Archive pour 28 janvier 2009

D’une toute petite voix

Mercredi 28 janvier 2009

“Mes amis, c’est le coeur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat”… spéciale dédicace à laurent C qui ne lira pas ce blog.

A deux heures quinze après avoir vidé quinze canettes de coca-light et finalement terminé le énième poème médiocre de la semaine, quelques nouvelles de New-York enneigé.

Au rayon des amitiés, comme d’habitude, je suis traitée en princesse orientale : Chester, mon ami architecte vernissait vendredi pour la première fois dans une galerie de Williamsburg. Ses parents étaient venus de Californie, et cela m’a fait plaisir de revoir sa mère si parfaite. Il était rayonnant dans sa chemise blanche dans la petite boutique d’art encombrée de cookies oréos et d’une foule sympathique. J’ai fait venir trois amis avec qui nous avons fini dans des litres de Bourgogne. Raphaël, rencontré lors de notre soirée du 31 décembre à Paris est le plus argentin des new-yorkais, un personnage à lui seul, qui mériterait une nouvelle par Franz Werfel ou Musil. Danny m’a sauvé la vie trois fois cette semaine, m’aidant à imprimer mes volumineuses notes de thèse dans son très chic bureau de la 5 e  avenue, en répondant à mon appel (“I feel like triple-shit”, en anglais dans le texte), en m’écoutant immédiatemment dans un bistrot japonais branché (ou je me suis saoulée au nippon-bellini) puis me conviant à chanter aussi bien “Paint it black” que les Spice girls dans un karaoké avec une foule d’siraéliens joyeux. Enfin, il m’a initiée à l’art subtil des textos en vers ce qui est à la fois très bon pour mon anglais et pour le repos de ma susceptibilité (je dois dire que je me lassais de ses messages du type “as tu bien bossé ton cul de super-saloooope” en sortant de la gym). Aujourd’hui, j’ai déjeuné- eh oui ça arrive – avec une femme, Raphaëlle qui a un cerveau et surtout un coeur en or. Et Aurore a débarqué chez moi ce week-end, égayant mes lectures morbides (je viens seulement de réaliser que je travaille depuis 5 ans sur des juifs morts et/ou traumatisés exclusivement). Enfin, égal à lui-même Arnon m’a permis de m’amuser comme une enfant devant un vieux film en noir et blanc, et m’a  encore bluffée par son accuité.

Au rayon des amours, Paris s’est invité à New-York et comme je l’ai dit à Arnon, c’est un champ de bataille que j’essaie de ne pas convertir en boucherie. Je me suis donc privée du confort d’un petit copain qui savait me dire que j’étais belle en suédois et en icelandais (langue encore plus laide que le suisse allemand) pour me morfondre entre la gym, le cours assommant d’hérmeneutique et mes notes de thèse sur le matelas de mon lit douillet. Au moins j’y suis inoffensive. Et je bosse. Banalité oblige : sans munitions de nouveaux livres à chroniquer, et l’âme et le corps en paix, je vais finalement peut-être l’écrire cette thèse.

Ma directrice arrive samedi, d’ici là, l’efficacité est de mise.

Finalement, je me demande si ce n’est pas fatigant de vouloir faire de chaque jour un quatorze juillet… Est-ce l’âge, une sagesse passagère ou une grande déprime que de pratiquer le boulot-métro-sport-diner-un cachet-et-au lit?

 

Lascia la spina

Mercredi 28 janvier 2009

Epaule rebelle

Apprends-moi la lenteur

Cache le chas des prunelles

Laisse-moi t’étendre en chantant

Attachant les doigts de la peur.

 

Sans un poinçon de sang

Je veux la paix du joueur

La peau-testament

M’attarder en fouillant

Les tarots tâtonnants

Et manger, maquerelle

La promenade des sueurs.

 

Bouche-ménestrel

Epelle-moi crus et sans gants

Les mots mauves et moussants

Apprends à mes bras laboureurs

L’attente du serpent

Sa nudité au goût de sel

.Et ses longs mouvements

Où s’émeraudent les heures.

 

La fessée viendra certainement

Ses fascinantes griffes de sœur

Fardant le dos de dentelles. .

 

Mais  viens, il est encore temps

Dans une bataille-lueur

De cheveux survivants

Etouffés de cannelle.

Apprends-moi en connaisseur

Le don sans divertissement.

 

Elève-moi loin

Echappe-moi en croyant

Refais-moi à nouveau enfant,

Apprends-moi la lenteur.

Merci Matthieu

Mercredi 28 janvier 2009

Je retranscris le texte de Matthieu Grimpret, paru dans le Monde du 27 janvier. Rien à ajouter. Si ce n’est que c’est mon ami, que je l’aime, et que je le remercie. Et que la liberté de son profond catholicisme m’émeut plus tous les jours.

J’ai honte d’être catholique”, par Matthieu Grimpret

Il y a dix ans, j’étais en train d’écrire un livre qui connut un certain retentissement et que certains ont même qualifié de “manifeste de la génération Jean Paul II”. Dans la fougue de mes 20 ans, je lui avais donné un titre un peu grandiloquent, La Révolution de Dieu, et un sous-titre sans ambiguïté : Jeune, catholique et heureux de l’être (éd. Anne Carrière, 2000).

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Dans ce livre, je dévoilais la joie qu’un jeune du XXIe siècle peut éprouver à découvrir que le Christ Jésus est proche de lui, partout et tout le temps. S’il fallait le réécrire, je le ferais sans problème – quoique avec moins d’ardeur, le temps ayant fait son oeuvre et douché maintes illusions…

Et pourtant, aujourd’hui, pour la première fois de ma vie de croyant, j’ai honte d’être catholique. Le pape Benoît XVI vient de mettre fin à l’excommunication qui touchait les quatre évêques schismatiques ordonnés par Mgr Lefèvre. A la rigueur, le principe de cette mesure où, d’après le Cardinal Ré, signataire du décret, le pape se montre “sensible, comme le serait un père, au malaise spirituel manifesté par les intéressés à cause de la sanction d’excommunication”, peut se comprendre. Il ne m’appartient pas d’en juger.

En revanche, je ne comprends pas – et c’est la raison même de ma honte – qu’on ouvre les bras à un homme, Mgr Richard Williamson, dont l’antisémitisme et le négationnisme sont désormais de notoriété publique, puisqu’il a déclaré, il y a peu, à une télévision suédoise : “Je crois qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz (…). Je pense que 200 000 à 300 000 juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz.”

C’est en effet très troublant. Peut-on croire que les services de la Curie romaine n’ait jamais eu vent des pensées et des propos douteux de ce prélat ? Si c’est le cas, on regrettera l’extraordinaire légèreté avec laquelle cette administration a agi, négligeant de se pencher sur les positions de Mgr Williamson concernant le judaïsme, domaine pourtant crucial puisque le judaïsme est, selon le pape lui-même, “la matrice éternellement vivante et valable” de la foi catholique. Et si la Curie romaine savait et a malgré tout oeuvré pour que soit levée l’excommunication de cet homme, il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer et nos prières pour supplier le pardon de Dieu.

Car, dans ces conditions, cela signifie que les analyses un peu faciles selon lesquelles le pape et son entourage ont décidé, au nom de la lutte contre le relativisme, de fermer les écoutilles et de ne plus prêter attention au monde qui les entoure – ces analyses ne relèveraient pas que du fantasme. Le pape est-il vraiment en train de faire reculer l’Eglise ?

Je suis un esprit libéral, certes, mais dans un corps conservateur ; l’obéissance à l’autorité légitime est pour moi une question de principe ; je crois avoir toujours fait preuve, en tant que baptisé, de la plus grande fidélité possible au Saint-Père ; je répugne même à critiquer en public les enseignements du magistère avec lesquels je suis en désaccord total – non parce que je n’en aurais pas le droit, mais parce que, dans mon esprit, le chef est le chef…

Mais là, désolé, non. Non possum.

Il me serait facile, et sans démagogie aucune, de mettre en balance le sort réservé à Mgr Williamson, négationniste affiché qu’on vient de rétablir dans la communion de l’Eglise, et celui des paroissiens de base, comme j’en connais beaucoup, qui sont divorcés-remariés et ne peuvent pas, eux, communier au corps et au sang du Christ. Le personnel de l’Eglise donne au monde la détestable impression que, pour les catholiques, il vaut mieux être antisémite que divorcé…

Depuis qu’il est arrivé sur le trône de saint Pierre, Benoît XVI a placé au coeur de son action pastorale la notion de “non négociable”, c’est-à-dire l’idée selon laquelle certains enseignements de l’Eglise, qui ne relèvent pourtant pas de la Révélation et du dépôt de la Foi, n’en constituent pas moins des pierres d’achoppement sur lesquelles il n’est pas possible de transiger. Il s’agit notamment de toutes les questions d’anthropologie, de morale sexuelle, de défense de la vie. A titre personnel, j’estime qu’il s’agit d’une fuite en avant de nature idéologique, à rebours de l’Evangile. Mais, après tout, qui suis-je pour juger les idées du pape…

En revanche, je crois être en droit de réclamer, comme beaucoup de catholiques, et pas uniquement les officines progressistes, une explication sur le point suivant : voter pour un candidat compétent mais qui refuse de s’engager contre la loi Veil, c’est non négociable ; par contre, rendre toute sa place à un évêque qui nie la Shoah et tient des propos inhumains, c’est tout à fait négociable – et ce au nom d’une unité qui, du reste, constitue un véritable leurre.

Eh bien pour moi, la Shoah, c’est non négociable. Et, dans les jours qui viennent, quand je serai amené, à travers mon engagement au service de l’amitié judéo-chrétienne, à rencontrer mes “frères aînés dans la foi” de l’Alliance israélite universelle ou de l’Union des patrons juifs de France, “je ne rougirai certainement pas du Christ”, comme le dit saint Paul – mais, oui, j’aurai honte d’être catholique.
Matthieu Grimpret est essayiste, professeur d’histoire, chercheur en théologie politique. Il est l’auteur de “La Révolution de Dieu : Jeune, catholique et heureux de l’être” et de “Dieu est dans l’isoloir”.

Matthieu Grimpret