L’Armory au mouroir

En ce moment, New-York devrait vivre au rythme endiablé de l’Armory Show, la foire annuelle d’art contemporain. Mais, effet de crise, panne d’inspiration ou flemme de traîner de belles pièces, les galeries et leurs galeristes offraient un spectacle désolant aux quelques visiteurs qui se sont risqués sur les bords de la rivière Hudson hier soir.

L’Armory show est la foire d’art contemporain de New-York. Hier était le premier jour d’ouverture de l’exposition au grand public. Les galeries déploient leurs trésors sur les bords de l’Hudson River, tout à l’ouest de Manhattan, à la hauteur de la 55 e rue.

Malgré ses airs de hangar à rave, le lieu de la foire respire la petite mort d’ennui devant un bon vieux (et médiocre) Picasso. Plus d’une centaine de grandes galeries internationales sont pourtant réunies dans cet évènement, qui, depuis sa création en 1999, est censé être une vitrine mondiale de l’art moderne et contemporain.

L’étage (Pier 92) réunit les plus grands galeristes (Malborough, Daniel Templon, Leonard Hutton) et regroupe des œuvres déjà classiques. On y trouve effectivement des Basquiat et des Sam Francis de qualité. Ainsi que quelques notables Stella, Wesselmann, et Manolo Valdes. Engoncés dans leurs costumes très bien coupés, les exposants et leurs rares publics font la gueule des grands blasés dans des fauteuils confortables. C’est pourtant la partie la plus intéressante de l’exposition.

Après avoir descendu en bon ordre un escalier croulant en féraille le visiteur atteint Pier 94 et la vaste panoplie des galeries qui devraient montrer du sang et des images neuves. Le grand héros de la section est l’artiste ouest-africain(Ghana et Nigéria) El Anatsui et ses grandes tapisseries minutieuses faites des débris brillants de nos civilisations. Sauf qu’on le connaît déjà bien en France depuis l’exposition à Beaubourg « Africa Remix » et qu’il a déjà été encensé à la biennale de Venise, il y a deux ans et par le New-York Times. Il donne le ton du reste des œuvres, qu’elles soient américaines ou de nouvelle vague asiatique : néo-pops, légèrement artisanales, et volontiers en deux dimensions ou simili (très peu d’installations, et quasiment pas de vidéos). En résumé : pas de vagues, sinon juste à l’âme infertile.

L’œuvre de Mounir Fatmi, bien nommée « Keeping Faith » et pastichant sans humour les chaises électriques de Andy Warhol à grands renforts de cassettes vidéos recyclées est probablement le fin mot de ce show bien amer.

Pour faire bonne mesure et contre mauvaise volonté bon œil, notons tout de même que de nombreuses photos très classiques signés André Kertesz, Diane Arbus ou Annie Leibovitz (notamment chez Howard Greenberg). Et les clichés de vieilles dames californiennes touchantes de Katy Graman chez Greenberg van Doren.

Et puisque c’est la tradition, voici le top 3 (classique) d’en3mots

– L’hommage icônesque de Mimmo Paladino au cinéaste russe André Tarkovski chez Alan Cristea

– Un Anselm Kiefer kabbalistique de toute beauté à la Galerie Thomas

– Et un Rauschenberg tardif (1998) représentant un universitaire face à la fin du monde chez Pace Wildenstein.

Le programme des conférences du « open forum », très orienté « marché » est à l’avenant du reste de la foire.

Bref, courons voir les off, ce week-end, la Volta, Art Now Fair, Fountain New York, PooL, Bridge Art Fair, Pulse et Scope New York (infos ici) en espérant que cette crise puisse inspirer autant de belles choses que la grande dépression des années 1930 à laquelle elle est si souvent comparée.

Armory Show, jusqu’au 7 mars, midi- 20h (19h samedi), Pier 92 &94, 12 av at 55th street, New-York, 30 $ (étudiants 10 $).

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