Archive pour 21 juillet 2009

Clés de si

Mardi 21 juillet 2009

Les yeux se regardent en miroir

Et la solitude a des chiens tendres

A genoux, mêlés, muselés

Donnez moi la morphine surannée

D’un mielleux paquet de cendres.

 

Les rimes en damier,

Et des larmes à vendre,

Le fou grime ma mémoire

Dans les bras d’un oreiller.

La tête a tant de plaies à gratter

Que les jambes saignent de se tendre

Au grand galop des mâchoires serrées

 

Les rêves sont des pieux à damner

Et je n’ai plus rien à attendre

Que l’encre noire sur le cahier

Le dossier illisible de l’entonnoir

Cette chaise qui s’est pliée

En meule de craie sur le peinoir

Où cinq ans doivent descendre

 

Je damne les vieux cachets

Et les maigres marrons de septembre

Je me pends à l’ivoire des jamais

Murmure quelques banalités

Je suis là, morte, présente au manoir,

Familière de la moue moirée

 

 

-Endeuillée sans métier,

Incompétente mouchetée-

Je crache sur tes coupes papiers

Tu m’étouffes après m’avoir blessée

Je veux dire que tu me manques.

 

J’oublie sans enterrer l’anis déjà fané

Je ne veux plus voir l’irritante

La renaissance est un mythe gay

Et la gloire pourrit quelque part, en paquets

J’aimerais mordre, je me tais

Et laisse choir une autre banalité :

 

 

Le temps est une patinoire

Où l’idéal creuse la plaie.

 

Joseph Roth, les années parisiennes d’un juif austro-hongrois

Mardi 21 juillet 2009

Jusqu’au 4 octobre, le Musée d’art et d’histoire et du Judaïsme présente la vie de l’auteur autrichien Joseph Roth pendant ses années d’exil, de l’arrivée des nazis au pouvoir jusqu’à sa mort, dans l’alcool et à Paris en 1939.

Né à Brody (Galicie et à l’époque appartenant à l’Empire Austro-Hongrois), d’une mère juive de l'”est” et d’un père devenu fou dans son enfance et auquel il a inventé mille vies, Joseph Roth part pour Vienne où sa mère le rejoint lors de la déclaration de la Première Guerre. Il vit dans la pauvreté et poursuit des études de Germanistique. Il assiste à l’enterrement de l’Empereur François-Joseph, en 1916, et est envoyé sur le front russe. De retour à Vienne, il abandonne son doctorat pour survivre de la plume de journaliste. Au café Herrenhof, il côtoie Hermann Broch, Franz Werfel, Milena Jesenska…En 1923 Roth déménage à Berlin, où il devient journaliste auprès de la Frankfurter Zeitung ; en 1925, il devient correspondant du journal à Paris. Ses articles sont caustiques et précis. Si la “Toile d’araignée” (1923) est son premier roman, le succès arrive  “La marche Radetsky”, en 1932, une fresque en l’honneur du défunt empire Austro-hongrois. L’on apprend au MAHJ que le critique de la Nouvelle Revue Française, Frédéric Bertaux, préférait le roman au col amidonné de Roth sur le “K und K” à la fresque ironique de Robert Musil, “L’Homme sans qualités”.  Juif dans l’Allemagne de 1933, Roth doit quitter l’Allemagne et oscille entre Paris, Amsterdam, et Ostende.

C’est sur ces années d’exil que l’exposition du MAHJ se concentre, dépeignant la vie de Roth d’hôtel en hôtel, reconstituant son café préféré, le “Tournon”, donnant à entendre son dernier roman, “La légende du Saint buveur”, insistant largement sur l’engagement politique du début des années 1930 contre le nazisme, et présentant ses amis dont les auteurs Stefan Zweig, Soma Morgenstern, Stefan Fingal, le sculpteur Joseph Constantinovksy .

Créée en Autriche par le directeur du Literaturhaus de Vienne, Heinz Lunzer, l’expo “Joseph Roth, L’exil à Paris” permet d’imaginer la vie de l’auteur à travers des extraits de sa riche correspondance. Des éditions originales de ses livres en VF permettent de comprendre comment Roth a été traduit tôt par Blanche Gidon, et comment le public a Français a très vite pu le lire.  L’amour de l’auteur pour la monarchie est évoqué en même temps que ses prises de positions politiques contre le nazisme : “L’écrivain a pour devoir comme tout un chacun de s’engager contre l’inhumanité du monde actuel”, estimait Roth, dès 1934. Mais, transformant l’écrivain-Arlequin en intellectuel engagé, l’exposition manque certaines ambiguïtés absolument fascinantes chez le personnage,  et passe peut-être à côté de sa folie.  Elle évoque à peine son spectaculaire enterrement, où personne ne savait vraiment s’il s’était converti ou pas, si bien que deux services religieux ont eu lieu : un juif et un chrétien.


LA MARCHE DE RADETZKY – Concert Nouvel An 2002
par Koloborder

Joseph Roth, L’exil à Paris, 1933-1939“, jusqu’au 4 octobre, MAHJ, Hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, Paris 3e, m° Rambuteau ou Hôtel de ville,  lun-ven 11h-18h, dim 10h-18h, 6.80 euros (TR : 4,50 euros).

roth-mahj

A noter : Jeudi 24 et vendredi 25 septembre, un colloque international sur  l’exil de Joseph Roth aura lieu  au musée.  Programme ici.

Pour en Savoir plus :

BRONSTEIN, David, Joseph Roth, Biographie, Paris: Seuil, 1994.

MORGENSTERN, Soma, Fuite et fin de Joseph Roth, Paris : Liana Levi, 2003.

TRAVERSO, Enzo, La pensée dispersée, figures de l’exil judéo-allemand, Ed Leo Scheer, 2004