Archive pour juin 2009

Woody réinvestit Manhattan

Dimanche 28 juin 2009

Après nous avoir fait rire jaune dans la haute associe londonienne de « Match Point » et avoir transforme Javier Bardem en guide touristique un peu hystero dans « Vicky, Christina, Barcelona, » Woody Allen fait son come back tant attendu à New-York avec « Whatever works ». A réserver aux fans du réalisateur.

 

Boris Yellnikoff (Larry David, double tres chauve de Woody) est un génie des sciences physique rate, mais un génie quand même. Une crise existentielle plus violente que les autres le pousse a se jeter par la fenêtre et quitter sa femme. Claudiquant et maugréant, l’ancien professeur d’université vivote en donnant des cours d’échecs a des enfants et s’enfonce dans la misère et la misanthropie. Jusqu’au jour une une jeune cruche atterrie du Mississipi vient frapper a sa porte, toute perdue et affamée dans New-York. Quarante ans et quarante mille neurones les séparent et pourtant, c’est le début d’une belle histoire…

New-York-Baal-Babylone pervertit toute bonne âme qui s’y risque. Mais comme le script de Woody Allen date des années 1970, mieux vaut se perdre pour vraiment se trouver. Malgré les monologues-enclumes du pauvre Larry David (Curb your enthousiasm) un peu dépasse, et des themes qui sentent un peu la naphtaline, « Whatever works » remplit sa mission en faisant sourire son public. Le jeu de surenchère dans les gros rebondissements (la mère et le père, caricatures de conservateurs chrétiens de province devenant la crème de la hype new-yorkaise) tient surtout sur des dialogues pétillants, une Evan Rachel Wood (« Thirteen ») tellement appétissante qu’elle fait presque oublier l’absence de Scarlett Johansson, et l’excellentissime Patricia Clarkson qui donne du piment au filme quand elle incarne -du rose bonbon au noir corbeau- LA milfe en pleine chelseasation. L’improbable système « D » de « Whatever works » en fait – malgré tout ce que dit son râleur de héros- un « feel good movie » très sympathique.

« Whatever works », de Woody Allen, avec Larry David, Evan Rachel Wood, Patricia Clarkson, Ed Begley Jr., 2009, 1h32 min

Une pellicule oubliée

Mercredi 17 juin 2009

Autre journée studieuse et un peu moins pluvieuse, avec toujours une liste de dernières volontés avant de quitter New-York. Mes marranes me plaisent beaucoup, y compris les vieux textes en Espagnol que je suis bien incapable de traduire moi-même. Et donc aujourd’hui j’ai essayé le Bikram yoga, un must avant de rentrer à mon simple body combat parisien. C’est absolument épuisant, les positions sont si vite répétées que j’ai failli me casser le dos, léger souffle au coeur vers la moitié de la longue heure et quart d’exercice et pas de sensation planante après, comme avec les cours de yoga normaux. Suis sortie tellement en nage que j’ai même failli renoncer au sauna (bon quand même pas…)
J’ai enchaîné par un petit voyage au Film Forum, qui décidément gagne la palme de la population la plus nerdy de New-York pour une perle française oubliée : “le combat dans l’île”. Production : Louis Malle, direction : Alain Cavalier, dialogues : Jean-Paul Rappeneau, directeur de la photographie Pierre Lhomme. Et casting : Trintignan, Schneider, et Henri Serre (le Jim de Jules et Jim). Thème en 1961 : un fils de famille qui s’engage dans un groupuscule extrémiste. Eh bien le film est une croûte. Schneider est énervante au possible (mais tellement belle), Serre mou du genou sans intérêt, et seul Trintignan s’en sort (vachement bien il sait vraiment incarner le vide milicien de son personnage). Les images sont superbes pour rien. On invoque Vichy, l’Algérie, l’avortement à Génève, et puis… plus rien, un combat sans souffle entre deux gamins sur une jolie île sur la Seine (ou est-ce la Marne?). Le tout entrecoupé d’explications bavardes pour gagner du temps (merci, heureusement ça ne dure que 104 minutes). Bref, ne pas croire que le film renvoie à des grandes problématiques politiques et cache sous sa face bon enfant des noeuds de tragédie franco-française, il est juste plat. Dommage. Parfois, il faut savoir laisser les trésors oubliés dans le puits…
Bon pour se remonter le moral, du grand Romy, certes c’est 9 ans après, mais ça valait le coup d’attendre…

Une enfant du Cipriani

Mardi 16 juin 2009

Je découvre encore tous les jours de nouveaux lieux. Sympathiques (café Verlaine, samedi dans le Lower east side), délicieux (le prix du meilleur Porterhouse steack revient à Smith and Wollensky at 797 3rd Ave), branchés (La boîte du Cipriani’s club hyper privé de Soho, en mode Karaoké et célébrités turques dimanche soir… ne vaut pas un bellini dans le jardin de l’hôtel de la Giudecca, mais quand même, de très belles personnes) et juste Classe, avec le restaurant 4 seasons, dans le Seagram Building,dessiné par Mies van der Rohe, aujourd’hui.
Hier, j’ai aussi revu pour la millième fois les “Enfants du Paradis”, que j’ai faits découvrir à un vieil ami de Chicago. Je connais presque tous les dialogues par coeur, mais à chaque fois, je sors terriblement bouleversée du film. Peut-être encore plus cette fois-ci, après les turbulences amoureuses des derniers mois, qui ne semblent pas vouloir cesser, alors même que je m’astreins au plus grand calme et à un repli sur mes grandes amitiés, quand je ne ponds pas pour ma thèse.
Grande angoisse cependant et grande solitude ce soir, avec un moi non plus en tension mais juste amputé. Je ne dors pas ou mal, me réveillant toutes les demi-heures dans un sursaut d’angoisse, tous les muscles tendus, les dents douloureuses d’avoir grincé, et en nage d’avoir fait des cauchemars.
Je ne sais pas si c’est le départ, la crainte de faillir à finir ma thèse avant octobre, ou juste les heures et les heures d’aveuglement à écrire devant mon écran, mais j’ai peur. Après mon enfance sur-protégée, je m’étais juré de ne plus vivre dans la peur et je n’y arrive pas. Je fais tout pour la tromper, ou lui trouver un exutoire comme marcher dans Harlem la nuit (pas très intelligent mais c’était une erreur de métro) ou m’intéresser aux projets de mes amis, mais dès que je passe le perron, elle est là qui m’attend, et me porte à côté de moi-même. C’est peut-être génétique, mais après tant d’années, je n’arrive ni à m’en débarrasser, ni à vraiment vivre avec. Mes déceptions, et la difficulté de trouver quelqu’un qui saurait juste me prendre dans ses bras pour me dire “ça va aller” ne font que renforcer cette lutte sourde avec une pieuvre aux heures de plus en plus nombreuses où de grandes bouffées de nostalgies viennent ronger mes reins. Ça taillade, ça épuise et ça vide. Je vieillis, et je me demande si parfois cette face là ne va pas gagner, et si je ne vais pas rester à nu et à vif, saisie d’angoisse et définitivement abîmée par les petits espoirs trahis. Cette fous-ci, j’espère que Paris me fera du bien, mais New-York va me manquer, et les vertus du déplacement ne cachent pas vraiment cette terreur structurelle, et le manque de confiance dans les gens, qui se trouve toujours vérifié a posteriori dans un lâché de guillotine résigné : “je le savais”. Je n’ai pas comme Baptiste le sommeil plus dur que ces coups de déception annoncée, j’ai besoin de voir des films pour rêver, et je ne suis pas vraiment vivante…De plus en plus me dis-je à cause des autres vivants et non sous le coup de la colère des morts.

Kazanière

Vendredi 12 juin 2009

Reprise des activités, après avoir retenu mon souffle lundi et mardi : yoga, pilates, Kultur mit grössem Löffel et soirées inattendues perchée sur mes talons. Thèse aussi : hier je n’ai littéralement pas bougé de mon ordinateur de 8 heures du matin à 8 heures du soir et me suis surprise à rentrer “tôt” de boîte pour pouvoir fournir ce matin. Le club donc était enfin une vraie belle boîte hétéro, à la néo ou baron. Comme il se doit la porte était bien gardée et il a fallu passer par une sympathique case habillage entre filles (bon comme il me faut dix minutes bain compris pour me préparer, je ne comprends pas trop les subtilités du fer à lisser et de la peinture faciale mais j’apprends) et un sitting dans un appartement digne du plus mauvais goût de Saint-Tropez ou Miami (avec un record battu quand la limousine est venue nous chercher, tous les vingt pour nous emmener). The Oak (19 st et 10e av) est comme son nom l’indique un endroit vert boisé où l’on ne se cache même pas pour fumer et où hier la musique était R’n’B très fragmentée). J’ai dansé avec grand plaisir et grande liberté pour la première fois depuis des mois.
Ce matin réveil en douceur vers 8 heures, oeufs brouillés (ah je deviens une pro des oeufs brouillés, à rajouter sur mon cv), préparation d’un retour en douceur avec commande de livres pour la rentrée littéraire et accreds pour Paris Cinéma qui me paraît encore plus prometteur que d’habitude (bon j’ai un faible pour ce festival dont j’ai été jury du prix paris d’avenir il y a deux ans).
Gym puis direction le lower east side dans le SEUL cinéma de la ville qui passe le nouveau Coppola, arrivé tout frais aujourd’hui sur les écrans. Le NYT pense de “Tetro” que c’est un film de transition d’un réalisateur de 70 ans. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire…
En revanche, je sais que j’ai aimé. En mal d’Elia Kazan, j’ai été touchée par ces retrouvailles de deux frères, par les dessous de Buenos Aires (ah La bocca!), trouvé un côté James Dean littéraire à la veste en cuir et aux yeux translucides de Vincent Gallo, une innocence rondement menée au personnage du petit frère (prometteur Alden Ehrenreich), et un visage marqué et bon à la psy danseuse parfaite au grand coeur (Maribel Verdú). La cerise sur le gâteau : “Alone” (Carmen Maura, fille de l’homme politique, qu’on avait vu dans Volver), sorte de Oprah sud-américaine assez grande dame. Et bien sûr la figure écrasante du père génial chef d’orchestre, Chronos dévorant ses enfants, parfaitement incarné par l’ex-méphisto, Klaus Maria Brandauer. Bref, casting parfait, argentin coulant, un soupçon de Tango, dialogues simples et directs et belles images (mais pas aussi truquées que le happy together de Wong Kar Wai) : noir et blanc franc pour le présent, couleurs seventies pour le passé et les rêveries poético-traumatiques dansées de Vincent Gallo alias Angelo alias Tetro. La dernière scène effarante sur la large avenue 9 de Julio m’a aussi convaincue. Un peu long comme d’habitude… je me demande pourquoi les bons films américains cuvées 2008-2009 pensent qu’une heure trente c’est pour les touristes et qu’il faut au moins de heures d’attention du public pour être une graaaande oeuvre (Milk, Benjamin Button…)
C’est sur cette question existentielle + celle de savoir ce que je vais mettre sur mon dos, que je pars de ce pas voir un ballet.

Philadelphie & New-York

Jeudi 11 juin 2009

A vingt jours de quitter New-York, je cherche évidemment un moyen de revenir…
Un postdoc d’études juives existant pour 2010-2011, je suis allée voir ce centre historique de judaïca avec mon premier amour, lundi. Retrouvailles assez rocambolesques à Penn Station où le métro ne marchant pas, j’ai théâtralement perdu une chaussure dans le hall menant à l’Armtrak. Cendrillon est bien la femme de cendres.
Philadelphie est une ville mignonne comme tout, avec beaucoup d’Histoire et des bâtiments en brique rouge aussi élégants qu’ennuyeux. Le Katz Center est climatisé, agréable, la bibliothèque où mon humaniste d’ami venait chercher des documents précieux du XVI e siècle (ou des ouvrages incomplets de philologues), est un havre de paix où m’on entend parler l’Hébreu, le Polonais et le Yiddish. Après un bon après-midi de travail et un bagel sur le pouce, la bibliothécaire chargée des prêts internationaux nous a raconté sa fuite rocambolesque de Bratislava à la Palestine durant la guerre. Juste le temps de boire un verre et de passe devant l’endroit où la déclaration d’indépendance a été signée, et nous étions de retour dans le train. J’ai proposé que nous allions dîner à mon restaurant chinois préféré à Chelsea, et après nous avons retrouvé tout le groupe de l’université de Chicago que je n’avais pas vu depuis 7 ans dans un bar blues de le 7e avenue. Un d’entre eux se marie dans une semaine en Hollande, un autre est un vrai new-yorkais et c’était agréable et bizarre de retrouver des personnes de coeur et d’esprit avec lesquels nous avons un passé commun à Hyde Park. La nuit a fini tard après un dernier verre dans mon bar préféré de west-village (des tamara de lempicka sur les murs et une ambiance art déco) : employees only.
J’ai cru que mardi serait plus sombre, et le matin ce fut le cas, mais après avoir vaqué à quelques tâches administratives, commencé un bouquin passionnant dur Bertha Pappenheim, et m’être faite belle pour sortir au théâtre, j’ai rejoint avec grand plaisir une amie d’enfance (enfin presque : nos grand mères déjeunaient ensemble le même jour à Paris) pour “Exit the King” alias “Le roi se meurt” à Broadway. Tout petit catsing, avec Geoffrey Rush et Susan Sarandon, absolument époustouflante. Etrange d’entendre Ionesco, joué très bouffon, en anglais. Mais l’enthousiasme du public était communicatif et je ne peux m’empêcher de frissonner à chaque fois que la reine Marguerite annonce : “Tu vas mourir à la fin du spectacle”. Après un verre de “sangre del toro” (muy tinto) à la boquerita de Soho, nous avons rejoint mon amie russe et un médecin israélien au bar du hilton. Retour joyeux sur fond bluegrass (la fille du docteur est une vraie chanteuse américaine) serrés à quatre dans sa porche surpuissante. Petit coup de barre finalement aujourd’hui après avoir si peu dormi pendant tant de nuits. Mais déjeuenr dans mon restaurant macrobiotique préféré de la ville (13 st & 5th av) avec deux très bonnnes amie, razzia chez Virgin qui ferme (y’aura plus que i-tunes) et où tous les articles étaient à -70 %, et yoga éreintant. Un ami de washington étant de passage à New-York, il a bien fallu se rhabiller pour aller boire un verre dans le upper east-side…

Le walkman de Youssef Chahine

Lundi 8 juin 2009

Bref, je racontais plein de choses intéressantes quand mon article a disparu, donc je vais être brève
– découverte de la cave à vin du mercer hotel hier transformée en club à la saint-germain des près
– journée brooklyn aujourd’hui avec dans l’ordre : café à Park Slope, Brunch à Sunset park, discussion avec une soprano géniale, foot et sieste en groupe dans Prospect Park. Et Soul food à Fort green ce soir où je suis enfin allée au BAM.Youssef Chaine “Alexandria, encore” (1990), fou, incomplet, woody allenien, avec des piques sur les clichés occidentaux sur l’egypte, les problèmes de shakespeare en arabe, le rapport filail du réal à son acteur principal avec une fin pastichant la dame de shangai, et lui, séduisant, yeux noirs qui me rappellent un oncle roumain, beau corps et grand danseur à son âge, et les années 80 : cigarettes à la chaîne jusque dans les hopitaux, cheveux permanentés, et liberté de ton des femmes. Le meilleur étant Chahine entrain de danser en écoutant Fred Astaire sur son bon vieux Walkman
-Crise d’angoisse ce soir à trois semaines du départ : vais-je juste laisser une valise à NY ou mon coeur?

Oubli à l’italienne

Dimanche 7 juin 2009

Le choix de la Film Society du Lincoln Center pour son “rendez-vous” avec les nouveaux cinémas français avait été plus que judicieux (jacquot, téchiné, varda, fontaine etc.., certains pas encore sortis en France). Aussi me suis-je dit que son frère italien “Open Roads” serait encore plus intéressant (surtout qu’il n’est pas sûr que ces film sortent en France) Depuis jeudi je suis donc enfin à nouveau dans le noir à voir défiler des images.

Galantuomini d’Edoardo Winspeare m’a fait voyager dans les paysages sauvages de la région de Salenta, autour de Lecce, avec une classique histoire de Mafia un peu épicée par un beau personnage de femme (jouée par l’irradiante Donatella Finocchiaro). Bref de beaux paysages autour du juge, de la mafiosa, et de beaucoup de drogue et pas mal de sang.

Plus viscontien et psychologiquement titillant “Sono Viva” (je suis vivante) de Dino Gentili et Filippo Gentili raconte une nuit deveillée mortuaire mouvementée pour laquelle Rocco (le très beau Massimo de Santis qui jouait un prêtre pour Spike Lee dans Miracle à Santa Anna) est payé. La morte, blonde comme un ange dans sa robe de petite fille blanche est la fille d’un riche homme. Elle repose dans la maison de campagne de ce père, dans un lieu déserté en hiver, et exerce une étrange fascination -même froide- sur tous ceux qui l’entourent. Peu à peu tous les hommes qui l’ont aimé défilent à son chevet, avec autant d’amour qu’ils semblent avoir peu de respect pour le corps, que Rocco finit par enterrer lui-même dans la Montagne selon les vœux de la la jeune-femme.

Enfin, hier soir, je suis sortie bouleversée et pleine de gratitude de la projection de “Lecture 21”, le premier film de l’immense écrivain italien Alessandro Baricco. Le sujet du film me faisait un peu peur : le soir où Beethoven vieux, sourd et seul revient porter sa 9 e symphonie au monde. Mais connaissant Baricco, j’ai dépassé la peur du lieu commun et m’en félicite grandement.

Le film s’ouvre en fanfare vivaldienne sur un plan du dessus du cercueil -porté par quatre homme en noir- d’un violoniste (Noah Taylor) mort frigorifié avec son instrument dans la neige des alpes autrichienne en 1831. On pense immédiatement au Don Giovanni de Losey avec ce premier plan, épuré et renforcé dans sa poésie par le blanc de la neige. Suit un défilé de photos quasi-journalistique sur un professeur un peu fou, Mondrian Killroy (John Hurt) qui, lors de ses derniers cours populaires à l’université tentait de montrer à la fin des années 1990 que 141 chefs d’œuvres de l’humanité étaient en fait des créations ratées. le cours n°21, son préféré, concernait la 9e de Beethoven.

“Lecture 21” est une longue tentative de faire revivre ce fameux cours pour démontrer combien la 9e a été perçue comme démodée, lors de sa première en Vienne en 1824. Trois plans se superposent : les souvenirs des étudiants qui ont assisté au cours, dix ans après, l’arrivée du violoniste mort gelé dans un village un peu magique et très désert des alpes où les personnages mi-fellliniens, mi-kafkaiens convainquent le pauvre musicien et professeur de musique que la première de la 9 e symphonie a été un désastre (quasiment au sens de Blanchot), et sur fond noir et caravaggien, des personnages nus en perruque et maquillage XVIIIe témoignant – avec un extraordinaire accent anglais- de la fameuse soirée.
Outre la jouissance de la précision des faits, et celle d’un cinéma qui renoue avec le réalisme poétique du Visconti de la première heure, et malgré certaines maladresses visuelles (l’abus des plans de coupe noirs et blancs), “Lecture 21” est un film extrêmement fort, parce qu’il joue avec les clichés pour démontrer une thèse simple et forte. Celle-ci est mise dans la bouche de Killroy dans un dialogue avec une belle et jeune étudiante à la fin du film : la vieillesse est un naufrage. Particulièrement pour un artiste, car alors, il n’a plus accès à la beauté. Ainsi Rossini qui était brillamment léger est devenu amer vieux, tandis que Beethoven qui était puissant a laissé place à un vieux monsieur enfermé dans son malheur.

Baricco parvient à nous convaincre, que même parfaitement composée, la 9 e symphonie, était en 1824 une musique de vieil homme, y compris le coup de bluff de l’enfantin hymne à la joie, sorte de rêve simplifié plutôt que de prière. La 9e est une musique vieille et donc, malgré son génie indéniable, elles est sans beauté. Mais juste au moment où le public a envie de se révolter en pensant aux collages de Matisse ou – surtout – aux derniers quatuors de Beethoven, Killroy ajoute que parfois, rarement, un vieil homme peut à nouveau frôler la jouvence du Beau. Et selon un des critiques barrylindoniens, Beethoven y est parvenu, non dans la 9e, mais dans des œuvres “de plus petite envergure”.
La dernière scène poignante (sur laquelle le film aurait pu s’achever) montre une muse juvénile et diaphane s’approchant du violoniste seul dans la neige, encore écrasé par la révélation de la médiocrité de la 9e. Cette “nuit de décembre” a lieu sur … le Molto adagio du 15 quatuor pour cordes (un des 5 derniers donc!). Drôle, un peu étrange, érudit sans être bavard, “Lecture 21” est un ravissement. Et son final : à la fois une douleur et un soulagement.

Journée à l’envers

Mercredi 3 juin 2009

Il est minuit trente et une et j’ai enfin fini mes cinq pages de la journée, ayant pour la première fois réussi à travailler nuitamment sur ma thèse. Temps juif et chrétien tout en douceur avec Haydn que je découvre vraiment maintenant (Le troisième mouvement de la londonienne, 104, est simplement époustouflant). Le début de la journée a été assez culturel, puisque je suis allée voir (toute seule comme une grande) l’expo Frank Lloyd Wright au Guggenheim que le génie avait dessiné mais qu’il n’a jamais vu fini. Je connaissais bien les projets des années 30 de maisons usoniennes (unonian), et certains projets architecturaux liés à ma chère Chicago comme la Robie House (sur la 5è rue, donc directement adjacente au campus de U of C). Mais certains projets comme ses plans pour Bagdad dans les années 1950, et son plan de ville ENTIERE (Broadacre City) sont d’une mégalomanie absolument envoûtante. Le fait qu’il a reconstruit sa propre maison dans le Wisconsin deux fois (Taliesin) montre un peu la ténacité du bonhomme.
Cadeau du jour, FLW sur plateau de jeu télé!

Après l’effort de la rampe du Guggenheim, réconfort d’un coca-light (toujours toute seule comme une grande)devant “La Promesse” (1996), des frères Dardenne. Le Lincoln Center faisait une rétrospective cette semaine et un peu frileuse face aux films sociaux, je connais mal leur oeuvre. Ce film glauque sur l’exploitation des immigrés clandestins par des ouvriers pas tellement mieux dotés près de Liège est profond et fort. Olivier Gourmet visqueux à souhait et Jérémie Rénier, brillant de jeunesse déjà condamnée. Bref heureusement que je suis aux Etats-Unis pour visiter tout à toue Ramallah hier et les zones industrielles de la Belgique aujourd’hui via l’écran.
Car après la projection, un ami de la famille depuis de longue années (je suis à allée à l’opéra la première fois de ma vie avec sa grand-mère!) est venu me chercher pour une marche sous la pluie dans Central Park. Il revenait d’un tour du monde de 3 mois, et m’a donné envie de voyager tandis que nous évoquions des sujets lourds et importants, avec une profondeur que nous n’avions jamais effleurée, alors que nous avond tarvaillé dans le même bureau pendant deux ans.

Retour au campus, passage par la bibliothèque agréablement vide, où une ombre du passé lointain, un petit ami d’avant la douleur, est venu me saluer, poulet, et travail… Bref, on peut dire une riche journée.

Ps: Désolée si le menu de mes jours n’est pas fascinant, ce sont juste des souvenirs pour dans un mois quand j’aurais quitté NYC et ses taxis jaunes défoncés.

Back in NYC

Mardi 2 juin 2009

Quel bonheur de rentrer chez soi. New-York est chez moi maintenantn à un mois du départ, et après avoir écouté la sono du taxi à fond, j’ai ennfilé mes plus belles ballerines pour faire quelques achats nocturnes (ça va me manquer de pouvoir faire mes course au supermarché à une heure du matin). J’ai failli prendre un verre à l’underground lounge avec un souriant inconnu, puis je me suis dit non, que je devais travailler le lendemain et ai lu Rolling Stone et Time Out jusqu’à 4h du matin, jet lag oblige. Jolie journée de retour même si je suis restée enfermée jusqu’à 17h30 à écrire ma thèse. Gym, régime, lady gaga dans le métro (Nostalgie déjà) retour à la maison en express pour vérifier que je n’avais pas laissé le gaz allumé (hum, est-ce une phobie ashkénaze?). Douche, et puis dans ma robe de danseuse achetée à LA, j’ai réussi à réunir trois amis chers au MOMA pour un film risqué mais intéressant : “L’anniversaire de Layla”, par Rashid Masharaw. Malgré la piètre qualité de l’image et des acteurs (sauf le personnage principal : Mohammed Bakri qui joue un juge devenu taxi pour subvenir aux besoins de son foyer), l’impression d’avoir une tranche de vie non cliché de Ramallah (avec des appartements et non des tentes, un capharnaüm proche du cousin ennemi israélien et les bombes quand même) et la qualité des dialogues donnaient au faux reportage un peps sympathique. Puis verre dans un hôtel branché, un autre dans un vieux bar pourri et steack à la maison cuisiné comme un chef par un ami avec qui nous avons parlé aussi profond qu’en France. Je vais peut-être finir par rester, malgré certains souvenir si douloureux, que le mercure n’en finit pas de me transpercer.

Eventrement liquide

Lundi 1 juin 2009

En collant noirs sous le guet,
Jambes cernées, ventre plomb
Gargouille une coquille d’ambigüité
– Je veille effrontément son poison –
***

Dans un taxi défoncé
Le temps a exhaussé ses gonds
Je suis bien trop pressée
De penser sans faim sous l’édredon :
***

Les illusions de caresses passées
Et la clarté surannée des émotions
Je meurs chaque nuit à peu près
Étouffée par une enclume-décision.
***

Il est trop tard pour être gai
Et trop chaud pour naître blond
***

Nue sous mes cheveux frisés
Je tresse sans façons,
Les mêmes mots trop éraillés
Les mêmes regrets de sous-patron
***

Je suis grise d’un charbon écaillé
Et d’un cigare en vieux coton
La tristesse taraude en escalier
L’eau-volupté des corps gironds
***

Restent : quelques vers débraillés
Et des trémas noyés de l’attention
***

Par bonds dépenaillés
Le mercure coule sa pâmoison
Les souvenirs sont des épées
Et le futur immacule le « non ».
***

Je crée la liquide décoction
Reconduite à – plus jamais
Ta pommette sur mon front,
Tes mains décolorées,
L’or potelé des discussions
***
La bile poinçonne l’anxiété
Un être me manque
Et je crève d’absolution.