Paris-Orléans-Paris

Sept jours en France, dont deux à Quimper et un à Orléans. Ceci veut dire : pas beaucoup de sommeil. Lundi matin, j’ai pu aller faire les boutiques, histoire d’avoir quelque chose à me mettre sur le dos dans le printemps new-yorkais. J’ai passé un joli moment avec ma maman, à essayer le nouveau Coste de Saint-Germain des près ; ambiance empire guindée et un peu triste à mille lieues du tartare ensoleillé des Deux magots voisins. Puis j’ai circulé dans un Paris légoland pour voir deux très proches amies et me retrouver plongée à Goncourt dans l’ambiance feutrée d’un salon de musique contemporain tenu par un amateur de belles notes que je voulais rencontrer depuis quelques mois. Entre Kurt Weill et Pierre-Yves Macé, le son m’a donné des ailes et donné l’envie de faire ma Rahel Varnhagen dans ce lieu atypique. Je pense bien que j’y serai souvent à mon retour : voici la programmation. La journée s’est close par un fort beau bal masqué en famille dans mon cher opéra Bastille, où –il est vrai- le son est moins pur qu’au met’, mais les voix étaient fantastiques et la mise en scène épurée marchait parfaitement. Ma grand-mère était radieuse, toute de noire vêtue, et mon voisin était absolument adorable, Allemand, avec son papa mélomane à ses côtés. Le monde du net parisien étant petit, nous nous sommes trouvés en deux changements de décor et deux mails, pas mal d’intêrets communs. La nuit a été un peu écourtée par un ami qui demandait l’asyle politique sous mon toit.

Hier fut une journée ensoleillée et à tonalité en3mots. J’adore retrouver l’ambiance du bureau, la réunion de la rédaction de la semaine me manque avec son florilège d’idées boomerangs. La préparer fébrilement à la recherche d’idées entre Voici, les blogs littéraires et les prochains concerts aussi. Et la com’ commence à décoller grâce au grand talent de mon frère que j’ai adoré voir épaulé par notre cousine pour discuter d’un projet passionnant : un vrai blog d’information enthousiaste sur l’Amérique d’Obama. www.Obamazoom.com. Ayant déjeuné (avec ma nounou) et dîné (avec une très proche amie) à ma cantine du quartier, j’ai aimé me laisser emporter par l’adaptation british d’un de mes romans français préférés : « Chéri » de Colette. Frears a un talent excentrique pour faire valser la belle époque, aussi bien qu’il avait retrouvé le soyeux mordant du XVIII e siècle dans ses « Liaisons dangereuses ». Pfeiffer était parfaite et en mère de chéri replète Kathy Bates (oui oui la tortionnaire de « Misery ») était délicieusement extravagante. Rideau tardif après un verre trop sonore aux vieux « Sir Winston » où j’ai sagement pris un coca (pourtant leur liste de whiskys vaut le détour) avec un collègue thésard suisse, bien plus avancé que moi dans l’écriture de sa thèse, mais qui comprenait au quart de tour les affres de mes derniers mois. Dans la nuit, j’ai du finir la lecture des 200 pages comprenant les 141 lettres écrites par Max Jacob à Maurice Sachs entre 1926 et 1930 que la femme efficace avec qui je travaille à l’édition de cette correspondance avait déjà saisie.

Coucher 4h, réveil, 7, et arrivée en fanfare à la gare d’Orléans à 9h du matin. Journée studieuse à reprendre le contenu merveilleux de ces lettres depuis les manuscrits conservés à la médiathèque d’Orléans ; il y a tout dedans : l’amour, l’amitié, la foi, la jalousie, le judaïsme, les leçons de Max sur l’Art poétique, ses calembours et ses blagues, ses mots de vipère, l’homosexualité, des voyages, des croquis de Max, et même un peu de politique.  Bref un bon scénar pour un blockbuster américain.

J’écris depuis le vieux teuf teuf qui me ramène vers Paris, à temps pour passer une soirée avec mon modèle : ma chère grand-mère, son accent russe, son élégance et sa curiosité énergiquement intacte, dîner gourmet chez Senderens, et une pièce de ma chère Marguerite Duras à la Madeleine.

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3 commentaires pour “Paris-Orléans-Paris”

  1. Silvère dit :

    Bonheur du retour, vie, vivacité toujours aussi éloquents. Cela fait plaisir à lire et à entendre. Bonne réussite pour la thèse. ‘Bé ezrat Hachem’, dirons-nous, si vous pensez que cela peut être de quelque utilité… Deux petites nuances, cependant, deux soupçons de critique si vous me permettez, et vous connaissez mon amitié. Dire que Max Jacob, dont je lis beaucoup la poésie par ailleurs (mais qu’importe) connait le judaïsme me parait très largement excessif. Vous aimez sans mesure, sans doute. Je crois qu’il est resté au seuil, et cet ‘entendement du seuil’ est une forme de compréhension, certes; mais il n’est jamais entré, vraiment… N’oubliez, jamais, aussi, que l’art, la littérature, la culture, et l’esprit, se trouvent dans les ‘basses sphères’, parfois, en des terrains plus arides, plus désertés. Tout cela n’est pas toujours remarquables, visibles, offerts, au premier abord. Il faut passer ses réserves, et ses affinités électives. N’oubliez pas d’aller jeter un oeil, de l’autre côté; sans cela vous risqueriez de demeurer dans des petits cercles et cénacles, charmants sans doute, mais infiniment minoritaires. Me semble t-il. Kafka, Beckett, Pessoa… (rajoutez tous les noms que vous voulez…) n’étaient guère mondains, guère vivants, et pourtant, et pourtant…
    Amitiés. Bonne route. De loin, je vous suis.

  2. Silvère dit :

    Encooore!! Désolé. Veuillez excuser et comprendre mes fautes de frappes. Je ne relis qu’après envoi, et c’est une erreur. Maintenant elles me gênent teeerrriblement! S’il s’en trouve d’autres, ici même, elles sont pardonnées, aussi, puis les prochaines, tiens encore, soyons magnanimes…
    C’était tout.

  3. Silvère dit :

    Chère Yaël,
    Je reviens encore. Désolé, mais je m’attache toujours abusivement aux choses et aux gens qui m’intéressent. Deux mots, mais avant cela une réserve.
    J’interroge parfois l’utilité de mes commentaires. Je vous parle avec une familiarité illégitime (c’est ça), et vous entoure de critiques (menues, vous admettrez), de conseils, et d’affections. Mais qui suis-je? Ce ‘si peu d’âge’ qui nous sépare m’en donne t-il le droit? Vous avez, sans doute, lu largement autant que moi, vous êtes une jeune femme brillante, promise au plus bel avenir,… Et je ne suis rien, ça se saurait. Pour l’instant, voudrais-je ajouter, il est des espoirs et des certitudes qui préservent ou égarent… Sachez que vous êtes tout à fait autorisée à m’envoyer braire ailleurs, sans ménagement même. Disons que je parle pour votre bien, et par bienveillance; j’espère que cette bienveillance se fera entendre, de vous. Sachez-le, toutefois… Voilà pour la pondération.
    Je vous ai dit que vous êtes un écrivain, et je le pense, sincèrement. (Ici, pour avoir lu et beaucoup aimé les livres, je me crois légitime) A ceci près, cependant: plus justement, vous pourriez le devenir, vous avez cela en vous. Subtilité, regard, usage des mots, bien plus encore… Mais il vous faudra douloureusement, laborieusement, patiemment, humblement aussi, aller chercher votre voix, et votre vérité, celles qui parleront à tous, à quelques uns, longtemps. En vous-même, en cette inconnue que vous demeurez. Sans vous prémunir jamais. Parce que vous avez du talent et du bonheur, en vous, autour. Aller chercher cette voix, en vous gardant de vous quelque part, d’autant plus qu’il y a du talent et du bonheur, en vous, autour… Sinon vous ne ferez qu’effleurer votre ‘destin’, je le crains.
    Amitiés (ne retenez que cela). Répondez je vous prie, jouez le jeu, c’est un dialogue que j’attends. N’est-ce pas aussi le sens d’un blog (mot affreux, non?)? Cependant rien ne vous oblige. Ne vous contentez pas de lire de la correspondance, faites-en…

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