La paix de l’archiviste
Enfin un grand fou rire dans le métro vers Brooklyn hier soir. Raphaël m’a fait rire et rire pendant les une heure et demie de trajet qui nous menaient d’un concert sépulcral de free jazz par un vieux pianiste “légende vivante pour inconnue morte” à Columbus Circle vers enfin une fête pleine de jeunesse et de gaité chez Chester et Jay. Ils habitent à Sunset park dans une très belle maison où j’ai fini par m’endormir avant de filer vers les 10 heures du matin, la gueule de bois, plus de douleur et sans soutien-gorge pour un brunch dans le upper east-side. Juste ce dont j’avais besoin : des coktails chics griffés “années 30- grande dépression”, des conversations sur la décadence française XIXe, un peu de danse, et une nuit loin de chez moi dans des bras juste tendres. Mes amis sont formidables, je ne le répéterai jamais assez.
Avant j’ai quand même promené Stendhal dans tout Manhattan, bien cachée derrière mes lunettes noires, zombie ankylosée, et ai à nouveau été touchée par la solitude terrible d’un autre vieux juif. Impatient (il a le droit à 87 ans!) il a voulu quitter le concert, et la française respectueuse en moi n’a pas pu le laisser marcher dans le froid tout seul. Je l’ai donc raccompagné, ratant quelques elucubrations mystiques de notre pianiste de génie. Quand est-ce que j’intégrerai le “moi d’abord” américain? C’était censé être ma thérapie. Qui vient de loin, de Louis XV, me rappelle souvent ma chère Regina Spektor dans son brillant “Après moi” (le déluge) en anglais en français et en russe.
Ce soir, enfin fatiguée (3 heures de sommeil, 1/2 litre de vodka, un demi Lucien Leuwen, un demi Rosenstock, une grosse injustice e-mailée, et surtout deux heures et demie d’intense conversation avec un collègue historien dans les pattes), je me sens apaisée. Fin de la douleur? Je prépare donc le terrain pour bien bosser et enfin retourner à la gym demain.
“I must go on standing
You can’t break that which isn’t yours
I must go on standing
I’m not my own, it’s not my choice
Be afraid of the lame, they’ll inherit your legs
Be afraid of the old, they’ll inherit your souls
Be afraid of the cold, they’ll inherit your blood
Après moi, le deluge, after me comes the flood”
Yes définitivement survivance ashkénaze avec Regina, et le côté winterreise du piano m’enchante…
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