother. A few good scenes : friday, at maison rouge, one of the employee was happy to actually see someone at the press opening (9 in the morning) and tried to talk to me. Obviously he was not in charge of the conceptualization of the exhibit about a veru very referential revolutionnary artist from the 60′, cause he spent ten good minutes asking what I thought about what was shown (which I loved) and rolling his eyes to tell me  the previous exhibit about comics was soooo much better. Yesterday, Michael and I met a movie freak who would complain that movies are no events but a cross, a two hours long prison, and that you should not talk about it unless you are officially hired by “les cahiers du cinéma” but still wanted to talk with us for one hour and a half about the services in event planning and blogger relations we had to offer… The best was when he told my brother how much he paid each he mail his institution sent. For this price, the message could be delivered by the french version of Fedex 🙂

Découvrez la playlist November avec Benjamin Biolay

Expo : Jean-Jacques Lebel à Maison Rouge

Samedi 24 octobre 2009

La fondation Antoine de Galbert vernit ce soir jusqu’à 19h une exposition consacré à un touche à tout ultra savant et très doué. Plasticien protéiforme, Jean-Jacques Lebel prône une révolution individuelle, ce qui ne l’empêche pas de  montrer autour et dans ses compositions  l’immense palimpseste qui les a inspirées.

Jean-Jacques Lebel est  un plasticien qui travaille sur de nombreux supports : tableaux, photos, vidéos, installations, et sculptures. Des happenings l’ont également rendu célèbre dans les années 1960, notamment lors du festival Polyphonix. L’exposition “Soulèvements” met en lumière un touche-à-tout de génie, qui prône une révolution partant de l’individu et se met en scène dans les objets d’art qu’il a collectionnés, si bien qu’on a souvent l’impression d’être devant une grande vitrine multi-référentielle qui fait penser au bureau d’André Masson.

Pour Jean-Jacques Lebel ” toute exposition est une barricade”, si bien qu’il est logique d’entrer  dans “Soulèvements” par un long couloir  dédié aux barricades révolutionnaires. Au plafond de ce couloir, Lebel a suspendu une sculpture de marteaux et de sacs à main. Sur les murs de cette section consacrée à l’art de la barricade, on trouve de nombreuses références à la Commune de Paris et à Mai 68. Et sur les murs, on peut voir des œuvres aussi rares et précieuses qu’un autoportrait de Louise Michel, ou une gravure consacrée à la Commune signée Gustave Doré. Après avoir passé une grande vitrine où des Mickey pop siègent aux côtés de sculptures africaines, on entre dans le panthéon de Lebel. La “poésie visuelle” qui a inspiré l’artiste comprend aussi bien des artistes dada et surréalistes (Duchamp, Picabia, Ghérasim Luca..), que de grands poètes (Hugo, Rimbaud, Baudelaire, dont on peut voir deux esquisses, Apollinaire…), ou encore de superbes masques africains qui ont inspiré à Lebel son art de la métamorphose. A côté d’une statue de la liberté qui tient des tables sur lesquelles est gravé “Rose Selavy”, l’installation “Les avatars de venus” transmue sur quatre  écrans un chef d’œuvre classique de l’histoire de l’art représentant la déesse en un autre. Il y a un mystère dans le passé et se positionner par rapport à ce mystère permet la création. La section l'”énigme”  tourne autour de ce mystère quand elle place le visiteur face à un superbe double portrait de Füsssli, puis face à un Brauner. Elle le prépare doucement à se confronter à la deuxième installation de Lebel : un grand mur fait de douilles d’obus sculptées (souvent dans un style art nouveau) par les poilus de la Première Guerre.

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La salle suivante propose une porte que l’on peur ouvrir ou non et qui semble donner sur une chose belle et dangereuse. A côté de cette porte mystère, de belles gravures de George Grosz et de Abel Pinay, font office de vestibule à la déclaration d’amour de Lebel pour Dada. Dans “Dada soulève tout”, on trouve une reproduction du fameux cliché signé par Man Ray du groupe fondé par Tristan Tzara (1921). Après cette longue page d’histoire, ce sont les années 1960 que Lebel a vécues et auxquelles il a participées qui sont évoquées, notamment à travers des photos des happenings qu’il a organisés : “L’enterrement de la chose”, “120 minutes dédiées au divin marquis”, ou encore, “Déchirex”.

La salle suivante montre les carnets de notes très colorés et emplis de collages de l’artiste. Elle ouvre sur la gauche sur sa troisième grande installation : un hommage à Deleuze et Guattari et à leur concept de rhizome. Elle avait été exposée en 1994, lors de l’hommage “Hors limites”. Autour de cette grande voiture revue et corrigée pour évoquer le rhizome, on trouve des œuvres de contemporains et collègues de Lebel : Erro, Carmen Calvo, Takis, Jonas Mekas (qui a réalisé le portrait de Lebel), Nam June Paik, Jean Tinguely, Alain Fleischer, Yoko Ono, Asger Jorn, Jacques Monory et bien d’autres …

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La quatrième grande installation de Lebel est une réflexion sur Eros que l’artiste présente après Parménide comme “le premier de tous le dieux, celui qui fut songé”. Le “reliquaire pour le culte de Venus” de Lebel juxtapose des photos de belles femmes dénudées patiemments encadrées dans du bois visible. Leur agencement laisse lire le mot : “Nu”.

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Enfin, au sous-sol de la maison rouge, Lebel rend hommage au poète et dramaturge Antonin Artaud. Des clichés du Momo interné à l’hôpital psychiatrique de Rodez sont accrochés aux murs et Lebel a reproduit l’installation qu’il avait proposée à Düsseldorf en 2000, lors d’un hommage à Artaud : la chambre de l’hôpital d’Artaud est reproduite. L’on peut voir la machine à électrochocs et on peut entendre l’auteur dire son texte “Les malades et les médecins”.

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Extrêmement référentielle, l’expo “Soulèvements” invite à voir des objets rares et à  (re)découvrir un révolutionnaire de génie. A voir d’urgence.

“Jean-Jacques Lebel, Soulèvements”, jusqu’au 17 janvier 2010, Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert, 10 bd de la Bastille, Paris 10e, m° Bastille, Quai de la râpée, 7 euros (TR 5 euros).

Vernissage samedi 24 octobre 14h-19h.

Cinéma : le concert de Radu Mihaileanu

Vendredi 23 octobre 2009

Le nouveau film du réalisateur de “Va, vis deviens…” a déjà fait grand bruit avec une retransmission en direct vendredi 23 octobre de la première au théâtre du Châtelet projetée dans de nombreuses salles de France, dont le Gaumont Opéra et le Gaumont Convention. Samedi 24 octobre, à 10h30, une deuxième avant-première est prévue au Saint-Germain des Près, en présence du réalisateur. Pour gagnez vos places envoyez vos noms à leconcert-ap@europacorp.com.

« Quand la musique pleure, c’est l’humanité, c’est la nature entière qui pleure avec elle. A vrai dire elle n’introduit pas ces sentiments en nous, elle nous introduit plutôt en eux, comme des passants que l’on pousserait dans une danse. » Henri Bergson

Andrei Filipov (irrésistible Alexei Guskov) était à l’époque de Brejnev le chef d’orchestre du Bolchoï. Parce qu’il a refusé de renvoyer les musiciens juifs de son orchestre, il a été interrompu en plein concert par le camarade qui dirigeait l’administration de l’orchestre, Ivan Gavrilov, alors qu’il exécutait une œuvre qu’il avait répétée jusqu’à la rendre parfaite : le concerto pour violon de Tchaïkovski. Trente ans plus tard, Filipov est … balayeur au Bolchoï et intercepte un fax d’invitation de l’orchestre par le Théâtre du Châtelet. Il rappelle alors ses anciens compagnons – y compris Gavrilov comme impresario- et se lance dans une aventure impossible : se faire passer pour l’orchestre du Bolchoï et finalement jouer ce concerto de Tchaïkovski  à la perfection avec comme soliste l’illustre jeune et belle Anne-Marie Jacquet (Mélanie Laurent). Mais trente ans loin des instruments a laissé l’ancien fleuron de la musique russe un peu rouillé…

Malgré certains clichés et un irréalisme prononcé, ou peut-être grâce à ce parti pris, Radu Mihaileanu signe une fable enchanteresse, où la Russie soviétique, la Russie contemporaine et le milieu engoncé du classique français s’entrechoquent avec harmonie. L’épopée de l’orchestre de bras cassés, tous reconvertis dans des petits boulots pas très glorieux, vers un Paris qui garde l’aura qu’avait la capitale il y a  plus d’un siècle est jubilatoire. Le Français suranné et trop poli de l’impresario qui croit encore à la révolution est un bonheur, les roulements slaves de yeux de Filipov, et son lyrisme à propos de la musique quand il a un peu trop bu sont rafraîchissants. Enfin et surtout, personne n’interrompt le projet fou du chef d’orchestre-balayeur, comme si, quelque part dans le monde, il existait des gens qui croyaient encore qu’un raté peut, à tout âge, revenir au sommet. A partir du moment où la troupe arrive en France, le public français n’est plus dépaysé, puisque la toujours parfaite Mélanie Laurent éclaire l’écran de son sourire désormais familier et que l’on retrouve de grands acteurs bien de chez nous dans les seconds rôles tragiques (Miou-Miou) et comiques (Berléand en directeur du Châtelet, et Lionel Abelanski en sous-fifre et souffre-douleur de ce dernier).

Parce qu’il parvient à nous faire rêver et à nous emplir de nostalgie et d’empathie, on pardonne tout à Mihaileanu, même ses plans ratés et ses litres d’émotion impudique (il faut bien dire que les flash-backs pendant le concert de come-back sur la violoniste juive morte de froid et de folie au goulag sont simplement grossiers). On sort du film un grand sourire aux lèvres et le cœur battant la chamade du concerto de Tchaïkovski. Un beau moment d’humanité cosmopolite réunie autour de la musique.

Le concert, de Radu Mihaileanu, avec Alexei Guskov,  Dimitry Nazarov, Mélanie Laurent, François Berléand, Miou-Miou, et Lionel Abelanski, 2008, 2h00, EuropaCorp, sortie le 4 novembre.

Plus d’infos sur la page facebook du concert.

La slick est bien le off le plus in de la FIAC

Vendredi 23 octobre 2009

Pour sa 4ème édition, la Slick s’expose au 104, rue d’Aubervilliers. Une bouffée d’énergie et d’art vivant en 61 galeries,  après les œuvres de musée montrées dans les longs corridors de la FIAC. Sooo chic, la Slick a même son valet parking!

La foire off la plus in de la FIAC se mérite. Très loin du cœur de Paris, elle s’est installée cette année dans les bâtiments rutilants du 104, rue d’Aubervilliers. On est accueilli par une sculpture monumentale d’Ugo Rondinone “How does it feel”, devant lesquels des artistes esquissent la jolie façade de la halle centrale, confortablement installés dans des chaises longues.

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A l’étage, des galeries de renom et hyper branchées (Studio 55, Galerie W, Polaris, Marion Meyer, Dix 9…)  s’étalent elles aussi confortablement dans un espace blanc immaculé. Les inclusions de peluches colorées de Alberto Verajano sont présentes à la fois sur le stand de la Galerie W et du studio 55.

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On notera également les architectures réalistes et parfois en 3D de Evol à la Wilde Gallery de Berlin

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La révérence mode de NSG à Mondrian à la Cynthia Corbett Galleryslick-nsg

Les dessins de John Casey à la Galerie Polaris

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Et enfin, l’installation sonore et perlée de Frédéric Lecomte en hommage au collier de sa mère chez Pascal Vanhoecke.

Au rez-de jardin, les deux ailes d’exposition laissent moins d’espace aux autres galeries et il est agréable de s’enfoncer dans leur enchevêtrement comme dans le ventre vivant d’une ville imaginée par des artistes.

Les réflexions historiques et toutes en superposition de Julia Winter à la galerie hongroise Lena & Roselly sont notre coup de cœur de cette Slick 2009.

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Remarquables égalements sont les enfants mi-Dickens, mi- Murillo de Dran à la Galerie GHP de Toulouse

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L’installation nominée par la Slick 2009 de Eric Sep à la galerie Gist d’Amsterdam

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Ainsi que les toiles très couture de Kate Lyddon à la galerie d’Ys de Bruxelles.

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De nombreux happenings et conférences ont lieu ce week-end à la Slick.

Ce soir, ne manquez pas la présentation du mouvement perversioniste par un de ses membres éminents, Luis Nieto.

Samedi, à 14h, le plasticien lauréat du prix Marcel Duchamp Philippe Mayaux parlera des rapports entre Art et gastronomie et à 19h, le vidéaste Ultra violet projette son “Last supper” (1972)

Dimanche, à 14h, c’est au tour d’un autre grand plasticien français, Fabrice Hyber de prendre la parole pour un débat sur les rapports entre Art et argent avec le commissaire priseur David Nordmann et l’économiste Laurent Noël. 18h, le commissaire priseur Pierre Cornette de Saint Cyr parlera avec l’artiste Fred Forest d’art sur la toile.

Tout au long du week-end, les artistes Romina de Novellis, David Miguel, Lorena Diaz, et Emeka Udemba (entre autres) proposeront des performances. Pour voir l’intégralité du programme cliquez ici.

Enfin, la Slick tranforme ce week-end le Point FMR en petit Berlin, avec chaque soir des sets de Djs venus d’Outre-Rhin.

Ce soir, à partir de 20h Guido Moebius & Holger Hillel seront aux platines.

Samedi, à partir de 19h ce sont Vicky Banjo et sa performance burlesque, puis DJ Danel irkin revisitant la neue welle qui vous feront bouger.

Et dimanche, à 14h, dix personnalités berlinoise racontent leur ville, à 15h30 Felicia Atckinson propos eune performance, à 17h Caroline Villain chante du Schubert, et à 18h, place au one woman show de Miss Higgins DJY.

Slick, 104, rue d’Aubervilliers, Paris 19e, m° Stalingrad, Riquet ou Crimée, 10 euros (TR 7 euros).

Vendredi 23 –  de 11 à 20 heures
Samedi 24
–  de 11 à 22 heures
Dimanche 25
–  de 11 à 20 heures
Lundi 26
–  de 11 à 17 heures

Le Point FMR, Quai de Valmy, Paris 10e, m° Jaurès ou Stalingrad.

Un inédit de Stefan Zweig sur la vie rêvée des chiens

Jeudi 22 octobre 2009

Grasset vient de publier un inédit de l’écrivain autrichien Stefan Zweig. En exil dans la région de Bath, en Angleterre, l’auteur d’ « Amok » et de « Marie-Antoinette » a imaginé la vie d’un couple jovial de province bouleversé par son chien.

Un couple d’un certain âge déménage en Province anglaise, dans la région de Bath. Le mari et la femme se lient d’amitié avec leurs voisins, des gens gens charmants et un peu plus jeunes qu’eux. Cependant l’enthousiasme indéfini et la bienveillance trop active du mari sont parfois très fatigants. Ce couple de voisins acquiert un chien, Ponto. Avec la passion qu’il met dans toute chose, le voisin s’occupe de Ponto avec plus d’adulation que de raison. Au point de transformer la bête en tyran fier, sûr de tous ses droits, et prenant un malin plaisir à torturer ses maîtres. Mais quand la femme du voisin tombe enceinte, la passion de ce dernier pour Ponto se dissipe et il ne s’occupe que de la venue du bébé. Blessé, humilié, Ponto hait viscéralement la petite fille dès qu’il comprend que c’est elle qui est à l’origine de sa destitution. Au point d’attaquer la nouvelle née de toutes ses forces brutales lorsqu’on la lui présente. Il est écarté et placé chez un boucher des environs, mais rôde encore autour de son ancienne maison. Lorsque, quelques mois plus tard, le berceau de la petite dévale jusqu’à la rivière, et qu’on ne peut la sauver de la noyade, la voisine soupçonne fortement l’animal d’avoir provoqué l’accident.

La nouvelle de Zweig, enfin traduite en Français par Baptiste Touverey, a la finesse psychologique de ses plus grands livres. Le maître Zweig sait même percer à jour la psychologie des chiens. Son rapport sur l’orgueil blessé et l’instinct de vengeance du chien est doublement concluant : à la fois vraisemblable et loin des clichés monotones sur le chiens meilleur-ami-de-l’-homme, tellement plus fidèle et moins pervers qu’un être doué de parole. La petite histoire est livrée du point de vue externe et donc quasi-objectif d’une voisine dont on sait peu de choses. Le texte allemand est placé après le texte en Français, ce qui permet aux germanophones de vérifier la précision de la traduction.

« Un soupçon légitime », de Stefan Zwieg, trad. Baptiste Touverey, Grasset, 10 euros.

« Parce que son cœur chaleureux, qui débordait, et donnait l’impression d’exploser sans cesse de sentiment, le rendait altruiste, il s’imaginait que pour tout le monde, l’altruisme allait de soi, et il fallait des trésors de ruse pour se soustraire à son oppressante bonhomie. Il ne respectait ni le repos ni le sommeil de qui que ce soit, parce que, dans son trop-plein d’énergie, il était incapable d’imaginer qu’un autre pût être fatigué ou de mauvaise humeur, et on aurait secrètement souhaité assoupir, au moyen d’une injection quotidienne de bromure, cette vitalité magnifique, mais guère supportable, afin de la faire revenir à un niveau normal » p. 19-20

La Fiac 2009 et ses off

Jeudi 22 octobre 2009

La 36ème édition de la Foire d’Art Contemporain de Paris s’est pré-ouverte sous une fine pluie d’automne, mercredi pour les collectionneurs, les galeristes et les journalistes. Une édition riche et de très grande qualité. A côté des deux sites de la FIAC (Grand Palais et Cour Carrée du Louvre), et des sculptures installées pour l’occasion dans le jardin des tuileries, les deux “off” du 8 ème arrondissement vernissaient également : Show Off a déménagé avec succès du rond-point des champs aux bords des quais, et Art Elysées proposait un long corridor d’art contemporain le long du Grand Palais à la Concorde.

Plus de 300 galeries sont représentées à découvrir  jusqu’à dimanche (FIAC, Show off) ou lundi (Art Elysées), auxquelles ils faut ajouter les stands de la Slick, qui vernit vendredi soir.

La FIAC a donc pré-ouvert à partir de 11h mercredi matin, présentant les artistes de 198 galeries d’art moderne et contemporain et 6 galeries de design à leurs premiers invités. La FIAC fonctionne maintenant depuis plusieurs années sur un modèle bien ficelé  : art moderne et contemporain “classique” au Grand Palais, galeries détectrices de talents dans la Cour carrée du Louvre où les œuvres des candidats au prix Marcel Duchamp sont montrées, et sculptures spécialement conçues pour l’occasion dans le jardin des Tuileries). Mais l’institution n’oublie jamais de se renouveler : cette année si l’on retrouvait de nombreuses galeries fidèles à la FIAC, le renouveau était tangible : plus de 60 exposants sur 198 galeries participaient pour la première fois ou effectuaient un retour à la FIAC. les galeries françaises ne représentent qu’une petite moitié des exposants.

Sous la voûte du Grand Palais, la grande nouveauté est située au fond et au centre du bâtiment. 10 des plus grandes galeries du monde se sont regroupées sur 300 m² pour exposer leurs chefs-d’oeuvres. Parmi eux : des Léger, des Picasso, et des Bacon dignes des plus grands musées.

En dehors de cette espace appelé “Projet moderne”, la galerie Nathalie Seroussi expose de superbes Martial Raisse et Alexandre Calder, et Marian Goodman a accroché d’époustouflants Baldessari et un très beau Annette Messager.

D’une manière générale, les œuvres présentées sont volontiers des peintures (peu de photos, très peu de vidéos et d’installations) d’artistes déjà très connus. Cette années, le Pop Art et le réalisme étaient moins présents que l’an dernier pour laisser places à des tons plus gris et à des œuvres plus expressionnistes ou conceptuelles. On pouvait voir de magnifiques pièces de Kounellis (Galerie Karsten Grève, Galerie Lelong), Soulages (Galerie Karsten Grève), Kiki Smith (Galerie Lelong), Tatiana Trouvé (Galerie Emmanuel Perrotin), Rebecca Horn (Galerie Lelong) et Jean Tinguely (Galerie Hans Mayer).

Georges Condo, qui vient d’avoir une exposition au Musée Maillol,  est à l’honneur à la galerie Simon Lee et chez son galeriste parisien, Yvon Lambert.

La Galerie Le Minotaure permet de (re)découvrir un artiste d’inspiration dadaïste : Erwin Blumenfeld

Les trois coups de cœur 2009 de la boîte à sorties dans la nef du Grand Palais sont :

– l’installation “Gambling with de Dead” de Loris Gréaud chez Yvon Lambert.

– les sculptures hypercéphales de Thomas Leroy chez Nathalie Obadia.

– les tableaux neo-réalistes et néanmoins révolutionnaires de Alexei Kalima chez Anne de Villepoix.

Sur le chemin de la cour carrée, le jardin des tuileries s’est paré de sculptures très contemporaines, dont certaines font un clin  d’œil aux danaïdes et autres nymphes classiques qui veillent d’habitude sur allées du parc.

Les deux pièces les plus impressionnantes sont l’installation sans titre de Kader Attia, dont les cymbales rappellent visuellement les nymphéas de Monet et font aussi un bruit envoûtant (grand bassin octogonal)et La ronde grimaçante des 12 protagonistes de “Sunrise east” de Ugo Rondinone (bassin près de l’arc).

La grande nouveauté de la Cour carrée est le prix Lafayette. Grâce à une dotation des fameux magasins, 14 galeries émergentes ont été sélectionnées pour la qualité de leurs choix artistiques et placées au cœur de la FIAC. Un des artistes représenté par l’une de ces 14 galeries remportera le prix Lafayette, qui lui assurera des moyens pour créer et une exposition à Paris.

Comme chaque année, les 4 finalistes du prix Marcel Duchamp montraient leur art. Deux d’entre eux sont plutôt expressionnistes : Philippe Perrot présente un tableau très proche de l’art de Egon Schiele, “on s’y cogne” et le peintre Damien Deroubaix a mis à profit ses connaissances des techniques de gravure sur bois et de sérigraphie pour évoquer en deux sculptures et une peinture sur bois comment nous sommes constamment surveillés.

Les deux autres candidats proposent des réflexions plus pointues : Nicolas Moulin fait réfléchir sur l’urbanisme et l’organisation de notre espace de vie avec un œuvre qui tient autant de la maquette que de la sculpture : “Interlichtenstadt”, et Saadane Afif continue sa  recherche formelle, qui interroge l’image, mais aussi et surtout, la musique.

Si certains stands sont  très originaux (tombée de paille chez Enrico Fornello, ambiance Hansel et Gretel chez Alain Gutharc, mur noir imaginé par l’architecte Edouard François chez Loevenbruck), Les pièces classiques ne manquent pas non plus dans la cour carrée avec un superbe Bernard Buffet et des mini-compression de César à la galerie Sorry we’re closed,ou encore Dan Mc Carthy chez Suzanne Tarasiève. Les  fondations contemporaines et les éditions d’art ont également leurs stands.

Parmi les trouvailles de cette joyeuse cour carrée qui ressemble plus à une foire et moins à un musée que le Grand palais, on peut noter:

– les installations ludiques de Ryan Trecartin et Lizzie Fitch chez New Galerie de France.


– les dessins érotiques de Christra Ganesh chez Haas & Fischer.

-l’installation « phare » et bleue, avec corne de brume, de Jean-Pascal Flavin et Julien Bismuth chez Catherine Bastide.

A l’occasion de la FIAC, 3 artistes proposent des performances gratuitement à l’auditorium du Louvre (Gary Hill le 24 octobre à 21h, Christian Marclay le 24 octobre à 21h et Eliane Radigue le 25 octobre à 15h). Les évènements sont gratuits mais il faut réserver par mail : auditorium@louvre.fr

Encadrant le Grand Palais, Show off et Art Elysées permettent à des galeries moins connues de faire connaître leurs artistes.

Le déménagement de Show off sur les quais de la scène (entrée au pont Alexandre III).  La vue est superbe, l’espace dégagé et la qualité des oeuvres semble meilleur que l’an dernier quand la foire était engoncée dans l’espace Cardin. On est accueilli par un joyeux troupeau de lapins colorés, issus de l’imagination fertile du ludique collectif : le cracking art group. On retrouve leur amour débordant pour les animaux colorés et en plastique au cœur de la foire. Une “pet therapy” bien efficace. A how off, on notera également les toiles d’Anatoly Tverdoy chez Analix Forever, et les superbes photos présentées à Acte2galerie (Jill Greenberg, Vee Speers et surtout les clichés post-préraphaélites de Cédric Delvaux).

Moins concentré, Art Elysée est un joyeux éparpillement longitudinal autour d’un tapis rouge. Il y a un peu de tout, surtout du clinquant qui se vend bien, mais au milieu des sculptures et peintures acryliques et acidulées, on peur trouver quelques perles, notamment le stand de la photographe Céline Szawer.

FIAC, du 22 au 25 octobre, sites Grand Palais 12h-21h,  et Cour Carrée 13h-21h, 28 euros l’entrée (15 euros TR pour tous les étudiants jeudi et vendredi), 50 euros le pass.

Show-off, du 22 au 25 octobre, 12h-20h, Pont Alexandre III, entrée libre.

Art-Elysées, 11h-20h30, du Petit Palais à la place de la Concorde,15 euros.

Querelle de Fassbinder à nouveau sur grand écran

Mercredi 21 octobre 2009

Le dernier film du réalisateur allemand est une adaptation impossible et néanmoins réussie du roman de Jean Genet, « Querelle de Brest ». Les fans de queer, de Fassbinder,de littérature et d’images saturées se précipiteront pour revoir le torse sexy du marin christique Querelle.

« Each man kills the thing he loves » : des paroles signées Oscar Wilde, et une musique de Peer Raben, qu’interprète Lysiane (Jeanne Moreau), la patronne en dentelle du bar louche de Brest : « la féria ». Son amant a un jumeau : Querelle. Ce dernier est marin et de passage à Brest. Lysiane se sent de trop dans leur relation qu’elle perçoit comme fusionnelle. Petite frappe, assassin et néanmoins figure christique, Querelle exerce un charme qui dévaste le capitaine de son bateau, attire le mari de Lysiane et cause la perte d’un ouvrier polonais de Brest, Gil.

Dans cette transposition érotique et mystique de la misère des prolétaires de l’ombre et semble-t-il autant inspiré par Brecht que par Genet, Fassbinder magnifie le désir homosexuel, jusqu’à dépasser en kitsch Liliana Cavani et Visconti lui-même. Il transpose au sexe les problématiques marxistes de l’aliénation et dépasse le conflit entre éros et thanatos par des images évangélique qui sembleront à certains un pur délire sexuel, et à d’autres un chef d’œuvre sur la nature humaine. Saturant de couleurs orangées un Brest mythique et n’épargnant aucun détail cru de la violence des rapports humain, ainsi que de leur inanité, le réalisateur choque encore et encore. C’est plus par le texte emprunté à Genet que par ses images s’imbriquant en miroir que Fassbinder rend son « querelle » intolérablement bestial. Et si le spectateur surmonte le léger haut-le cœur que des phrases à la fois candides et brutales comme « je retrousse les manches de mon pyjama pour me branler pour qu’elles ne me gênent pas ce simple geste fait de moi un homme », il se trouve plongé dans un univers fascinant où les pêcheurs et les traîtres sont les vrais accoucheurs de la rédemption.
La copie rénovée de Querelle est ressorti en salles mercredi dernier.

« Querelle », de Rainer Werner Fassbinder, avec Brad Davis, Franco Nero, Jeanne Moreau, Laurent Malet, 1982, Allemagne, 108 minutes.

Espace Saint-Michel, 7, place Saint-Michel, Paris 5e, M° St Michel, 13h50, 18h, 20h, 22h.
Nouveau Latina, 20, rue du Temple, paris 4e, M° Hôtel de ville, 14h,16h, 18h, 20h, 22h.